Enfants de Singapour

Concrétiser les droits de l’enfant à Singapour

Les enfants de Singapour sont protégés par un système juridique exhaustif qui leur garantit des droits fondamentaux et un niveau de vie adéquat. Cependant, plusieurs lois criminelles trop restrictives et non-inclusives ainsi que des règles discriminatoires les mettent en danger. Les principaux domaines qui nécessitent un changement de direction pour mieux respecter les droits de ces enfants incluent le travail des enfants, la justice juvénile, la liberté d’expression, l’orientation sexuelle et l’identité de genre.

Indice des Droits de l’Enfant: 8,39 / 10
Niveau jaune : Situation plutôt bonne

Population : 5,9 millions
Pop. de 0 à 14 ans : 12,41 %

Espérance de vie : 83,93 années
Mortalité des moins de 5 ans : 1,85 ‰

Un aperçu de Singapour

Singapour est une cité-Etat qui consiste en une île principale et d’autres îles plus petites, situées à la pointe sud de la péninsule Malaise. Alors que c’est l’un des états les plus riches au monde, sa position stratégique à l’embouchure du Détroit de Malacca en a fait l’un des centres majeurs du commerce en Asie. Etant donné son petit territoire et sa population nombreuse, c’est l’un des pays les plus densément peuplés de la planète. Le taux officiel d’urbanisation est de 100% mais on trouve davantage de régions rurales dans la partie nord et les plus petites îles (World Population Review, 2022). 

Les Chinois (74,3 %) constituent la majorité de la population résidente, suivis par les Malais (13,5 %) et les Indiens (9 %), mais à cela s’ajoutent aussi 1 642 000 non-résidents, travailleurs ou étudiants possédant des permis temporaires, qui réunis forment 29 % de la population totale (World Population Review, 2022). Ces chiffres et l’existence d’une culture multiethnique signifient que de nombreuses religions sont pratiquées à Singapour. Celles qui ont le plus d’adhérents sont le bouddhisme (31 %), le christianisme (19 %), l’islam (15,5 %), le taoïsme (9 %) et l’hindouisme (5 %) alors que 20 % des résidents se déclarent non croyants (Word Population Review, 2022).  

D’un point de vue politique, Singapour est une république parlementaire avec une structure législative unicamérale élue tous les cinq ans. Malgré un système économique libéral et une structure politico-institutionnelle considérée comme non corrompue, Singapour a un régime politique qui restreint sévèrement la liberté d’expression, d’association et de manifestation, et le respect d’autres droits fondamentaux (Human Rights Watch, 2022).

Le statut des droits des enfants [1]

La protection officielle des enfants à Singapour a commencé avec l’Ordonnance sur les enfants de 1927 dont le but était « d’offrir aux enfants une protection contre la cruauté » (Ministère du développement communautaire, de la jeunesse et des sports, 2005). En juin 1946, suite à la Seconde Guerre mondiale, le premier Département de la Protection sociale de Singapour a été créé afin d’examiner divers domaines de la politique sociale. Ce mandat a permis en 1949 le vote de l’Ordonnance sur  les enfants et les jeunes, bien plus complète et considérée comme le précurseur de la législation actuelle (Ministère du développement communautaire, de la jeunesse et des sports, 2005).

De nos jours, le Ministère du développement communautaire, de la jeunesse et des sports a l’obligation statutaire de protéger les enfants de la maltraitance et de la négligence. Ses devoirs sont énoncés dans la Loi sur les enfants et les jeunes actuellement en vigueur. Cette loi fournit une protection légale pour les enfants de moins de 14 ans ainsi que pour les jeunes de 14 à 16 ans.

En octobre 1995, en adhérant à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CIDE), Singapour s’est engagée à respecter les normes élémentaires en matière de santé, d’éducation et de services légaux et sociaux pour les enfants, et jusqu’à ce jour, l’état respecte cette obligation. Dans de nombreux domaines, les dispositions pour les enfants allaient déjà bien au-delà de ces normes élémentaires. Le principe de « l’intérêt supérieur de l’enfant » a depuis guidé les mesures prises par Singapour et sa provision de services pour les enfants et les jeunes, notamment dans le domaine de la protection des enfants (Ministère du développement communautaire, de la jeunesse et des sports, 2005).

Singapour a ratifié ou adhéré aux accords internationaux suivants relatifs aux droits humains : la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF), la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE), le Protocole facultatif à la CIDE sur l’implication des enfants dans les conflits armés en 2008 et la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Cependant, jusqu’en 2022 , Singapour n’a pas ratifié la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Pacte international relatifs aux droits civiques et politiques (PIDCP), le Deuxième protocole facultatif se rapportant au PIDCP qui vise à abolir la peine de mort, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (Human Rights Watch, 2022).

Répondre aux besoins des enfants

Droit à l’éducation

Depuis 2003, la scolarité est obligatoire pour tous les enfants nés après le 1er janvier 1996. L’éducation à Singapour n’est pas gratuite mais le gouvernement subventionne de façon significative les frais d’inscription.Pour cette raison, le système éducatif de Singapour est considéré comme l’un des meilleurs de la région. En fait, les infrastructures éducatives à Singapour se sont considérablement améliorées depuis l’indépendance. La restructuration de l’éducation primaire et secondaire, combinée à l’introduction d’un système de formation professionnelle, permet aux enfants de poursuivre leur instruction jusqu’à l’âge de seize ans.

Droit à la liberté

Le Gouvernement de Singapour a recours à des lois criminelles bien trop restrictives ainsi que des procès civils en diffamation afin d’harceler et de poursuivre en justice les voix critiques, parmi lesquelles se trouvent des militants, des bloggers et des journalistes (Human Rights Watch, 2022).

Les défenseurs des droits de l’homme, y compris les enfants, ne sont pas protégés contre les abus de la police et encourent de sérieux risques d’être emprisonnés pour avoir participé à des manifestations ou exprimé des points de vue politiques critiques. Bien que Singapour ait développé un système de protection sociale pour répondre aux besoins des enfants, aucune disposition protectrice ne garantit le droit de l’enfant d’exprimer ses points de vue et opinions  (Yale University, 2016).

De plus, les enfants n’ont pas le droit d’exprimer leurs opinions dans les établissements scolaires. Le gouvernement utilise la discipline, ce qui n’encourage pas les enfants à exprimer leurs propres idées mais renforce plutôt leur sentiment d’être constamment intimidés.

Facteurs risques → Défis propres au pays

Violence

Dans les écoles, on pratique des châtiments corporels, surtout contre les garçons. Ce type de coutume est difficile à contrôler et à mesurer. La loi qui réglemente les établissements scolaires autorise des maltraitances physiques sur la paume de la main ou sur les fesses pour corriger les comportements, notamment des garçons. Ces types de châtiments corporels s’utilisent dans des centres de désintoxication, de détention et de formation militaire, où tous les garçons sont censés s’inscrire pendant deux ans.

Malheureusement, certaines formes de discrimination persistent, surtout contre les filles, les enfants handicapés et les personnes non-citoyennes de Singapour. Les données sur les enfants handicapés sont très limitées et peu accessibles. La situation de ces enfants est particulièrement inquiétante, surtout pour ceux âgés de plus de six ans, puisque la scolarité obligatoire ne semble pas plus s’appliquer à eux qu’aux enfants immigrés.

Le travail des enfants

Le gouvernement de Singapour a ratifié la Convention n° 182 de l’OIT sur les pires formes de travail des enfants le 14 juin 2001 mais n’a pas ratifié la Convention n° 138 sur l’âge minimum d’admission à l’emploi (Représentante au Commerce des Etats-Unis, 2022).

En fait, le travail des enfants reste un fléau majeur à travers l’Asie du Sud-est. Effectivement, même si des données statistiques sur l’activité économique des enfants âgés de moins de quinze ans ne sont pas disponibles puisque Singapour ne rassemble pas de telles informations, c’est un fait établi que le travail des enfants fait partie de l’économie de la cité-état (Représentante au Commerce des Etats-Unis, 2022).

Selon la Loi sur l’emploi en particulier, les enfants peuvent exécuter des travaux légers à  partir de douze ans. Les enfants âgés de moins de quatorze ans peuvent être employés dans une entreprise industrielle seulement s’il s’agit d’une entreprise familiale, alors que les jeunes âgés de quatorze à seize ans peuvent travailler dans ce type de structure s’ils possèdent un certificat médical pour garantir leur aptitude à travailler (Représentante au Commerce des Etats-Unis, 2022). L’esclavage et le travail forcé sont interdits par la Constitution de Singapour de même que le trafic d’enfants est interdit par la Loi sur les enfants et les jeunes et la Charte des femmes.

L’orientation sexuelle et l’identité de genre

Les droits des personnes LGBTQ+ à Singapour sont sévèrement restreints. En fait, Singapour est l’un des neuf pays d’Asie – avec le Bangladesh, le Bhoutan, les Maldives, le Pakistan, le Sri Lanka, la Malaisie et le Myanmar – à criminaliser les relations sexuelles entre les hommes. Les rapports entre femmes ne constituent pas un crime mais sont cependant sujets à des restrictions.

Il n’existe pas de protections juridiques contre les discriminations fondées sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. Singapour empêche les groupes LGBTQ+ de s’enregistrer et de fonctionner de façon légale (Human Rights Watch, 2022). Les adolescents de la communauté LGBTQ vivent dans un environnement difficile puisque la plupart des familles n’acceptent par leur orientation sexuelle et les mettent à la porte (Ministère du développement social et familial, 2021).

Le Ministère du développement social et familial a déclaré que les options actuellement offertes aux adolescents jeunes et vulnérables mis dehors pour des raisons telles que leur orientation sexuelle ou identité de genre sont des refuges tenus par des groupes de la communauté LGBTQ+ auxquels le gouvernement envisage d’étendre le soutien financier (Ministère du développement social et familial, 2021). En réalité, malgré ces bonnes intentions, les membres de la communauté LGBTQ, peu importe leur âge, font face à des discriminations majeures (Human Rights Watch, 2022).

Les enfants et la justice

A Singapour, les personnes de moins de seize ans reconnues coupables d’un délit ne peuvent pas être condamnées à la peine capitale mais peuvent être condamnées aux châtiments corporels et à l’emprisonnement à vie. En effet, l’utilisation des châtiments corporels est une peine complémentaire courante (Human Rights Watch, 2022).

De plus, le châtiment corporel est une sentence légale pour les délinquants mineurs et pour les hommes âgés de seize à cinquante ans et considérés comme médicalement aptes, alors que les coups de canne sont obligatoires pour un large éventail de crimes. Plus particulièrement, les enfants de sept à quinze ans peuvent recevoir jusqu’à dix coups d’une légère canne en rotin, et les personnes plus âgées jusqu’à 24 coups avec une canne en rotin de jusqu’à 1, 27  cm de diamètre (CRIN, 2010). Il est important de noter qu’une telle pratique constitue une forme de torture selon la législation internationale.

Les principales lois sur la justice des mineurs sont la Loi sur les enfants et les jeunes de 1993, le Code pénal de 1872 et le Code de procédure criminelle de 2010 (CRIN, 2010). L’âge minimum de responsabilité pénale est défini à sept ans par le Code pénal, et le Code de procédure criminelle définit comme mineur toute personne entre 7 et 15 ans (CIRN, 2010). Les personnes âgées de 16 à 17 ans sont jugées en tant qu’adultes.

De plus, alors que la peine capitale est illégale pour les enfants délinquants, l’emprisonnement à vie peut cependant aussi être appliqué aux personnes de moins de dix-huit ans. Plus particulièrement, les enfants de sept à quinze ans peuvent être condamnés à l’emprisonnement à vie seulement dans les cas d’homicide volontaire et de tentative de meurtre, et les personnes de 16-17 ans pour un éventail plus large de crimes (CRIN, 2010).

Écrit par Federica Versea

Relu en interne par Aditi Partha

Traduit par Catheline Hannier

Révisé par Alex Macpherson

Dernière mise à jour le 22 août 2022

Bibliographie :

CRIN. (2010). Inhuman sentencing of children in Singapore. Taken from CRIN – Child Rights International Network: https://archive.crin.org/sites/default/files/singapore_inhuman_sentencing.pdf accessed on 11 August 2022.

Human Rights Watch. (2022). Singapore Events of 2021. Taken from Human Rights Watch : https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/singapore accessed on 10 August 2022.

Human Rights Watch. (2022). Human Rights Watch. Taken from Singapore Events of 2021: https://www.hrw.org/world-report/2022/country-chapters/singapore on 10 August 2022.

Human Rights Watch. (2022). Singapore 2021 Human Rights Report. Taken from Human Rights Watch: https://www.state.gov/wp-content/uploads/2022/03/313615_SINGAPORE-2021-HUMAN-RIGHTS-REPORT.pdf  accessed on 10 August 2022.

Ministry of Community Development, Youth and Sports. (2005). Protecting Children in Singapore. Taken from Ministry of Community Development, Youth and Sports: http://www.iccwtnispcanarc.org/upload/pdf/7627407937Protecting%20Children%20in%20Singapore%20.pdf accessed on 12 August 2022.

Ministry of Social and Family Development. (2021). Shelter For Teens Kicked Out Of Homes Due To Sexual Orientation Or Gender Identity. Taken from Ministry of Social and Family Development: https://www.msf.gov.sg/media-room/Pages/Shelter-for-Teens-Kicked-Out-of-Homes-Due-to-Sexual-Orientation-or-Gender-Identity.aspx accessed on 9 August 2022.

The United States Trade Representative. (2022). Laws Governing Exploitative Child Labor Report: Singapore. Taken from The United States Trade Representative: https://ustr.gov/archive/assets/Trade_Agreements/Bilateral/Singapore_FTA/Reports/asset_upload_file926_3208.pdf accessed on 9 August 2022.

World Population Review. (2022). Singapore Population 2022. Taken from World Population Review: https://worldpopulationreview.com/countries/singapore-population accessed on 20 August 2022.

Yale University. (2016). Singapore. Taken from Representing Children Worldwide: https://rcw.law.yale.edu/jurisdiction-research/singapore accessed on 20 August 2022.


[1] Cet article ne prétend en aucune manière donner une présentation complète ou représentative des droits des enfants à Singapour ; en effet, l’un des nombreux défis est le peu d’informations mises à jour concernant ces enfants, et une grande partie d’entre elles sont peu fiables, non représentatives, dépassées ou simplement inexistantes.