Protocole additionnel, aux Conventions de Genève, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (Protocole I)
8 Juin 1977
Articles concernant la protection des enfants
Titre IV : Population civile
Section III – Traitement des personnes au pouvoir d’une Partie au conflit Chapitre I – Champ d’application et protection des personnes et des biens
Article 74 – Regroupement des familles dispersées
Les Hautes Parties contractantes et les Parties au conflit faciliteront dans toute la mesure du possible le regroupement des familles dispersées en raison de conflits armés et encourageront notamment l’action des organisations humanitaires qui se consacrent à cette tâche conformément aux dispositions des Conventions et du présent Protocole et conformément à leurs règles de sécurité respectives.
Article 75 – Garanties fondamentales
1. Dans la mesure où elles sont affectées par une situation visée à l’article premier du présent Protocole, les personnes qui sont au pouvoir d’une Partie au conflit et qui ne bénéficient pas d’un traitement plus favorable en vertu des Conventions et du présent Protocole seront traitées avec humanité en toutes circonstances et bénéficieront au moins des protections prévues par le présent article sans aucune distinction de caractère défavorable fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout autre critère analogue. Chacune des Parties respectera la personne, l’honneur, les convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes.
2. Sont et demeureront prohibés en tout temps et en tout lieu les actes suivants, qu’ils soient commis par des agents civils ou militaires :
a) les atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes, notamment :
i) le meurtre ;
ii) la torture sous toutes ses formes, qu’elle soit physique ou mentale ;
iii) les peines corporelles ; et
iv) les mutilations ;
b) les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants, la prostitution forcée et toute forme d’attentat à la pudeur ;
c) la prise d’otages ;
d) les peines collectives ; et
e) la menace de commettre l’un quelconque des actes précités.
3. Toute personne arrêtée, détenue ou internée pour des actes en relation avec le conflit armé sera informée sans retard, dans une langue qu’elle comprend, des raisons pour lesquelles ces mesures ont été prises. Sauf en cas d’arrestation ou de détention du chef d’une infraction pénale, cette personne sera libérée dans les plus brefs délais possibles et, en tout cas, dès que les circonstances justifiant l’arrestation, la détention ou l’internement auront cessé d’exister.
4. Aucune condamnation ne sera prononcée ni aucune peine exécutée à l’encontre d’une personne reconnue coupable d’une infraction pénale commise en relation avec le conflit armé si ce n’est en vertu d’un jugement préalable rendu par un tribunal impartial et régulièrement constitué, qui se conforme aux principes généralement reconnus d’une procédure judiciaire régulière comprenant les garanties suivantes :
a) la procédure disposera que tout prévenu doit être informé sans délai des détails de l’infraction qui lui est imputée et assurera au prévenu avant et pendant son procès tous les droits et moyens nécessaires à sa défense ;
b) nul ne peut être puni pour une infraction si ce n’est sur la base d’une responsabilité pénale individuelle ;
c) nul ne sera accusé ou condamné pour des actions ou omissions qui ne constituaient pas un acte délictueux d’après le droit national ou international qui lui était applicable au moment où elles ont été commises. De même, il ne sera infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l’infraction a été commise. Si, postérieurement à cette infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ;
d) toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie ;
e) toute personne accusée d’une infraction a le droit d’être jugée en sa présence ;
f) nul ne peut être forcé de témoigner contre lui-même ou de s’avouer coupable ;
g) toute personne accusée d’une infraction a le droit d’interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d’obtenir la comparution et l’interrogatoire des témoins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à charge ;
h) aucune personne ne peut être poursuivie ou punie par la même Partie pour une infraction ayant déjà fait l’objet d’un jugement définitif d’acquittement ou de condamnation rendu conformément au même droit et à la même procédure judiciaire ;
i) toute personne accusée d’une infraction a droit à ce que le jugement soit rendu publiquement ;
j) toute personne condamnée sera informée, au moment de sa condamnation, de ses droits de recours judiciaires et autres ainsi que des délais dans lesquels ils doivent être exercés.
5. Les femmes privées de liberté pour des motifs en relation avec le conflit armé seront gardées dans des locaux séparés de ceux des hommes. Elles seront placées sous la surveillance immédiate de femmes.
Toutefois, si des familles sont arrêtées, détenues ou internées, l’unité de ces familles sera préservée autant que possible pour leur logement.
6. Les personnes arrêtées, détenues ou internées pour des motifs en relation avec le conflit armé bénéficieront des protections accordées par le présent article jusqu’à leur libération définitive, leur rapatriement ou leur établissement, même après la fin du conflit armé.
7. Pour que ne subsiste aucun doute en ce qui concerne la poursuite et le jugement des personnes accusées de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité, les principes suivants seront appliqués :
a) les personnes qui sont accusées de tels crimes devraient être déférées aux fins de poursuite et de jugement conformément aux règles du droit international applicable ; et
b) toute personne qui ne bénéficie pas d’un traitement plus favorable en vertu des Conventions ou du présent Protocole se verra accorder le traitement prévu par le présent article, que les crimes dont elle est accusée constituent ou non des infractions graves aux Conventions ou au présent Protocole.
8. Aucune disposition du présent article ne peut être interprétée comme limitant ou portant atteinte à toute autre disposition plus favorable accordant, en vertu des règles du droit international applicable, une plus grande protection aux personnes couvertes par le paragraphe 1.
Article 76 – Protection des femmes
1. Les femmes doivent faire l’objet d’un respect particulier et seront protégées, notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et toute autre forme d’attentat à la pudeur.
2. Les cas des femmes enceintes et des mères d’enfants en bas âge dépendant d’elles qui sont arrêtées, détenues ou internées pour des raisons liées au conflit armé seront examinés en priorité absolue.
3. Dans toute la mesure du possible, les Parties au conflit s’efforceront d’éviter que la peine de mort soit prononcée contre les femmes enceintes ou les mères d’enfants en bas âge dépendant d’elles pour une infraction commise en relation avec le conflit armé. Une condamnation à mort contre ces femmes pour une telle infraction ne sera pas exécutée.
Article 77 – Protection des enfants
1. Les enfants doivent faire l’objet d’un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d’attentat à la pudeur. Les Parties au conflit leur apporteront les soins et l’aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison.
2. Les Parties au conflit prendront toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités, notamment en s’abstenant de les recruter dans leurs forces armées. Lorsqu’elles incorporent des personnes de plus de quinze ans mais de moins de dix-huit ans, les Parties au conflit s’efforceront de donner la priorité aux plus âgées.
3. Si, dans des cas exceptionnels et malgré les dispositions du paragraphe 2, des enfants qui n’ont pas quinze ans révolus participent directement aux hostilités et tombent au pouvoir d’une Partie adverse, ils continueront à bénéficier de la protection spéciale accordée par le présent article, qu’il soient ou non prisonniers de guerre.
4. S’ils sont arrêtés, détenus ou internés pour des raisons liées au conflit armé, les enfants seront gardés dans des locaux séparés de ceux des adultes, sauf dans le cas de familles logées en tant qu’unités familiales comme le prévoit le paragraphe 5 de l’article 75 .
5. Une condamnation à mort pour une infraction liée au conflit armé ne sera pas exécutée contre les personnes qui n’avaient pas dix-huit ans au moment de l’infraction.
Article 78 – Evacuation des enfants
1. Aucune Partie au conflit ne doit procéder à l’évacuation, vers un pays étranger, d’enfants autres que ses propres ressortissants, à moins qu’il ne s’agisse d’une évacuation temporaire rendue nécessaire par des raisons impérieuses tenant à la santé ou à un traitement médical des enfants ou, sauf dans un territoire occupé, à leur sécurité. Lorsqu’on peut atteindre les parents ou les tuteurs, leur consentement écrit à cette évacuation est nécessaire. Si on ne peut pas les atteindre, l’évacuation ne peut se faire qu’avec le consentement écrit des personnes à qui la loi ou la coutume attribue principalement la garde des enfants. La Puissance protectrice contrôlera toute évacuation de cette nature, d’entente avec les Parties intéressées, c’est-à-dire la Partie qui procède à l’évacuation, la Partie qui reçoit les enfants et toute Partie dont les ressortissants sont évacués. Dans tous les cas, toutes les Parties au conflit prendront toutes les précautions possibles dans la pratique pour éviter de compromettre l’évacuation.
2. Lorsqu’il est procédé à une évacuation dans les conditions du paragraphe 1, l’éducation de chaque enfant évacué, y compris son éducation religieuse et morale telle que la désirent ses parents, devra être assurée d’une façon aussi continue que possible.
3. Afin de faciliter le retour dans leur famille et dans leur pays des enfants évacués conformément aux dispositions du présent article, les autorités de la Partie qui a procédé à l’évacuation et, lorsqu’il conviendra, les autorités du pays d’accueil, établiront, pour chaque enfant, une fiche accompagnée de photographies qu’elles feront parvenir à l’Agence centrale de recherches du Comité international de la Croix-Rouge. Cette fiche portera, chaque fois que cela sera possible et ne risquera pas de porter préjudice à l’enfant, les renseignements suivants :
a) le(s) nom(s) de l’enfant ;
b) le(s) prénom(s) de l’enfant ;
c) le sexe de l’enfant ;
d) le lieu et la date de naissance (ou, si cette date n’est pas connue, l’âge approximatif) ;
e) les nom et prénom du père ;
f) les nom et prénom de la mère et éventuellement son nom de jeune fille ;
g) les proches parents de l’enfant ;
h) la nationalité de l’enfant ;
i) la langue maternelle de l’enfant et toute autre langue qu’il parle ;
j) l’adresse de la famille de l’enfant ;
k) tout numéro d’identification donné à l’enfant ;
l) l’état de santé de l’enfant ;
m) le groupe sanguin de l’enfant ;
n) d’éventuels signes particuliers ;
o) la date et le lieu où l’enfant a été trouvé ;
p) la date à laquelle et le lieu où l’enfant a quitté son pays ;
q) éventuellement la religion de l’enfant ;
r) l’adresse actuelle de l’enfant dans le pays d’accueil ;
s) si l’enfant meurt avant son retour, la date, le lieu et les circonstances de sa mort et le lieu de sa sépulture.