États signataires et Parties à la Convention relative aux droits de l’enfant

Avec 196 États parties, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant (CDE) est actuellement l’instrument juridique international relatif aux droits de l’Homme le plus ratifié (Tobin, 2019 ; UNICEF, s.d.). Bien qu’elle soit presque universellement adoptée, un État défie de façon flagrante le consensus mondial. Pourquoi les États-Unis d’Amérique (USA) n’ont-ils pas ratifié la convention des droits de l’Homme la plus aboutie à ce jour ?

Adoption, ratification et entrée en vigueur

La CDE est un document qui contient un certain nombre de règles qui lient les États en ce qui concerne les enfants. Cependant, pour comprendre pourquoi elle est contraignante pour la plupart des États mais pas pour les États-Unis, il est utile de comprendre comment un document comme la CDE devient contraignant.

En général, les lois sont des règles qui régissent la vie quotidienne des citoyens. Les limitations de vitesse en sont un exemple. Ces lois sont établies par les gouvernements de nos pays. Ce sont des règles qui font partie du « droit interne ». Les règles contenues dans la CDE sont toutefois différentes. Elles ne sont pas créées par les législateurs de nos pays respectifs, mais par des États qui se réunissent et créent des documents spéciaux contenant des règles de droit international. Ces règles sont spéciales car contrairement aux limitations de vitesse, elles ne disent pas aux citoyens ce qu’ils doivent faire, mais plutôt aux États. Le droit international contient des règles qui régissent les relations entre les États et prévoient des obligations de la part de ces derniers.

Ces documents, également appelés traités ou conventions, passent par différentes étapes avant de devenir contraignants pour les États. Tout d’abord, les représentants des États se réunissent et discutent des règles qui devraient être inscrites dans une convention. C’est ce qu’on appelle la période de rédaction. Lorsque les États se mettent enfin d’accord sur le contenu d’une convention, ils peuvent adopter le document. En d’autres termes, les États acceptent que cette « version » de la convention soit la version finale du document. Les États peuvent alors signer le document, comme on le ferait pour un contrat. En signant une convention, les États se promettent mutuellement qu’ils veulent être liés par les règles qu’ils ont créées ensemble.

Le document signé est ensuite ramené chez lui par le représentant de chaque État afin que le nouveau traité puisse être approuvé en interne par un organe tel qu’un parlement ou un sénat. Cette étape est appelée « ratification ». La signature et la ratification sont des étapes cruciales du processus car elles garantissent que l’État est prêt à être lié par les règles de la convention. C’est essentiel car seuls les États qui signent et ratifient une convention peuvent être liés par les règles qu’elle contient. Il est toutefois important de garder à l’esprit qu’à ce stade du processus, la version finale adoptée d’une convention n’est pas encore juridiquement contraignante. Cela ne se produit qu’à l’étape suivante, après l’entrée en vigueur de la convention.

L’entrée en vigueur peut sembler fantaisiste, mais cela signifie simplement qu’à partir d’un certain moment, la convention devient juridiquement contraignante. En général, l’une des deux conditions suivantes doit être remplie pour qu’une convention puisse entrer en vigueur. Premièrement, un nombre prédéterminé d’États doivent signer et ratifier le document avant que la convention puisse entrer en vigueur. Deuxièmement, la convention fixe une date spécifique après laquelle elle entre en vigueur. Ce n’est qu’après l’entrée en vigueur que les États ayant signé et ratifié la convention deviennent liés par celle-ci et sont considérés comme des parties à la convention.

Enfin, les États qui ne font pas partie des États ayant participé aux négociations initiales, mais qui souhaitent néanmoins devenir parties à la convention, peuvent le faire à une date ultérieure. Ce processus est appelé « adhésion ». Cette situation est assez courante, comme ce fut le cas pour de nombreuses parties à la CDE.

Signature de la convention

Le 20 novembre 1989, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la CDE. Après une longue et difficile période de rédaction de pratiquement 10 ans, la version finale de la Convention est devenue officielle et a été ouverte à la signature (Fottrell, 2021). Pour que la Convention puisse entrer en vigueur, il fallait que 20 États ratifient le traité (Art. 49(2) CDE ; Crawford, 2012).

En grande partie grâce à James Grant, le directeur général de l’UNICEF à ce moment-là, et à ses efforts de lobbying, cet objectif a été atteint dans un délai étonnamment court (Tobin, 2019). La CDE a été ouverte à la signature le 26 janvier 1990 et le 3 août 1990, le Bangladesh a été le 20e État à ratifier la convention et, par conséquent, la CDE est entrée en vigueur le 2 septembre 1990 (Base de données des organes de traités de l’ONU, s.d.).

Cela a marqué le début de quelque chose de nouveau et d’extraordinaire ; les enfants ont été considérés comme des détenteurs, plutôt que des sujets des droits de l’Homme (Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les droits de l’Homme, 2007). Au lieu d’une approche de l’enfance basée sur l’assistance sociale, où les enfants ne sont que l’objet de bons soins, les enfants sont désormais considérés comme des êtres humains et des individus ayant leurs propres droits (UNICEF, n.d.).

Dans les années qui ont suivi, les États ont adhéré les uns après les autres à la CDE. Dans les années 90, un nombre impressionnant de 170 États – parmi lesquels le Yémen, les Pays-Bas, le Kenya, l’Indonésie et l’Équateur – sont devenus parties à la Convention (Base de données des organes de traités de l’ONU, s.d.). Au cours de la décennie suivante, le Timor-Leste, la Serbie et le Monténégro ont également adhéré à la CDE (Base de données des organes de traités de l’ONU, s.d.).

Le Soudan du Sud et la Somalie sont les parties les plus récentes à la Convention. Les deux pays ont adhéré en 2015, ce qui porte le nombre total de signataires et de parties à la CDE à 163 et 196 respectivement (UN Treaty Body Database, n.d.). Cependant, sur ces 163 signataires, un État, illustre pour avoir signé mais pas ratifié le traité, n’est pas encore partie à la CDE : les États-Unis.

L’État qui pourrait ne jamais adhérer

Au cours des dix années de rédaction de la Convention, les États-Unis ont été l’un des principaux moteurs du processus de rédaction (Davidson, 2014). En fait, ils ont formulé des recommandations textuelles pour 38 différents articles de la CDE et proposé de nombreuses nouvelles dispositions de fond, soit plus que tout autre rédacteur (Davidson, 2014). Après l’adoption de la Convention et son ouverture à la signature, les États-Unis ont signé. Cependant, contrairement aux autres parties, les États-Unis ont refusé de la ratifier. Cela soulève la question suivante : pourquoi ?

Tout d’abord, le Sénat américain a exprimé des inquiétudes quant au fait que la CDE diminuerait et s’opposerait aux droits parentaux (Bartholet, 2011 ; Davidson, 2014 ; Killbourne, 1998). L’argument est qu’en permettant aux enfants d’être considérés comme des détenteurs de droits, les parents ne sont plus en mesure de prendre des décisions pour leurs enfants, et les enfants ont essentiellement le droit de se rebeller contre leurs parents (Killbourne, 1998). Cependant, en examinant de plus près la Convention, il est clair que cet argument est empreint de malentendus.  

Deuxièmement, le Sénat américain estime que la CDE pourrait potentiellement avoir des conséquences importantes pour la gouvernance de leur État (Davidson, 2014 ; Killbourne, 1998). Cela est potentiellement vrai puisque la ratification de la CDE signifierait que le gouvernement fédéral serait en mesure de légiférer sur des sujets qui sont généralement réservés aux États (c’est-à-dire les États au sein des États-Unis) eux-mêmes (Killbourne, 1998). De plus, outre la gouvernance interne, les anti-internationalistes affirment également qu’en ratifiant le droit international, un État renonce à une partie de sa souveraineté et pourrait être tenu responsable au niveau international (Davidson, 2014).

Quelles que soient les raisons, la réalité est que les États-Unis ont peu de chances de devenir partie à la Convention. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont ratifié à la fois le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.

Écrit par Yunus Oppier

Traduit par Manon Issifou

Relu par Ania Beznia

Dernière mise à jour le 16 décembre 2021

Bibliographie :

Bartholet, E. (2011). Ratification by the United States of the Convention on the Rights of the child: Pros and cons from a child’s rights perspective. Annals of the American Academy of Political and Social Science, 633(1), 80–101.  https://doi.org/10.1177/0002716210382389, accessed on September 27, 2021

Crawford, J. (2012). Brownlie’s Principles of Public International Law (8th ed.). Oxford University Press.

Davidson, H. (2014). Does the U.N. Convention on the Rights of the Child Make a Difference? Michigan State International Law Review, 22(2), 497–530. Retrieved from https://heinonline.org/HOL/P?h=hein.journals/mistjintl22&i=517, accessed on September 27, 2021

Fottrell, D. (2021). Revisiting Children’s Rights: 10 Years of the UN Convention on the Rights of the Child. Brill.

Killbourne, S. (1998). Opposition to U.S. Ratification of the United Nations Convention on the Rights of the Child: Responses to Parental Rights Arguments. Loyola Poverty Law Journal, 4, 55–112. Retreived from https://heinonline.org/HOL/P?h=hein.journals/lopo4&i=65, accessed on  September 28, 2021

Tobin, J. (2019). Introduction: The Foundation for Children’s Rights. In The UN Convention on the Rights of the Child: A Commentary (pp. 1–20). Oxford University Press. Retreived from https://doi.org/10.1093/law/9780198262657.001.0001, accessed on September 26, 2021

UN Office of the High Commissioner for Human Rights. (2007). Legislative History of the Convention on the Rights of the Child Vol. 1. Retreived from https://www.ohchr.org/Documents/Publications/LegislativeHistorycrc1en.pdf, accessed on September 27, 2021

UN Treaty Body Database. (n.d.). Retrieved September 30, 2021. Retrieved from https://tbinternet.ohchr.org/, accessed on September 30, 2021

UNICEF, Convention on the Rights of the Child. (n.d.). Retrieved from https://www.unicef.org/child-rights-convention/, accessed on September 30,2021