L’enregistrement à la naissance au Sénégal : un droit de l’enfant souvent méconnu

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L’enregistrement à la naissance est un droit pour un enfant ; il incombe aux parents de le respecter. En effet, selon les dispositions de l’article 51 du Code de la famille sénégalais, « Toute naissance doit être déclarée à l’officier de l’état civil dans le délai franc d’un mois (…) » (Extrait du Code de la famille sénégalais, Section 2, 1972). Le paradoxe de cette législation est que des milliers d’enfants en âge d’aller à l’école sont confrontés à un défaut d’acte d’état civil en raison d’une non-déclaration à la naissance. Il arrive aussi que certains enfants soient victimes d’escrocs qui se font passer pour des agents de l’état civil et se voient attribuer un faux numéro de registre d’état civil en échange d’une somme d’argent (africatime). De ce fait, certains de ces enfants n’arrivent même pas à s’inscrire à l’école, d’autres, bien qu’ils soient inscrits, sont obligés d’abandonner l’école et ne peuvent pas se présenter aux examens car ils ne disposent pas de papier légal permettant de constituer un dossier d’examen.

En plus d’être privés de leur droit à une identité civile par le biais de la déclaration à la naissance, ces enfants perdent leur droit à l’éducation et à la formation. De toute évidence, cette situation engage la responsabilité des parents qui omettent de déclarer la naissance de leurs enfants, et celle de l’Etat qui devrait réunir toutes les conditions nécessaires pour que les droits de ces enfants en situation d’illégalité soient rétablis.

La déclaration à la naissance : un droit pour les enfants

La déclaration à la naissance doit être le fait « du père ou de la mère, d’un ascendant ou d’un proche parent, du médecin, de la sage-femme, de la matrone ou de toute autre personne ayant assisté à la naissance ou encore, (…)de la personne chez qui elle a accouché » (Article 51 du Code de la famille sénégalais). La déclaration peut également être effectuée par le délégué de quartier, le chef de village ou le procureur de la République.

Quel que soit le moment où la personne décide de déclarer l’enfant, il y a toujours une procédure aménagée à cet effet par la loi (déclaration normale, déclaration tardive ou jugement d’autorisation d’inscription à l’état civil). Malgré ces dispositions, le problème des enfants non déclarés à l’état civil persiste. Selon les statistiques de l’Agence Nationale des Statistiques et de la Démographie (Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, 2015), près d’un quart des enfants (23,8%) âgés entre 1 et 9 ans possède ni bulletin de naissance, ni jugement supplétif. « A un an, 25,6% des naissances n’ont pas été déclarées à l’état civil » (APS, 2015).

Cette situation résulte de la négligence des personnes ayant le devoir de déclarer l’enfant, des parents en particulier. Mais elle résulte en grande partie de l’ignorance de ces parents dont beaucoup n’ont pas eux-mêmes d’actes de naissance surtout dans les zones rurales (APS, 2015) où l’analphabétisme et le manque d’information sont fréquents (BA, 2015).

Ainsi, ces enfants sont privés de l’ensemble des avantages liés à leur identification. Parmi ces droits, on peut citer les avantages financiers de l’institution familiale ou la gratuité des soins à l’hôpital pour les enfants de moins de 5 ans.

La non-déclaration à l’état civil : un frein à l’éducation des enfants

Le problème des enfants sans acte de naissance constitue un frein à leur éducation. En effet, l’inscription dans une école s’effectue avec la présentation d’un acte de naissance. Or les enfants non déclarés n’en disposent pas. Ainsi, ces derniers, même s’ils sont acceptés dans l’école sur la base de leur bonne foi, ne pourront pas passer les examens de fin de cycle. De ce fait, les écoles se retrouvent avec beaucoup de candidats à l’examen exclus en raison de l’absence d’une pièce d’identité (Ndiaye, 2016). Selon les propos du Directeur des Examens et Concours, « 34 670 candidats au Cfee (Certificat de fin d’études élémentaires) et au Bfem (Brevet de fin d’études moyennes) sont sans acte d’état civil en 2016, contre 53 240 en 2015 » (Dieng, 2016). Ainsi, si ces milliers de candidats ne parviennent pas à se procurer un acte de naissance avant la tenue des examens de fin d’année, ils sont obligés d’attendre l’année académique suivante pour passer les examens.

Dans certaines écoles primaires, les directeurs d’écoles sont obligés d’aider lesdits élèves dans une procédure de jugement d’autorisation d’inscription devant un tribunal ou à l’occasion d’une audience foraine organisée périodiquement par l’Etat. Cet engagement des enseignants permet à quelques élèves de bénéficier d’un jugement déclaratif de naissance et par conséquent de rester à l’école. A défaut d’un tel engagement et devant la négligence des parents, l’enfant fini souvent par quitter l’école (Dabo, 2015).

écrit par : Khady Ngom
relecture Interne : Lucy Autin et Niriniaina Ralambomamy
Relecture Externe : Beatrice DOPPLER-WALBOTT

 

Sources

 

 

Fatou, S., (01/07/13) Etat-civil au Sénégal : Dans le labyrinthe des faussaires, consulté sur africatime.com : http://fr.africatime.com/senegal/articles/etat-civil-au-senegal-dans-le-labyrinthe-des-faussaires

Dabo, B., (1/07/2015) Sénégal : La problématique de l’état-civil en milieu scolaire, consulté sur allafrica.com : http://fr.allafrica.com/stories/201507011702.html

Ndiaye, I., (13/10/2016) Enregistrement à l’état civil : L’acte de naissance, facteur d’exclusion des élèves de CM2, consulté sur lesoleil.sn : http://www.lesoleil.sn/actualites/item/56443-enregistrement-a-l-etat-civil-l-acte-de-naissance-facteur-d-exclusion-des-eleves-de-cm2.html

APS, (2/06/2015) Régularisation des élèves sans acte de naissance, consulté sur seneweb.com : http://www.seneweb.com/news/Societe/regularisation-des-eleves-sans-acte-de-n_n_183987.html

ADIE, (n.d.) Enregistrer une reconnaissance d’enfant, consulté sur servicepublic.gouv.sn :
http://www.servicepublic.gouv.sn/index.php/demarche_administrative/demarche/1/327

Extrait du Code de la famille sénégalais Section 2 (12/06/1972). Paragraphe premier. Des actes de naissances, consulté sur : http://www.cape.gouv.sn/IMG/pdf/extraits_code_de_la_famille.pdf

Dieng, M. S., (3/06/2016) 34 670 candidats aux examens sans pièce d’état civil, consulté sur : http://www.seneweb.com/news/Societe/34-670-candidats-aux-examens-sans-piece-_n_184074.html

Ba, M., (18/11/2015) Modernisation de l’Etat civil au Sénégal – Un satisfécit mitigé, consulté sur rewmi.com : http://www.rewmi.com/modernisation-de-letat-civil-au-senegal-un-satisfecit-mitige.html

Ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, (2015) L’enregistrement des faits d’état civil au Sénégal : mariages, naissances et décès, consulté sur : http://www.ansd.sn/ressources/publications/RAPPORT%20ETAT%20CIVIL%20DEC%202015-BECPD.pdf