Les enfants au sein des procédures des frontières et d’asile : Invisibilité et attention centrée sur les adultes

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Les enfants au sein des procédures des frontières et de la procédure d’asile font face à 2 problèmes de taille (Pobjoy, 2017). D’une part, un enfant est encore considéré comme invisible dans les procédures de migration, et d’autre part, un cadre juridique axé sur les adultes est appliqué aux enfants dans ces procédures. Ces failles exposent les enfants migrants non seulement au risque de rejet et d’expulsion sans qu’ils aient leurs propres revendications évaluées selon l’âge approprié et en tenant compte des sensibilités spécifiques au sexe des enfants, mais viole aussi le droit à la protection inscrit dans les dispositions de la Convention des Droits de l’Enfant des Nations-Unies (CDE), qui doivent être scrupuleusement appliquées.

L’invisibilité de l’enfant dans les procédures de migration

Les enfants dans les procédures de migration sont à risque d’être considérés invisibles de facto dans la détermination des procédures de toute forme de protection internationale (Bhabha 2003). Ils sont traités comme des membres de famille passifs et leurs statuts d’immigré ne sont pas évalués de manière indépendante de celui de leurs parents ou leurs tuteurs légaux. De la même manière, certains états tels que les Etats-Unis d’Amérique nient même la capacité des enfants de devenir des défenseurs actifs de leurs droits et déterminent leurs statuts comme des sujets passifs (Gonzalez v Reno, 2000).

Le Haut-Commissariat des Nations-Unies pour les réfugiés (HCNUR) décrit le rôle d’un enfant en pratique comme une simple partie d’une unité familiale, et non comme des individus à part entière ayant leurs propres droits et intérêts (UNHCR, 2009).  En général, les enfants risquent plus d’être invisible dans les procédures lorsqu’ils sont accompagnés d’un ou de plusieurs membres de la famille ou de tuteurs légaux (Pobjoy, 2017). Dans la détermination d’un statut international de protection, les enfants sont encore la plupart du temps des sujets passifs des procédures administratives. Par conséquent, ils dépendent de la bonne application de la procédure par les membres de leur famille (Pobjoy, 2017).

Le statut inséparable d’un enfant engendre plusieurs difficultés. Ces difficultés apparaissent la plupart du temps lorsque le refus de la demande d’asile des parents ou des tuteurs légaux mène à un refus automatique de la demande d’asile de l’enfant. Ce refus automatique est appelé une détermination dérivée du statut de protection international.  En pratique, cela est implémenté de manière asymétrique, ce qui signifie que les revendications des enfants sont souvent assimilées aux revendications de leurs parents, mais, à l’opposé, pour les parents ou les tuteurs légaux, l’effet opposé de dériver un statut de protection à partir de celui d’un enfant est constamment nié (UNHCR, 2009).

Cette détermination dérivée peu, d’une part, assurer un traitement en accord avec « les meilleurs intérêts de l’enfant » comme il garantit qu’un enfant ne sera pas séparé de la famille ou du tuteur. D’autre part, il empêche l’enfant d’avoir la possibilité de demander que la protection internationale soit évaluée individuellement et indépendamment de leurs parents. Le refus d’une évaluation indépendante de leur droit à revendiquer leur protection  néglige plusieurs droits définis dans la Convention des Droits de l’Enfant des Nations-Unies incluant le droit d’être entendu, et  met à risque la santé et le bien-être physique de l’enfant en le renvoyant dans des situations de persécution et de violation de leurs droits humains fondamentaux.

Le HCNUR recommande le traitement individuel des demandes d’enfant sur une base prioritaire pour déterminer l’identité, incluant l’identification en tant qu’enfant. De plus, le HCNUR suggère d’établir la possibilité que les revendications des enfants à la protection internationale soient considérées comme la revendication principale (UNHCR, 2009)

Les lois de la migration se concentrent sur les adultes

Un autre problème auquel est confronté l’enfant est que leur besoin de protection internationale est traditionnellement évalué à travers une « perspective concentrée sur l’adulte » (Crock, 2005) indifférente à l’âge (Crock, 2006). Cette indifférence implique que le préjudice subi par l’enfant doit correspondre au seuil du préjudice subi par les adultes et nie l’unique vulnérabilité d’un enfant.

La perspective d’un adulte ne doit pas seulement créer des problèmes dans l’évaluation du « risque réel de préjudice », mais inclut également les problèmes concernant la reconnaissance de l’âge et de la maturité de l’enfant, leur aptitude à exprimer leur crainte, l’évaluation de leur crédibilité de la preuve établie, et souvent considère que les intérêts des parents sont aux mieux des intérêts pour l’enfant. Cette évaluation néglige la reconnaissance de plusieurs droits à l’enfant étant donné qu’elle ne reconnaît pas le droit d’évolution des capacités des enfants reconnus comme tel, le droit à être entendu et le principe du « meilleur intérêt de l’enfant » (Gonzalez v Reno, 2000).

Les enfants sont l’un des groupes d’individus les plus vulnérables et cependant en proie à des formes spécifiques de préjudices et de crainte qui rencontrent potentiellement les exigences pour la protection internationale (Comité du CDE, 2013). En tenant compte de cela, ils doivent être définis comme étant porteurs de droits individuels avec des problèmes et des besoins différents (Pobjoy, 2015). Les états parties du CDE doivent prendre en compte toutes les mesures appropriées ainsi que l’unique vulnérabilité de l’enfant pour garantir le bien-être de l’enfant (Article 3 (2)CDE) et pour assurer la survie et le développement de l’enfant dans toute la mesure du possible (Article 6 (2) CDE).

Dans son enquête sur les enfants au cœur des procédures de migration et d’asile, Pobjoy énumère plusieurs préjudices faits spécifiquement aux enfants tels que l’excision/la mutilation génitale féminine pré-pubère (MGF/MGE), la privation de l’éducation, l’abus parental, le recrutement militaire ou le recrutement involontaire dans les gangs, ou la discrimination relative au fait d’être né dans des circonstances jugées comme illégitimes (Pobjoy, 2017).

Le Comité des Droits de l’Enfant (Comité du CDE) rejette cette approche centrée sur l’adulte et exige « une évaluation claire et compréhensive de l’identité de l’enfant, incluant sa nationalité, son éducation, son ethnie, sa culture et son origine linguistique, les vulnérabilités particulières et les besoins en protection » (Comité CDE, 2006). Il exhorte également les états à stopper l’application de l’approche uniquement centrée sur l’adulte et de mener une évaluation individuelle « appropriée à l’âge et d’une manière respectueuse envers le genre » (Comité du CDE, 2006), ce qui implique qu’un personnel qualifié doit interviewer l’enfant (Comité du CDE, 2006).

Agissons maintenant

Malgré une reconnaissance des droits de l’enfant quasi universelle et la reconnaissance de l’enfant en tant qu’individu porteur de droits dans la Convention des Droits de l’Enfant des Nations-Unies, l’implémentation et la reconnaissance de ceux-ci prendra encore du temps en pratique. Au carrefour de la Loi sur les droits des enfants et la Loi sur les migrants et les réfugiés, les états doivent appliquer les recommandations mentionnées ci-dessus par le HCNUR et le Comité du CDE et assurer une protection efficace et appropriée à l’âge des enfants migrants.

Humanium, en tant que membre de Child Rights Connect, l’organisation qui a rédigé la Convention des Droits de l’Enfant, s’engage fermement à protéger les enfants vulnérables à travers le monde. Humanium travaille pour un monde où les droits des enfants sont réellement respectés et de manière universelle, protégés et appliqués dans toutes les situations impliquant un enfant. Vous pouvez nous aider à élever les consciences sur les problèmes des enfants dans le monde en soutenant Humanium- en parrainant un enfant, en faisant un don, en devenant membre ou bénévole.

Ecrit par Alexander Weihrauch

Traduit par Laurence Mortier

Relu par Denis Gingras

Bibliographie :

Bhabha, J. (2003) “More Than Their Share of Sorrows: International Migration Law and the Rights of Children”, in: Pobjoy, J. (2017),” The Child in International Refugee Law”, Cambridge Asylum and Migration Studies.

Pobjoy, J. (2017),” The Child in International Refugee Law”, Cambridge Asylum and Migration Studies.

Gonzalez v Reno (2000), 212 F 3d 1338, 1345; See also Gonzalez v Reno, 86 F Supp 2d 1167 (SD Fla, 2000). In: Pobjoy, J.,” The Child in International Refugee Law”, (see fn. 13), p.48.

Crock, M. (2006), Seeking Asylum Alone: Australia, p. 244; in: Pobjoy, J. (2017),” The Child in International Refugee Law”, Cambridge Asylum and Migration Studies.

Crock, M. (2005), “Lonely Refuge: Judicial Responses to Separated Children Seeking Refugee Protection in Australia”, in: Pobjoy, J. (2017),” The Child in International Refugee Law”, Cambridge Asylum and Migration Studies.

Sauer, P.J.J., Nicholson, A., Neubauer, D. et al. (2016), “Age determination in asylum seekers: physicians should not be implicated”, Eur J Pediatr 175, 299–303.

Committee on the Rights of the Children (1 September 2005), General comment No. 6 on the treatment of unaccompanied and separated children outside their country of origin, CRC/GC/2005/6, para. 20.

UNHCR (22 December 2009), “Guidelines on international protection: Child Asylum Claims under Articles 1(A)2 and 1(F) of the 1951 Convention and/or 1967 Protocol relating to the Status of Refugees”, HCR/GIP/09/08

Committee on the Rights of the Children (29 May 2013), General comment No. 14 on the right of the child to have his or her best interests taken as a primary consideration (art. 3, para. 1), CRC/C/GC/14, para. 37.

Pobjoy, J. (April 2015), “The best interests of the child principle as an independent source of international protection”, ICLQ vol 64.