Le droit à la non-discrimination est un droit à la fois complexe et fondamental, qui constitue la clé de voûte du processus de mise en œuvre des droits humains. La Convention internationale des droits de l’enfant repose sur ces idéaux. Alors que tous les enfants devraient être traités, protégés et pris en charge de la même manière, il est à noter qu’à ce jour, de nombreux enfants continuent d’être victimes de discrimination.
Qu’est-ce que la « discrimination » ?
La discrimination nait en grande partie du fait de la peur, qui est très souvent suscitée soit par un groupe de personnes qui ont un aspect physique, une langue, un mode de pensée, ou un comportement qui leur sont propres, soit par un groupe ethnique qui constitue une menace pour la sécurité et l’identité culturelle d’un autre groupe (Save the Children, 2014).
L’on peut définir la discrimination de différentes manières. Selon le Conseil de l’Europe, la discrimination renvoie au traitement inégalitaire infligé à différentes catégories de personnes, et ce à partir du moment où ce traitement ne repose sur aucun critère objectif et raisonnable (Europe, 2023).
Le Conseil de l’Europe s’oppose à des différences observées dans certains types de traitement, mais interdit formellement toute différence de traitement qui ne serait pas fondée sur une base objective et raisonnable. Par exemple, une mesure discriminatoire qui s’applique à des enfants originaires d’un groupe ethnique donné, afin de les empêcher de bénéficier entre autres d’un accès à l’éducation, serait interdite.
Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies définit la discrimination comme « Toute distinction, exclusion, restriction ou préférence fondée notamment sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation, et ayant pour effet ou pour but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par tous, dans des conditions d’égalité, de l’ensemble des droits de l’homme et des libertés fondamentales. » (UN Human Rights Committee, 1989).
Le concept de discrimination comprend trois dimensions clés : (1) le fait de traiter un enfant différemment, (2) lorsque cela a pour but ou pour effet de lui nuire ou de lui porter préjudice, et (3) le fait que la différenciation repose sur un motif interdit (Lansdown, 2022). Ainsi, le motif interdit n’est pas nécessairement l’acte de discrimination en lui-même, c’est-à-dire le fait de traiter quelqu’un différemment.
Au contraire, l’élément interdit est le but poursuivi par l’acte discriminatoire, l’intention qui sous-tend l’acte discriminatoire. L’intention interdite est le but ou l’effet d’annuler ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice d’un droit, sur un pied d’égalité.
Formes de discrimination
La discrimination peut se faire de manière directe ou indirecte. La discrimination directe décrit la différence de traitement spécifique infligé à une personne, et ce à son désavantage, sur la base de ses caractéristiques par rapport à une autre personne dans la même situation. La discrimination indirecte se produit lorsqu’un traitement égal ou soi-disant neutre affecte différents groupes de personnes de manière sensiblement différente.
Les actes discriminatoires peuvent viser des enfants ou des groupes d’enfants sur la base d’un large éventail de critères. Les critères les plus courants sont : l’identité de genre, l’expression du genre, le sexe, l’orientation sexuelle, l’appartenance ethnique, la caste, l’ascendance héréditaire, l’âge, la classe, le handicap, l’état de santé, la race, la langue, la religion, les opinions politiques ou autres, l’origine nationale, ethnique ou sociale, la propriété, le handicap, la naissance ou tout autre statut.
Dans sa tentative de référencer tous les critères sur la base desquels les enfants sont discriminés, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a identifié une longue liste de groupes communément soumis à la discrimination, notamment les filles, les enfants abandonnés, les enfants touchés par des catastrophes naturelles, les enfants placés en institution, les enfants issus des minorités ethniques placés dans des structures d’accueil alternatives et les enfants touchés par le VIH/SIDA.
En ce qui concerne les enfants, les critères de discrimination ne sont pas nécessairement appliqués directement à l’enfant, mais aux parents, aux tuteurs, aux amis ou à la famille. C’est le cas, par exemple, lorsqu’un enfant est discriminé en raison de l’orientation sexuelle de ses parents.
Dans différentes parties du monde, des groupes d’enfants peuvent être davantage exposés à la discrimination. Par exemple, en Europe, les enfants handicapés, les enfants LGBTQ+ , et les enfants roms sont particulièrement susceptibles d’être victimes de discrimination (Europe, 2023). Dans d’autres régions, les enfants les plus susceptibles d’être victimes de discrimination sont les filles, les enfants issus de communautés religieuses ou de minorités ethniques, les enfants vivant dans des zones rurales, les enfants réfugiés ou demandeurs d’asile, ainsi que les enfants privés de liberté, etc.
L’effet global de la discrimination sur les enfants
La discrimination conduit à l’exclusion et peut avoir un impact considérable sur la société. Les raisons pour lesquelles les enfants sont victimes de discrimination dans leur enfance persistent et demeurent jusqu’à l’âge adulte. Ces exclusions et discriminations durables, qui résultent de griefs et d’actes de xénophobie, peuvent avoir des conséquences dévastatrices sur la vie des victimes (Unicef, 2022).
Il peut y avoir tout autant de types de conséquences de la discrimination qu’il y a de manières de pratiquer la discrimination. Les conséquences de la discrimination peuvent se manifester sur le long ou le court terme et avoir des implications à partir de l’échelle la plus petite (un individu) jusqu’à des sociétés entières.
Pour faire plus simple, les impacts de la discrimination sur le plan individuel sont de deux ordres: objectifs et subjectifs. D’une manière objective, la discrimination peut empêcher ou limiter le droit de jouir de ses droits ou d’y avoir accès. Par exemple, il est bien établi qu’aux États-Unis, les personnes de couleur reçoivent un traitement inégal lorsqu’elles se tournent vers des systèmes de soins de santé ou d’éducation où elles ont plus de difficultés à bénéficier d’une éducation de qualité (Harvard Center, s.d.).
La discrimination peut également contribuer à priver les enfants et les jeunes adultes des opportunités qui s’offrent à eux, en maintenant l’écart entre les classes sociales. D’une manière subjective, le fait d’être victime de discrimination peut amener les enfants à avoir une perception négative de leur appartenance ethnique, de leur race, de leur culture, de leur apparence, de leur sexe ou de leur orientation sexuelle, ou de tout autre trait ou caractéristique utilisé pour les discriminer.
En outre, la recherche a montré que les personnes victimes de discrimination sont plus susceptibles de souffrir de dépression, d’anxiété et d’autres problèmes de santé mentale (Wellbeing, 2020). La discrimination chez les enfants peut également être associée aux brimades, qui affectent le bien-être mental et le développement de l’enfant, et peuvent avoir un impact négatif durable sur sa vie d’adulte.
La discrimination entraîne également des effets et des conséquences à une échelle plus large et n’affecte pas seulement la vie des victimes, mais lorsqu’elle s’inscrit dans un schéma, elle peut devenir systémique. La discrimination systémique implique les procédures, les routines et la culture organisationnelle de toute organisation qui, souvent sans intention, contribuent à des résultats moins favorables pour les groupes minoritaires que pour la majorité de la population, à partir des politiques, des programmes, de l’emploi et des services de l’organisation (Council of Europe, Systemic Discrimination, s.d.).
Enfin, dans ses formes les plus extrêmes, la discrimination peut conduire à la violence physique. En raison de leurs origines, de leurs vêtements, de leur orientation sexuelle, de leur sexe, de leur religion, etc., les enfants et les jeunes adultes ont souvent souffert physiquement d’actes discriminatoires, souvent qualifiés de « crimes de haine ». La peur et la colère qui gravitent souvent autour de la discrimination, à plus grande échelle, ont des conséquences dévastatrices pour des groupes entiers d’individus.
Dans sa forme la plus extrême, la discrimination peut être liée à des conflits armés. En effet, les conflits armés sont souvent directement liés à la haine et à une discrimination extraordinaire (la Shoah, le génocide rwandais, le génocide arménien, pour n’en citer que quelques-uns).
Le statut universel du droit des enfants à la non-discrimination
La Convention relative aux droits de l’enfant des Nations unies repose sur quatre principes généraux : La non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, le droit à la vie, à la survie et au développement, et le droit d’être entendu. En tant que tel, le droit des enfants à la non-discrimination est le premier pilier de la mise en œuvre des droits de tous les enfants.
L’article 2 de la CDE stipule que : « 1.1. Les Etats parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation. 2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées pour que l’enfant soit effectivement protégé contre toutes formes de discrimination ou de sanction motivées par la situation juridique, les activités, les opinions déclarées ou les convictions de ses parents, de ses représentants légaux ou des membres de sa famille » (Convention relative aux droits de l’enfant, 1989).
Par conséquent, l’article 2 est à la fois un droit substantiel et un droit procédural qui doit être appliqué pour faire valoir tous les autres droits. Cet article implique plusieurs obligations pour les États parties. Tout d’abord, il met en évidence l’obligation pour les États de « respecter et garantir » les droits énoncés dans la CDE, en imposant aux États de s’abstenir de toute action susceptible de limiter ou de compromettre chacun des droits énoncés dans la Convention (Lansdown, 2022).
L’expression « respecter et garantir » comporte également une composante positive, exigeant des États qu’ils prennent toutes les mesures nécessaires pour permettre à l’enfant de jouir de ses droits. Deuxièmement, l’article 2 s’impose à tout enfant « relevant de leur juridiction », quel que soit son statut (citoyen, visiteur, enfant de travailleur migrant, enfant sans papiers, etc.) (Convention relative aux droits de l’enfant, 1989).
Cadres de protection contre la discrimination à différents niveaux
Au niveau international, certains types de discrimination ont été considérés comme tellement problématiques et récurrents que la communauté internationale a développé des outils internationaux spécifiques pour les combattre, notamment la Convention des Nations unies contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960), la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (2006), la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (1966), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (1998).
Au niveau régional, le Conseil de l’Europe, par le biais de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, garantit que la jouissance de tous les droits énoncés dans la Convention doit être assurée sans discrimination aucune. Axée plus spécifiquement sur les enfants, la stratégie du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant accorde une attention particulière aux groupes d’enfants discriminés et marginalisés (Europe, 2023).
Plusieurs directives de l’UE interdisent la discrimination dans le système de protection sociale et l’accès aux biens et services, ce qui, bien que ne mentionnant pas explicitement les enfants, les concerne toutes (par exemple, la directive 2000/43/CE relative à l’égalité raciale) (Council of Europe, Handbook on European law relating to the rights of the child, 2022).
D’autres instruments régionaux contiennent des dispositions similaires protégeant directement les enfants contre la discrimination. Par exemple, l’article 3 de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant dispose que « Tout enfant a droit de jouir de tous les droits et libertés reconnus et garantis par la présente Charte, sans distinction de race, de groupe ethnique, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’appartenance politique ou autre opinion, d’origine nationale et sociale, de fortune, de naissance ou autre statut, et sans distinction du même ordre pour ses parents ou son tuteur légal. » (Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, 1990).
Au cours des dernières décennies, les lois nationales contre la discrimination se sont multipliées afin de mettre en œuvre les traités internationaux et régionaux, et de s’attaquer à des types spécifiques de discrimination. Citons par exemple la loi sud-africaine de 2000 sur la promotion de l’égalité et la prévention des discriminations injustes, ou la loi britannique de 2010 sur l’égalité.
Faire respecter efficacement le droit des enfants à la non-discrimination à l’avenir
La non-discrimination ne se résume pas à une égalité de traitement, tout comme elle ne signifie pas que tous les types de discrimination sont interdits. En effet, la discrimination positive peut être un outil permettant à un enfant de participer pleinement et de manière adéquate à la vie en société. Par exemple, le Conseil de l’Europe, lorsqu’il promeut l’appartenance intégrale à la société des enfants handicapés, encourage les « programmes d’action positive » conjointement à d’autres réponses (Council of Europe, 2013).
En plus des outils juridiques disponibles, la discrimination est également combattue à l’aide d’outils sociaux et humains. L’éducation est une composante essentielle de la lutte contre les pratiques et croyances discriminatoires. Dans le même ordre d’idées, les programmes et les campagnes de sensibilisation jouent un rôle clé en sensibilisant les individus aux luttes et aux difficultés auxquelles différentes personnes peuvent être confrontées.
À cet égard, les jeunes se sont de plus en plus engagés dans ces programmes, principalement par le biais des médias sociaux, en s’engageant avec des jeunes du monde entier et en partageant leurs histoires. Selon l’UNICEF, en moyenne au moins neuf personnes sur dix parmi les jeunes générations reconnaissent qu’il est important de traiter les minorités de manière égale (Unicef, 2022).
Les organisations de la société civile jouent un rôle clé dans le cadre de la lutte contre la discrimination et de la collecte de données.
Le travail de la société civile s’articule autour de trois axes :
(1) Actions directes sur les violations des droits de l’enfant et les manquements au niveau des dispositions ;
(2) Renforcer la capacité des responsables à remplir leurs obligations (politiques, pratiques et législation), et ;
(3) Renforcer la compréhension et la capacité des enfants, de leurs tuteurs et de la société civile à revendiquer leurs droits et à demander des comptes aux autres (Save the Children, 2014). Ces organisations sont importantes car elles donnent une voix aux communautés concernées (les enfants) et comblent le fossé qui les sépare des décideurs.
Rédigé par Léa Allix
Relecture interne par Aditi Partha
Traduit par Vianney Placide Oyono
Relu par Victoria Maître Headdon
Dernière mise à jour le 6 juin 2023
Bibliographie :
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Lansdown, G. (2022). Article 2: The Right to Non-Discrimination. Monitoring State complicant with the UN Convention on the Rights of the Child, pp. 11-19. Retrieved from https://link.springer.com/chapter/10.1007/978-3-030-84647-3_2
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