Justice pour Murtaja Qureiris

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Murtaja Qureiris âgé maintenant de 18 ans, affronte la peine de mort pour avoir participé à une série de démonstrations pacifiques lorsqu’il avait 10 ans. Il a été arrêté en septembre 2014 à l’âge de 13 ans pour son implication avec un groupe de jeunes garçons dans les manifestations à bicyclette de Qatif, dans la province orientale d’Arabie Saoudite. Cet article va révéler les faits derrière l’arrestation de Murtaja Qureiris et les conditions auxquelles il a été soumis, les lois nationales et internationales en place, l’existence d’un conflit de lois en Arabie Saoudite, comment l’Arabie Saoudite peut rectifier son sytème légal défaillant, et un appel à l’action pour mettre fin à l’exécution illégale de Murtaja Qureiris.

“Il est impensable que Murtaja Qureiris soit menacé d’exécution pour des délits qui incluent la participation à des manifestations alors qu’il avait 10 ans à peine”. a déclaré Lynn Maalouf, Directeur de Recherche d’Amnesty International du Moyen-Orient (Amnesty International, 2019)

Les faits

La CNN a publié des vidéos de Mr Qureiris à la tête d’un cortège d’enfants lors d’une manifestation à bicyclette en 2011. Il avait alors 10 ans. C’était l’apogée des soulèvements du Printemps Arabe balayant le Moyen Orient et l’Afrique du Nord, et les manifestations avaient embrasé la province orientale en grande partie chiite de l’Arabie Saoudite. Ces manifestations se sont souvent soldées par des effusions de sang ou des arrestations massives (Specia, 2019)

Le groupe réclamait plus de droits pour la minorité chiite d’Arabie Saoudite. Ce fut l’une des nombreuses manifestations de la dissidence politique par des musulmans chiite en Arabie Saoudite lors du Printemps Arabe. (Loomes, 2019)

Selon l’Organisation Saoudienne Européenne pour les Droits de l’Homme (ESOHR), il a été arrêté le 20 septembre 2014 par des ouvriers du King Fahd Causeway alors qu’il allait avec des membres de sa famille dire au revoir à son père qui partait en voyage. il n’y a pas eu d’assignation préalable, et l’employé du Causeway déclara simplement qu’il était demandé par le Mabahith, sans donner de justifications légales ou présenter un mandat
d’arrêt. (Organisation Européenne Saoudienne des Droits Humains, 2019)

Pendant la période d’enquête, Murtaja a été soumis à la coercition et la tromperie des interrogateurs. Il est resté en isolement pendant un mois, pendant lequel il a été torturé et battu, on lui a aussi promis à maintes reprises qu’il serait relâché s’il coopérait à l’enquête et reconnaissait les accusations portées contre lui. Les maisons d’observation ne sont pas considérées comme un endroit sûr pour les enfants parce que la torture et les traitements cruels et dégradants y sont pratiqués, ainsi que les allégations de violences sexuelles sur les enfants par des employés. (Organisation Européenne Saoudienne des Droits Humains, 2019)

En mai 2017, après que l’Arabie Saoudite ait promis de le relâcher, Murtaja a été transféré dans une célèbre prison de Mabahith pour adultes, alors même qu’il n’avait que 16 ans. Les prisons Mabahith sont connues en Arabie Saoudite pour leur pratique routinière de torture et de maltraitance. (Organisation Européenne Saoudienne des Droits Humains, 2019)

Murtaja a été privé de la plupart de ses droits fondamentaux. Plus précisemment, il s’est vu refuser l’accès à tout soutien et conseil juridique pendant quatre ans à la suite de son arrestation, et n’y a pas eu accès avant que son procès ne démarre. Lors de sa première audience, en août 2018, le Procureur Général l’a inculpé de multiples accusations. Certaines accusations concernaient sa participation aux manifestations et à des formes de protestation telles que vociférer des demandes de droits ou exprimer des opinions politiques, alors que d’autres impliquaient des accusations générales comme provoquer les conflits sectaires, le terrorisme et les émeutes. (Organisation Européenne Saoudienne des Droits Humains, 2019)

Loi nationale et internationale

• L’âge de la responsabilité criminelle en Arabie Saoudite n’est pas clair, mais en 2006 le gouvernement a déclaré au Comité des Droits de l’Enfant qu’il l’avait porté à 12 ans. (Muhammad Darwish, 2019)
• L’Arabie Saoudite a aussi préalablement déclaré aux Nations Unies qu’elle n’impose pas la peine de mort aux prisonniers reconnus coupables de crimes avant l’âge de responsabilité criminelle. (Muhammad Darwish, 2019)
• Selon Human Rights Watch, le système de justice pénale de l’Arabie Saoudite manque de droit pénal codifié et accorde aux poursuivants et aux juges un large pouvoir discrétionnaire dans l’inculpation et la détermination de la peine des individus pour des infractions mal définies. Cela favorise des résultats arbitraires qui vont à l’encontre des
normes internationales d’application régulière de la loi et dont l’impact est amplifié parce que l’Arabie Saoudite maintient la peine de mort et d’autres formes de châtiment corporel. (Human Rights Watch, 2008)
• Les enfants de moins de 12 ans peuvent être sujets aux arrestations et aux poursuites parce que de nouvelles normes annoncées en 2006 faisant passer l’âge de la responsabilité criminelle de 7 à 12 ans ne semblent ni être bien connues ni appliquées. Des législations régissant les filles en conflit avec la loi ne fixent aucun âge minimum de responsabilité criminelle (Human Rights Watch, 2008)
• Pour les enfants qui entrent en conflit avec la loi, l’Arabie Saoudite a des tribunaux pour mineurs et des centres de détention, mais il n’y a pas de législation globale ou d’encadrement sur la façon dont ces enfants devraient être traités. Cela signifie qu’ils souffrent dans un système qui, au bout du compte, ne respecte pas le droit de tous les enfants à la protection contre le harcèlement, la maltraitance et la procédure établie. (Human Rights Watch, 2008)
• Le recours à la peine de mort pour les infractions commises par des personnes de moins de 18 ans est formellement interdit par la loi internationale. (Amnesty International, 2019)

Hormis une faiblesse de la législation nationale, l’Arabie saoudite viole la Convention relative aux Droits de l’Enfant (UNCRC 1989), les principaux articles qui sont violés;

• Article 1 un enfant s’entend de tout être humain âgé de moins de 18 ans;
• Article 6 droit inhérent à la vie;
• Article 13 droit à la liberté d’expression;
• Article 15 droit à la liberté d’association et à la liberté de réunion pacifique;
• Article 19 protection de l’enfant contre toute forme de violence;
• Article 21 l’intérêt de l’enfant est la considération primordiale;
• Article 27 le droit de tout enfant à un niveau de vie adéquat pour permettre son développement physique, mental, spirituel, moral et social;
• Article 40 le droit de tout enfant suspecté, accusé ou convaincu d’infraction à la loi pénale à un traitement qui soit de nature à favoriser son sens de la dignité et de la valeur personnelle (UN General Assembly, 1989)

En outre, l’Arabie Saoudite étant signataire de la Convention contre la torture et autre peine ou traitement cruel, inhumain ou dégradant (UNCAT 1984), a manqué à diverses obligations au titre dudit traité, à savoir;

• Article 2 (1) interdit la torture, et exige que les parties prennent des mesures efficaces pour empêcher que cela se produise dans tout territoire relevant de leur compétence. Cette interdiction est absolue et non dérogatoire. “Aucune circonstance exceptionnelle”;
• Article 16 (1) exige des parties la prévention “d’autres actes de traitement cruel, inhumain ou dégradant ou une peine qui ne constitue pas une torture au sens de l’article 1” dans tout territoire relevant de leur compétence (UN General Assembly, 1984)

La voie à suivre

Les représentants des pays ont également déclaré que l’Arabie Saoudite devrait adhérer aux principaux traités et pactes sur les droits de l’homme, y compris le Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques (ICCPR 1966) et le Pacte International relatif aux Droits Économiques, Sociaux et Culturels (ICESCR 1966), qui, avec la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, constituent la Charte Internationale des Droits de l’Homme. L’Arabie Saoudite reste l’un des rares pays au monde qui n’ait pas signé ou
ratifié ces traités bien que les représentants saoudiens affirment depuis 2009 que la ratification est à l’étude. ( Human Rights Watch, 2018)

“Le monde devrait saisir cette opportunité pour demander justice pour les violations graves des droits et les pratiques préjudiciables de l’Arabie Saoudite, dont beaucoup se perpétuent depuis des décennies.” a déclaré Michael Page, Directeur Adjoint du MoyenOrient de Human Rights Watch. (Human Rights Watch, 2018)

Appel à la Mobilisation

Pendant trop longtemps, le gouvernement d’Arabie Saoudite a systématiquement violé les droits de la personne malgré le fait d’être signataire de plusieurs traités internationaux; le gouvernement n’a manifestement aucun respect pour ces traités. De plus, le gouvernement doit être tenu responsable pour ses actes barbares, ceci peut être réalisé
par une condamnation universelle par la communauté internationale et par de lourdes sanctions par des organisations de premier plan telles que l’ONU, dont, cela étant dit, une action similaire est requise pour garantir que la vie de Murtaja Qureiris ne soit pas perdue. Chez Humanium, nous manifestons notre solidarité envers Murtaja parce que nous croyons que tous les enfants et les jeunes doivent être protégés contre la violence et la négligence, et leurs besoins doivent être satisfaits, y compris l’accès à l’eau, à la nourriture, à la sécurité et à l’hygiène. Le bien-être et l’intérêt supérieur d’un mineur doivent être des éléments déterminants importants dans les enquêtes.

Écrit par Igi Nderi
Traduit par Dominique Jaensch

Ouvrages cités

Amnesty International (7 juin 2019). Arabie Saoudite : Les autorités ne doivent pas recourir à la peine de mort contre les manifestants arrêtés à l’âge de 13 ans. Extrait de Amnesty International: https://www.amnesty.org/en/latest/news/2019/06/saudi-arabia-authoritiesmust-not-resort-to-use-of-death-penalty-against-protester-arrested-aged-13/
Organisation Européenne Saoudienne pour les Droits de l’Homme (7 juin 2019). L’Arabie Saoudite veut crucifier le mineur Murtaja Qureiris pour des accusations datant de l’époque où il avait 11 ans. Extrait du rapport de l’Organisation Saoudienne Européenne pour les Droits de l’Homme: https://www.esohr.org/en/?p=2347
Human Rights Watch (24 mars 2008). Adultes avant leur heure – Les enfants face au système de justice pénale de l’Arabie Saoudite. Extrait de Human Rights Watch: https://www.hrw.org/ report/2008/03/24/adults-their-time/children-saudi-arabias-criminal-justice-system
Human Rights Watch (15 novembre 2018). Arabie Saoudite: violations des droits sous examen. Extrait Human Rights Watch: https://www.hrw.org/news/2018/11/15/saudi-arabia-rightsabuses-under-scrutiny
Loomes, P (10 juin 2019). Un adolescent saoudien confronté à la décapitation et la crucifixion pour avoir manifesté dans son enfance. Extrait de news.com.au/Middle East: https:www.news.com.au/world/middle-east/saudi-teen-faces-beheading-and-crucifixion-forprotesting-as-a-child/news-story/22eee06fb2be1938e39ddbab9cbea8b0
Muhammad Darwish, T. Q. (7 juin 2019). Il a été arrêté à 13 ans. Maintenant l’Arabie Saoudite veut l’exécuter. Extrait de CNN, Reportage Exclusif: https://edition.cnn.com/interactive/2019/06/middleeast/saudi-teen-death-penalty-intl/
Specia, M (11 juin 2019). Murtaja Qureiris, 18 ans, risque la peine de mort après plus de quatre ans d’emprisonnement. Extrait de SBS News: https://www.sbs.com.au/news/murtajaqureiris-saudi-teen-facing-death-penalty-for-protesting-when-he-was-10
Specia, M (9 juin 2019). Un adolescent saoudien menacé de la peine de mort pour des actions commises à l’âge de 10 ans. Extrait de The New York Times: https://www.nytimes.com/2019/06/09/world/middleeast/saudi-teenager-death-sentence.html
UN General Assembly, (20 novembre 1989). Convention relative aux droits de l’enfant. Extrait de la Série des Traités des Nations Unies: https://www.unicef.org/sites/default/files/2019-04/UN-Convention-Rights-Child-text.pdf
UN General Assembly (10 décembre 1984). Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Extrait de la Série des Traités des Nations Unies: https://www.refworld.org/docid/3ae6b3a94.html
Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme (29 octobre 2019). Des experts de l’ONU appellent l’Arabie Saoudite à mettre fin à la peine de mort pour les enfants. Extrait du Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies aux Droits de l’Homme: https://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?
NewsID=23795&LangID=E