Au cours des deux dernières décennies, l’utilisation sans ordonnance des compléments alimentaires à base de mélatonine a connu une augmentation sans précédent aux États-Unis. Malgré sa grande popularité et le fait qu’il soit accessible à tous, des inquiétudes persistent quant au fait que les parents s’en servent de plus en plus comme d’une solution rapide pour lutter contre l’insomnie, alors que les preuves de son efficacité sont limitées. L’accès non réglementée de la mélatonine sans ordonnance a entraîné une augmentation importante de sa consommation, en particulier chez les jeunes enfants et les adolescents, suscitant de nouvelles craintes quant aux risques potentiels pour la santé.
Bilan de la consommation de la mélatonine aux États-Unis
La mélatonine est une hormone naturellement produite dans le cerveau qui régule le cycle veille-sommeil de l’organisme. Son taux augmente le soir dans l’obscurité, favorisant le sommeil et régulant l’horloge biologique interne.
Bien que le corps produise naturellement de la mélatonine, l’intérêt s’est accru quant à l’utilisation de la mélatonine produite de manière artificielle, que l’on trouve dans des compléments synthétiques et qui est vendue sous forme de comprimés, de gouttes ou de patchs, afin de gérer les problèmes de sommeil. Ces compléments peuvent améliorer le sommeil dans certains cas mais ne conviennent pas à tout le monde, en particulier aux enfants (Suni E. et al., 2023).
D’après le Journal The American Medical Association (JAMA), la consommation sans ordonnance de compléments alimentaires contenant de la mélatonine a augmenté de plus de 500 % au cours des deux dernières décennies. Aujourd’hui, un Américain adulte sur trois dort moins des sept à neuf heures par nuit recommandées, et près de la moitié d’entre eux déclarent souffrir de somnolence diurne trois à sept jours par semaine. Malgré son utilisation répandue, la mélatonine est souvent utilisée à tort comme remède contre l’insomnie. Cependant, les preuves de son efficacité contre l’insomnie restent limitées (Upham B, 2022).
Aux États-Unis, l’usage de la mélatonine n’est pas réglementé par l’Agence fédérale pour la protection de la santé et de la sécurité de la population, contrairement aux réglementations en vigueur dans de nombreux autres pays. Largement accessible en ligne et dans les magasins sans ordonnance, la mélatonine est présentée comme un somnifère naturel et sans danger.
Cependant, l’auto-administration de doses élevées sur de longues périodes peut entraîner de graves problèmes de santé, notammment la dépression, l’hypertension artérielle ou les maladies cardiaques (Shaheen M, 2022).
Les parents américains ont tendance à pousser leurs enfants à consommer de la mélatonine
De nos jours, on assiste à une augmentation inquiétante de la consommation de mélatonine chez les enfants américains. Cela se traduit par une hausse significative des appels de parents aux lignes d’assistance antipoison concernant des incidents de surdose de mélatonine.
En 2022, les lignes d’assistance téléphonique ont enregistré 260 435 appels liés à la consommation excessive de mélatonine chez les enfants, ce qui représente une augmentation de 530 %. Malheureusement, cela a entraîné deux décès, une assistance respiratoire nécessaire pour cinq enfants, près de 300 admissions en soins intensifs et plus de 4000 hospitalisations (Shaheen M, 2022).
De plus en plus de parents donnent de la mélatonine à leurs enfants pour les aider à s’endormir. Une étude publiée dans JAMA Pediatrics révèle que la consommation régulière de mélatonine chez les adolescents s’est généralisée, avec environ 19 % d’utilisateurs. De plus, les enfants plus jeunes, dont environ 6 % d’ enfants d’âge préscolaire âgés de 1 à 4 ans et 18 % d’enfants d’âge primaire âgés de 5 à 9 ans, reçoivent également de la mélatonine de leurs parents comme somnifère (Searing L, 2023).
Les chercheurs ont découvert que la consommation de la mélatonine par les enfants n’était pas passagère mais plutôt régulière. Les enfants d’âge préscolaire consommaient de la mélatonine depuis 12 mois en moyenne, les enfants d’âge primaire depuis 18 mois et les adolescents depuis 21 mois (Searing L, 2023).
Cette consommation accrue soulève des inquiétudes, d’autant plus que la mélatonine est désormais présente dans les collations préférées des enfants, comme les oursons en gélatine qui ressemblent à des bonbons et en ont le goût (Coblentz E, 2023).
Comprendre les mauvaises pratiques parentales
La demande de mélatonine semble être en hausse. Selon SPINS, une entreprise technologique qui soutient l’industrie du bien-être, en 2022, les ventes de compléments alimentaires à base de mélatonine pour les enfants ont augmenté de 87 % dans les magasins de détail.
De nombreux parents constatent que leurs enfants s’endorment plus tôt et se réveillent systématiquement à la même heure chaque matin, ce qui entraîne une diminution du stress lié aux responsabilités parentales. Ce changement a permis aux parents de se focaliser sur les besoins de leur famille tout en favorisant des liens plus solides avec leurs conjoints (Caron C, 2020).
D’abord perçue comme efficace, la mélatonine nécessite souvent d’être utilisée selon des doses croissantes chez les enfants afin de maintenir son efficacité à long terme. Cependant, l’auto-administration de doses sans consultation d’un médecin peut présenter des risques (Thompson D, 2023).
En effet, les pédiatres affirment que des doses de mélatonine plus élevéesn’apportent généralement pas d’avantages substantiels et peuvent entraîner des effets secondaires indésirables, notamment des maux de tête, une somnolence matinale ou des rêves agités (Caron C, 2020).
Par ailleurs, de nombreux parents n’ont pas toujours une connaissance approfondie des compléments alimentaires qu’ils donnent à leurs enfants. Parallèlement, les scientifiques tirent la sonnette d’alarme quant à l’impact potentiel de la mélatonine sur le développement de la puberté chez les enfants en pleine croissance (Thompson D, 2023).
En outre, des études antérieures ont montré des incohérences dans les bonbons gélifiés à base de mélatonine, mettant en évidence des différences entre la teneur en mélatonine indiquée sur l’étiquette et la teneur réelle en mélatonine (Osborne M, 2023). La variabilité la plus importante existe dans les comprimés à croquer, la forme la plus couramment consommée par les enfants. La situation est d’autant plus compliquée qu’il peut être extrêmement difficile, voire impossible, de déterminer les autres composants du complément alimentaire (McCarthy, 2022).
Explorer de meilleures solutions pour le sommeil des enfants sans mélatonine
Les experts recommandent d’éviter d’administrer de la mélatonine aux enfants en bonne santé âgés de moins de 3 ans, car à cet âge, les problèmes de sommeil sont généralement d’ordre comportemental. Pour les enfants âgés de 3 à 5 ans, il est conseillé de consulter un pédiatre avant d’envisager l’utilisation de la mélatonine (Coblentz E, 2023). Bien que la mélatonine puisse être une option pour une période limitée, il est important de rechercher si un problème sous-jacent contribue à l’insomnie de l’enfant (Caron C, 2020).
Les pédiatres déconseillent d’administrer de la mélatonine à des enfants qui ne présentent pas de troubles du sommeil dans le seul but d’améliorer la qualité de leur sommeil. Dans les cas où la mélatonine semble convenir à un enfant souffrant d’insomnie à la suite d’un examen approfondi, il ne faut pas se fier uniquement à cette évaluation.
Il est essentiel de combiner l’utilisation de la mélatonine avec des interventions comportementales. Par exemple, l’utilisation de la mélatonine seule ne sera d’aucune utilité si l’enfant ou l’adolescent utilise des appareils électroniques avant de se coucher, car la lumière émise par ces appareils perturbe la libération naturelle de mélatonine par l’organisme (Fliesler N, 2022).
Pour améliorer l’efficacité de la mélatonine naturelle dans la stimulation du sommeil, les parents doivent envisager des alternatives plus saines, comme l’exposition à une lumière vive pendant la journée afin de réguler les habitudes de de sommeil. Il est également essentiel d’établir une routine bien définie à l’heure du coucher, en particulier pour les enfants de moins de 6 ans, car les problèmes de sommeil à cet âge sont souvent dus au comportement.
En outre, le fait définir l’heure du coucher d’un enfant en fonction des moments où il a sommeil naturellement et de les décaler progressivement plus tôt peut aider à déterminer l’heure optimale à laquelle il s’endormira (Caron C, 2020).
Chez Humanium, nous défendons le développement des enfants dans un cadre sain et sécurisé en mettant l’accent sur leur bien-être physique, émotionnel, et social. Nous pensons que la santé de chaque enfant mérite d’être protégée, en particulier pendant les étapes décisives du développement rapide du cerveau au cours de l’enfance. Que ce soit par le biais de dons, de parrainage d’enfants, ou de bénévolat, votre contribution nous permet grandement de défendre les droits des enfants.
Écrit par Lidija Misic
Traduit par Rafael Tobar
Révisé par Vianney Placide Oyono
Bibliographie :
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Coblentz Emilee (2023), 1 in 5 children under the age of 14 take melatonin regularly, new study shows. Retrieved from USA Today at https://www.usatoday.com/story/life/health-wellness/2023/11/28/is-melatonin-ok-for-kids-more-americans-using/71732377007/. Accessed on December 30, 2023.
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Shaheen Mansur (2022), Could melatonin give you dementia? Experts warn sleep-aid use in America is ‘out of control’ and taking more than 5mg a night over a sustained period could cause cognitive damage. Retrieved from Daily Mail at https://www.dailymail.co.uk/health/article-11058925/Experts-warn-melatonin-use-America-control.html. Accessed on December 30, 2023.
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