La traite des enfants dans l’Union Européene

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Même si l’Union Européenne apparaît comme un phare dans le respect des droits des enfants et de leur protection dans le monde, cette réputation est gravement assombrie avec par le phénomène de la traite des enfants. Chaque année, des milliers de personnes sont transférées de force dans l’UE. À tout moment, on estime qu’il peut y avoir jusqu’à 140 000 personnes prises au piège du trafic d’êtres humains. Selon l’UNICEF, 20 % des victimes sont des enfants, dont la plupart sont vendus à l’industrie du sexe.

Qu’est-ce que c’est que la traite des enfants?

Selon les Nations Unies, la traite des enfants est une des forme de la traite des êtres humains et est définie ainsi : « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil et l’enlèvement d’un enfant avec l’objectif de l’exploitation, du travail forcé et de l’esclavage. » (Protocole additionnel à la convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants).

Qui sont les victimes?

Trente pour cent de toutes les victimes de traite d’humains en Europe sont des enfants. Contrairement à la traite des adultes, la plupart des victimes proviennent de l’extérieur du continent européen. Beaucoup des victimes sont des mineurs non accompagnés fuyant la guerre, la pauvreté et la misère, en quête d’une vie meilleure. Ils sont recueillis par des trafiquants qui les attirent dans leur circuit en leur promettant une vie meilleure dans l’UE (Hindu Business Times, 2019).

L’Asie du Sud, le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest constituent des plaques tournantes majeures du trafic. Le Nigeria, en particulier, est le pays d’origine de nombreuses victimes, les filles constituant les deux tiers de tous les enfants victimes de traite. Le plus troublant est que, dans la plupart des cas recensés, les enfants sont vendus par leurs parents. Dans la majorité des cas, les familles ne peuvent pas subvenir à leurs besoins ni à ceux de leur enfant et le vendent donc à un trafiquant d’êtres humains qui promet des salaires élevés en Europe (Europol, 2018).

« Le contact de ma famille m’a alors dit que pour payer la dette, je travaillerai comme prostituée dans des bordels. C’est alors que j’ai réalisé que le contact de ma famille était une entremetteuse. J’ai refusé et j’ai appelé mes parents pour leur expliquer ce qui se passait, mais ils m’ont dit de lui obéir et de faire tout ce qu’elle me disait de faire. Je n’avais pas de papiers et je ne connaissais pas mes droits. Elle m’a dit que si je demandais de l’aide à quelqu’un, je serais expulsée, alors je pensais ne pas avoir d’autre choix que de devenir une prostituée. Ma mère m’a suppliée de faire ce qu’ils disaient. »

– Une jeune Nigériane vendue à la prostitution en Allemagne par sa famille

Dans presque tous les cas comme celui-ci, les trafiquants utilisent des mensonges, des tromperies et de fausses promesses pour attirer les personnes les plus vulnérables dans une industrie qui, rien qu’en Europe, rapporte environ 70 milliards de dollars par an au prix de la souffrance d’innocents.

Qu’est-ce qui les attend dans l’UE ? 

Une fois que les victimes se rendent compte qu’on leur a menti, il est généralement trop tard pour faire marche arrière. Les réseaux de trafic sont efficaces et brutaux, maintenant leur marchandise humaine sous contrôle et loin de la sécurité. La torture psychologique, telle que l’humiliation et l’emprisonnement, est courante, de même que les actes de violence physique, comme les coups pour ceux qui ne se soumettent pas complètement à leurs ravisseurs et aux tâches ignobles qu’ils sont forcés d’accomplir. Quatre-vingt-dix pour cent des anciens enfants victimes de la traite qui ont été recensés, ont été mis au travail dans l’industrie du sexe, souvent au service des réseaux pédophiles.

Les femmes jouent un rôle plus grand dans la traite sexuelle des enfants que dans les autres formes de trafic et il est courant que les mineurs soient confiés à des « Mamans » qui tiennent le rôle de figures disciplinaires. Psychologiquement, les enfants développent souvent un lien avec cette personne. Brisés, loin de chez eux et séparés de leurs vraies familles, ils en viennent à voir leur « Maman » comme une figure maternelle, dans une relation abusive unilatérale. Cet exemple abominable de manipulation des enfants rend difficile la demande d’aide pour les victimes, car même si la « Maman » agit véritablement comme une figure cruelle et autoritaire, la victime est poussée à croire que la recherche d’un moyen de s’échapper serait une trahison de la personne à laquelle elle s’est attachée (ONUDC, s.d.).

Parmi les dix pour cent d’enfants qui ne sont pas vendus à l’industrie du sexe, beaucoup  courent le risque d’être vendus illégalement pour l’adoption ou même le prélèvement d’organes. La plupart sont soumis au travail forcé. Les enfants dans cette situation sont souvent confrontés à de longues heures d’un travail éreintant et dangereux dans un environnement très abusif dans lequel ils ne sont guère plus qu’un outil. La majorité des enfants dans cette situation travaillent dans l’agriculture, souvent dans des sociétés contractantes appartenant aux réseaux de traite et à leurs affiliés (euobserver, 2016).

Dans les cas de travail forcé et de prostitution, les victimes sont souvent liées par un contrat et doivent payer pour le transport et le logement. Ces frais peuvent être fixés à des dizaines de milliers d’euros, augmentant souvent avec le temps et sont en fait impossibles à rembourser avec le « salaire » du mineur.

Sans aide extérieure directe, sortir de cette situation est pratiquement impossible pour les enfants, qui sont piégés dans cette forme d’esclavage.

Les dommages psychologiques

Les types de violence physique et psychologique que subissent les victimes de la traite des humains entraînent souvent de graves conséquences sur la santé mentale ou émotionnelle, y compris un sentiment de culpabilité profonde, le syndrome de stress post-traumatique, la dépression, l’anxiété, l’abus de substances (alcool ou stupéfiants) et des troubles alimentaires. Les victimes ont souvent besoin de soins psychologiques dans le cadre d’un traitement médical complet (OVCTTAC, s.d.).

Pour les survivants à cette épreuve, la réadaptation est une épreuve difficile et douloureuse. Les années d’abus et des traitements inhumains empêchent les survivants de pouvoir faire confiance aux autres. Les relations sociales peuvent être impossibles et même les conduites élémentaires de socialisation peuvent être difficiles.

À cause des dommages psychologiques, les survivants sont souvent méprisés par des personnes qui ne sont pas conscientes de leur état et qui les qualifient d’antisociaux. Même quand l’entourage de la victime connaît son passé, les relations peuvent être tendues en raison d’attentes déformées et de l’embarras ou de la honte de ce que la victime a subi.

Privées d’enfance et ayant mené une vie de tourments, les victimes ont besoin de beaucoup de temps pour s’adapter au monde qui les entoure et apprendre les normes et les attentes de la société. Les risques d’automutilation, d’alcoolisme, d’abus de drogues et de suicide sont élevés chez les survivants. Les programmes de réadaptation offerts par les centres sociaux, les maisons de soins et les gouvernements sont impératifs pour ceux qui échappent au système.

Humanium dénonce la traite des enfants

Depuis le début, Humanium a été créé pour protéger les droits des enfants dans le monde. Nous condamnons le trafic d’enfants sous quelque forme que ce soit. C’est une privation absolue des droits et libertés des mineurs et il faut s’y opposer en utilisant toutes les lois et normes en vigueur.

C’est pourquoi nous demandons l’abolition inconditionnelle et complète de la traite des enfants au niveau mondial. Nous voulons ainsi contribuer à mettre fin à l’abus des mineurs vulnérables et sensibiliser les pouvoirs exécutif et législatif de chaque pays, ainsi qu’au niveau de l’Union européenne, et que la lutte contre la traite des enfants soit une priorité.

Qu’est-ce que je peux faire ?

Voici quelques moyens par lesquels VOUS pouvez aider à lutter contre la traite des enfants :

1. Sensibilisation

Plus les gens en savent sur le sujet, mieux ils peuvent reconnaître les signes de la traite. Informez-vous et informez votre entourage sur le sujet. Lorsque le grand public en sait plus sur la façon dont la traite se déroule, les bandes criminelles perdent du pouvoir.

2. Signalez quand vous avez des soupçons

Si vous pensez qu’un enfant est en danger, signalez-le. Lorsque vous constatez une activité suspecte qui, selon vous, pourrait être liée à la traite d’enfants, alertez immédiatement la police et/ou les autorités compétentes. Un appel téléphonique d’une minute pourrait sauver des vies.

3. Restez au courant de ce qui se passe

Regardez les nouvelles, souvenez-vous des rapports de disparition d’enfants. Si vous savez que votre région est sujette à des crimes tels que la traite, restez attentif aux signes possibles d’activité criminelle. Sachez quand vous pouvez aider en étant simplement attentif à votre ce qui se passe autour de vous..

Humanium Helpline

Si vous ou l’une de vos connaissances êtes victime de la traite d’enfants, le conseil juridique de Humanium Helpline offre des conseils professionnels donnés par notre équipe de juristes bénévoles dans le monde entier, ainsi qu’un accompagnement et un contact avec les institutions concernées, si nécessaire.

Écrit par Julian M.G. Sharp

Traduit par Jana Wegener

Références

Europol, Child trafficking: who are the victims and the criminal networks trafficking them in and into the EU, extrait de: https://www.europol.europa.eu/newsroom/news/child-trafficking-who-are-victims-and-criminal-networks-trafficking-them-in-and-eu

Hindu Business Times, Human trafficking takes “horrific dimensions” in Europe: UN, extrait de: https://www.thehindubusinessline.com/news/variety/human-trafficking-takes-horrific-dimensions-in-europe-un/article25942442.ece#

UNODC, report on human trafficking exposes modern form of slavery, extrait de: https://www.unodc.org/unodc/en/human-trafficking/global-report-on-trafficking-in-persons.html

Nikolaj Nielsen (euobserver), child trafficking in the EU on the rise, extrait de: https://euobserver.com/justice/133482

Office for Victims of Crime Training and Technical Assistance Center, Mental Health Needs, extrait de: https://www.ovcttac.gov/taskforceguide/eguide/4-supporting-victims/44-comprehensive-victim-services/mental-health-needs/

OHCR, Protocol to prevent, suppress and punish trafficking in persons, especially women and children, supplementing the United Nations Convention against transnational organised crime, extrait de: https://www.ohchr.org/EN/ProfessionalInterest/Pages/ProtocolTraffickingInPersons.aspx