Les enfants de Syrie
La mise en oeuvre des droits des enfants en Syrie
Avant le début de la guerre civile du pays en mars 2011, la Syrie était un pays aux revenus moyens qui était capable de subvenir aux besoins de ses habitants. Mais la crise Syrienne a laissé plus de 470 000 morts derrière elle (Syrian Center for Policy Research, 2016), dont 12 000 enfants, et plus de 7 600 000 personnes déplacées dans le pays. L’UNICEF estime que 8, 4 millions d’enfants sont affectés par le conflit, soit en Syrie, soit en tant que réfugiés. De plus, six millions d’enfants syriens seraient en besoin d’aide humanitaire, et plus de 2 millions d’entre eux n’y auraient pas accès parce qu’ils vivent dans des zones difficiles d’accès ou dans des zones assiégées.
Indice de Concrétisation des Droits de l’Enfant : 5,13 / 10 Population : 22,4 millions Espérance de vie : 55,7 ans |
Les problèmes principaux auxquels font face les enfants sont les suivants:
Dans les conflits armés, les enfants sont souvent et délibérément ciblés ou ne sont pas protégés de manière adéquate — ou les deux. La vie des enfants Syriens a été considérablement affectée par le conflit. Tous les jours, de nombreuses violations des droits des enfants ont lieu dans des domaines tels que la santé, l’éducation, la protection, etc. Les enfants syriens sont régulièrement exposés à l’escalade de la violence ainsi qu’à des attaques à la bombe. Certains sont enrôlés et deviennent des enfants-soldats alors que d’autres sont obligés de travailler afin de nourrir leur famille. Plusieurs milliers d’entre eux ont perdu des membres de leur famille, ont dû à quitter leur maison, et ont été déplacés en Syrie ou dans les pays voisins. D’autres, souvent seuls, partent dans un voyage précaire et dangereux, traversent la Méditerranée et tentent de rejoindre l’Europe.
La crise a laissé des opportunités de survie limitées et a plongé la vie de quelques milliers de Syriens dans la pauvreté. En Syrie et dans ses pays voisins, les enfants Syriens ont été obligés de devenir les « gagne pain » de leur famille. Les systèmes éducatifs sont devenus les cibles des attaques en Syrie, dans la mesure où les groupes armés ont vu dans les écoles, les écoliers et les professeurs, des stratégies militaires. De plus, la violence sexuelle contre les populations civiles est devenue une caractéristique du conflit Syrien. La peur d’une telle violence, qui s’intensifie lorsque les auteurs ne sont pas tenus responsables de leurs actions, a un effet d’affaiblissement des populations vulnérables. Cela peut restreindre la mobilité des filles et des femmes et peut les pousser à rester à la maison et à éviter d’aller à l’école.
De plus, la guerre en Syrie est caractérisée par de multiples violations du droit humanitaire, qui interdit les attaques directes ou indiscriminées contre les civils, la destruction des hôpitaux, et garantit l’accès à l’aide humanitaire. Il y a aussi de graves violations des droits de l’Homme pouvant constituer des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité.
En 2015, l’UNICEF a recensé 1500 cas de graves violations contre les enfants en Syrie, dont plus de 60% étaient des cas d’assassinats et de mutilations suite à l’utilisation d’armes explosives dans des zones habitées. De plus, les enfants subissent la répression du régime. En 2014, l’ONU a révélé que le régime syrien emprisonnait des enfants et qu’ils étaient victimes de torture.
Avant la guerre civile, la Syrie avait un système éducatif fort, avec un effectif de presque 100% à l’école primaire, et de 70% à l’école secondaire. Selon un recensement en 2004, le taux d’alphabétisation syrien était de 79.6%. 86% d’entre eux étaient des hommes et 73.6% étaient des femmes. En 2002, l’éducation était gratuite et obligatoire en primaire. En 2016, l’UNICEF rapporte que 2,1 millions d’enfants en Syrie et 700 000 enfants Syriens réfugiés n’ont pas accès à l’éducation. Parmi les enfants syriens réfugiés en Jordanie, en 2016, plus de 80 000 n’étaient pas scolarisés (Human Rights Watch).
Des destructions délibérées des équipements scolaires font partie des caractéristiques de longue date des conflits armés. Les écoles peuvent être considérées comme une incarnation de l’autorité de l’Etat; par conséquent, elles sont considérées comme des cibles militaires légitimes par les acteurs non-étatiques. La Syrie a été lourdement affectée par des attaques basées sur l’éducation, incluant des attaques sur les étudiants, les professeurs (meurtres et enlèvements) et les bâtiments. Depuis le début du conflit, plus d’un-quart des écoles Syriennes ont été endommagées, détruites, ou sont devenues des camps de personnes déplacées internes. De telles attaques ciblées ont un impact profond sur les enfants et sur l’éducation. Une attaque isolée peut en elle-même déboucher sur des fermetures d’écoles et des déplacements de populations.Les professeurs fuient aussi la guerre. De plus, même lorsque les écoles restent ouvertes, les enfants ont parfois peur de se rendre à l’école, redoutant les attaques, les enlèvements ou d’autres menaces. Parmi les 1 500 cas de graves violations des droits de l’enfant en Syrie recensées par l’UNICEF en 2015, un tiers concernent des enfants qui ont été tués pendant qu’ils étaient à l’école ou lorsqu’ils s’y rendaient ou en revenaient. La violence et le traumatisme de la guerre affecte aussi la capacité des enfants à apprendre.
Sans une fin de conflit en ligne de mire, certaines peurs vont être transmises par le conflit à la “génération perdue” d’enfants qui vont manquer de réponses à leurs besoins fondamentaux et ne vont plus être capables d’avoir accès à l’éducation.
L’UNICEF estime qu’environ 7 millions d’enfants syriens vivent dans la pauvreté. Les sanctions du commerce international imposées depuis que les protestations anti-régime ont commencé en mars 2011, ont eu un impact négatif signifiant sur la situation socio-économique de la population civile. Les sanctions ont limité les recettes de l’Etat, ce qui a limité les ressources disponibles pour payer les salariés du secteur public. Cela a causé une réduction significative des revenus de plusieurs familles.
En outre, ces sanctions ont été partiellement responsables de l’augmentation du niveau du prix des marchandises de première nécessité. Cela a considérablement augmenté les pressions sur les familles qui dépensaient la majeure partie de leurs revenus dans ces marchandises. En 2015, d’après l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), 9, 8 millions de Syriens souffrent d’insécurité alimentaire.
Selon la loi interne syrienne, il est illégal d’employer des mineurs avant qu’ils aient acquis leur éducation basique complète ou qu’ils aient atteint l’âge de 15 ans — quelle que soit la condition atteinte en premier. Le travail des enfants était un problème avant la guerre en Syrie, mais la crise humanitaire qui a suivi a exacerbé le problème. Que ce soit en Syrie ou dans les pays voisins, les enfants sont à présent forcés de travailler dans des conditions qui sont mentalement, physiquement et socialement dangereuses.
En Syrie, les enfants peuvent être envoyés loin de leurs familles dans d’autres parties du pays ou dans des pays voisins pour recevoir des revenus, éviter d’être recrutés par des groupes armés, ou éviter d’être blessés dans le conflit. Les familles qui luttent pour leurs besoins vitaux sont souvent forcées d’envoyer leurs enfants au travail, de marier leurs filles jeunes, ou d’autoriser leurs enfants à être recrutés par des groupes armés. Les enfants travaillent dans l’agriculture, la charpente, dans les restaurants, sont vendeurs dans la rue, lavent des voitures, collectent les poubelles, ou encore mendient.
En Syrie, au centre du conflit, les enfants (en particulier les garçons) sont aussi recrutés comme soldats par toutes les parties du conflit souvent sans l’accord des parents, et la moitié d’entre eux ont moins de 15 ans. Ces enfants participent directement aux combats et peuvent être utilisés pour tuer, ou bien sont assignés à des postes qui mettent leur vie en danger.
Pour ce qui est des enfants réfugiés, la situation est également urgente. En 2015, d’après l’ONU, 70% des réfugiés syriens au Liban vivent en-dessous du seuil de pauvreté. En 2016, en Jordanie, 90% des réfugiés vivent en-dessous du seuil national de pauvreté, et 67% des familles sont endettées (UNHCR). Dès lors que les réfugiés adultes sont dans l’impossibilité de faire partie du marché du travail légal dans les pays voisins, ils sont obligés de joindre le marché illégal en prenant le risque d’être emprisonnés, pénalisés ou encore renvoyés en Syrie. Dans une telle situation désespérée, ils sont obligés de se tourner vers l’aide de leurs propres enfants. Il est difficile d’estimer le nombre d’enfants syriens réfugiés qui travaillent, car les familles et les employeurs cachent ce problème par peur des conséquences, mais un rapport de l’UNICEF et de Save the Children dénombre qu’en 2015, entre 13 et 34% des enfants entre 7 et 17 ans travaillent dans le camp de réfugiés Za’atari en Jordanie.
Il y a eu environ 1 million de blessés depuis le début de la guerre selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 2015.
Avant le début du conflit, les statistiques de la survie des enfants syriens était égale à celles des autres pays aux revenus moyens ; néanmoins, l’incessante ascension de la violence a donné lieu à une rupture du système de santé, ce qui a laissé des millions d’enfants dans la souffrance. Les enfants de Syrie ne sont pas simplement mourants du fait des attaques sur les populations civiles, mais aussi à cause d’un accès aux soins médicaux basiques inexistant.
D’après l’OMS, en 2015, plus de la moitié des hôpitaux et des centres de santé ne fonctionnaient que partiellement, dû à un manque de personnel, de médicaments, ou à la destruction des bâtiments, ou avaient fermé. Plus de 15 000 des 30 000 médecins syriens ont fui le pays, d’après l’ONG PHR. Le personnel médical et les patients, incluant les enfants, sont souvent victimes d’attaques — à la fois sur la route et dans les hôpitaux ; l’accès limité aux structures de santé oblige les personnes à recourir à l’utilisation de leurs maisons comme des hôpitaux de fortune.
Avant la guerre, 96% des femmes en Syrie avaient l’accès à l’assistance médicale ; aujourd’hui dans certains quartiers, moins d’un quart ont un accès régulier aux services gynécologiques. Les programmes de vaccination en Syrie avaient un taux de couverture de 91% avant 2011, qui est tombé à 68% en 2012. Alors qu’il n’existe pas de statistiques fiables concernant ce sujet, le taux est susceptible d’être bien plus bas aujourd’hui. Les maladies qui étaient auparavant éradiquées en Syrie, comme la polio, affectent aujourd’hui plus de 80 000 enfants à travers le pays. En 2016, l’ONG Save the Children a dénombré 200 000 morts de maladies chroniques à cause du manque d’accès aux traitements.
Les enfants victimes de la répression
Depuis mars 2011, beaucoup d’enfants ont été victimes de répression dans le pays. A la fin 2013, un rapport publié par Stolen Futures, qui fait partie du Groupe de Recherche d’Oxford, a noté qu’alors que 70% des 11000 enfants morts du fait d’engins explosifs, 764 ont été exécutés, plus de 100 enfants et nourrissons sont morts du fait de la torture, et 389 ont été tués par des balles de sniper.
La violence sexuelle et les mariages d’enfants
Selon l’article 34 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant, les enfants sont protégés contre toute forme d’abus sexuel. Les mineurs sont d’autant plus protégés contre l’abus sexuel selon la loi interne syrienne (article 489).
La violence sexuelle contre les hommes, les femmes, les garçons et les filles a été l’une des caractéristiques de la guerre civile syrienne. Le Bureau des Nations Unies de la Représentante spéciale du Secrétaire général chargée de la question des Violences Sexuelles en Conflit établit que la violence sexuelle a été rapportée dans les contextes de détention, aux postes de contrôles, et durant les fouilles de maisons en Syrie. Les femmes réfugiées dans les pays voisins ont évoqué leur peur des viols comme étant un facteur majeur de leur décision de quitter la Syrie. Depuis 2014, il y a eu une augmentation du nombre de cas de violences sexuelles perpétrées par les groupes terroristes et en particulier par le groupe ISIL. En août 2014, ISIL a enlevé des centaines de femmes et jeunes filles Yazidi à Sinjar, dans le nord de l’Irak. Certaines d’entre-elles ont été enlevées et vendues pour l’esclavage sexuel.
Le mariage des enfants en Syrie existait déjà avant la guerre mais avait un taux bien plus bas qu’aujourd’hui. Il s’est dramatiquement développé depuis le début de la guerre; dans certains cas, comme dans celui des réfugiés syriens en Jordanie, le taux de mariage des enfants a doublé depuis 2011. L’âge minimum pour se marier selon le Code du Statut Personnel Syrien (1957) est de 18 ans pour les garçons et 17 pour les filles.
Alors que la Syrie a ratifié la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en 1993, elle a émis certaines réserves car des clauses ne seraient pas conformes à la Loi Islamique. Par exemple, l’Article 16(2) de la Convention interdit les Etats parties de permettre ou de valider des mariages entre des personnes qui n’ont pas atteint leur majorité ; malgré tout, un tel mariage peut être autorisé en Syrie, avec le consentement du père ou du grand père. Pour les filles, l’âge minimal est alors de 13 ans, et pour les garçons de 15 ans. Malheureusement, un grand nombre de mariages de mineurs sont arrangés par leurs familles et sont contre la volonté des filles. Ces mariages ont souvent de graves conséquences sur la santé des jeunes filles — souvent mariées à des hommes bien plus âgés — qui ne sont pas conscientes des risques encourus, de l’exploitation sexuelle à la reproduction et aux conséquences sur la santé sexuelle. Selon la loi Syrienne et Islamique, la polygamie est légale ; il s’agit d’une pratique commune dans la Syrie rurale qui a augmenté depuis le début du conflit.
Il y a différentes raisons pour lesquelles les familles syriennes se tournent vers le mariage pour leurs filles dans les communautés réfugiées et des personnes déplacées internes. Les personnes déplacées internes en Syrie et les réfugiés dans les pays voisins arabes font face à une insécurité alimentaire et économique constante ainsi qu’à un manque d’opportunités à trouver des moyens de subsistance. Les filles et les femmes de ces communautés font face à un risque de plus en plus élevé de violence sexuelle. Au camp Za’atari, les femmes réfugiées ont rapporté qu’elles ont peur d’être poussées dans les mariages d’impostures. Dans la vallée de Bekaa, au Liban, les gangs exploitent les femmes réfugiées et les enfants. Sous pression, pour protéger leurs filles et pour favoriser les ressources de la famille, les familles peuvent se tourner vers le mariage pour leurs enfants. De plus, selon la Loi Syrienne, un violeur peut éviter une sanction en se mariant à sa victime et un viol marital n’est pas explicitement criminalisé.
Le droit à la non-discrimination
L’Acte de Nationalité Syrien, qui ne donne pas le droit aux femmes de transmettre leur nationalité à leurs enfants, a des effets dévastateurs sur les droits civils, économiques et sociaux des enfants syriens. Les enfants de mariages entre une femme syrienne et un mari étranger ne donne pas le droit à l’éducation gratuite, déshérite de la propriété, ou encore, limite l’accès aux services de santé et autres bénéfices prévus pour les Syriens.
De plus, les lois syriennes peuvent avoir des impacts défavorables sur les minorités du pays. En 1962, le Décret Législatif n° 93 a retiré leur nationalité à 120 000 Syriens Kurdes car ils étaient dans l’impossibilité de prouver qu’ils vivaient en Syrie depuis 1945. Ce groupe minoritaire qui constitue le deuxième groupe ethnique le plus gros après les Arabes Syriens en Syrie devient alors apatride. Ils ne peuvent pas utiliser les ressources et services disponibles pour les Syriens comme par exemple les subventions alimentaires, l’admission dans les hôpitaux publics, l’accès à l’emploi dans les agences gouvernementales. De plus, les mariages entre les citoyens syriens et les Kurdes ne sont pas légalement reconnus ; les enfants nés de ces unions sont donc également apatrides. Les Kurdes avec un statut étranger ne se voient pas remettre de passeports, ils n’ont pas le droit de rentrer ou de quitter le pays. Ces effets négatifs ont affecté les familles réfugiées kurdes syriennes qui ont fui vers le nord de l’Irak au Kurdistan.
Les enfants apatrides de Syrie ne disposent pas des documents civils nécessaires à l’accès aux services de l’Etat, incluant les installations de santé, les institutions éducatives et le support juridique. Ces enfants sont donc extrêmement exposés à l’insécurité alimentaire, à la marginalisation, à l’exploitation sexuelle, au trafic, au travail, au déplacement, et aux mariages forcés.
Ecrit par : Priyanka Sinha