Le droit à la liberté est un droit fondamental protégé par le droit international et accordé à tous les êtres humains, y compris les enfants. Ce droit comprend quatre dimensions principales de l’identité d’un individu et de son lien avec la vie publique : la liberté de mouvement, la liberté d’expression, la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi que la liberté de réunion pacifique et d’association.

L’approche des droits de l’enfant par rapport au droit à la liberté
La Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), adoptée en 1948, était le premier document juridique ayant consacré le droit à la liberté à travers quatre dimensions différentes : la liberté de mouvement et de résidence (article 13), la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 18), la liberté d’opinion et d’expression (article 19), ainsi que la liberté de réunion pacifique et d’association (article 20) (UN, s.d.).
« Les droits de l’homme universels sont les compagnons de voyage qui soutiennent chaque être humain, du premier soupir jusqu’au dernier.»
– Smith, 2004
Les conventions relatives aux droits de l’homme n’excluent pas les enfants. Cela était déjà clair dans l’article 1 de la DUDH : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits » (c’est nous qui soulignons). Bien que la DUDH ne soit pas juridiquement contraignante, elle sert de modèle pour les traités relatifs aux droits humains (Smith, 2015).
Les droits des enfants sont explicitement reconnus dans la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), qui intègre le droit à la liberté à travers trois dimensions: la liberté d’expression (article 13), la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 14), et la liberté d’association et de réunion pacifique (article 15) (CRIN, s.d.). Contrairement aux droits économiques et sociaux, les droits de l’enfant à la liberté d’expression, de religion, d’association, de réunion et à la vie privée ne peuvent pas être liés à la situation économique d’un pays.
Ces droits doivent être garantis à tous les enfants, y compris ceux qui sont apatrides, sans discrimination. En outre, la langue de l’enfant ou son handicap ne doivent pas faire obstacle au respect de l’obligation d’étendre la liberté d’expression aux enfants (Save the Children, 2013).
Liberté d’expression
La liberté d’expression est un indicateur important de la reconnaissance des enfants en tant que titulaires de droits. En exprimant leurs sentiments et leurs opinions, les enfants peuvent décrire comment leurs droits sont respectés ou enfreints, et même apprendre à défendre les droits d’autrui.
La Déclaration universelle des droits de l’homme (article 19) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) (article 19) consacrent ce droit pour tous. Toutefois, l’inclusion d’un article spécifique sur la liberté d’expression dans la CDE souligne que les droits civils et politiques s’appliquent autant aux enfants qu’aux autres êtres humains. Après tout, pour que les sociétés évoluent de manière ouverte et démocratique, les opinions de tous les groupes de population doivent être représentées, et pas seulement celles des plus puissants (CRIN, article 13).
Le droit des enfants à la liberté d’expression est étroitement lié aux articles 14 (liberté de pensée, de conscience et de religion), 15 (liberté d’association) et 17 (accès à l’information). Il a également des liens étroits avec l’article 12 (le droit des enfants d’être entendus). Les observations générales du Comité sur l’article 12 notent les similarités entre ces deux articles, mais clarifient aussi leurs différences.
Tandis que l’article 12 oblige les États à instituer un cadre légal et des mécanismes nécessaires pour aider les enfants à jouer un rôle actif dans toutes les questions qui les concernent, le droit à la liberté d’expression ne prévoit pas une telle obligation. Au contraire, les États devraient s’abstenir d’interférer avec ce droit et s’efforcer de créer un environnement qui respecte le droit des enfants d’exprimer leurs points de vue (CRIN, article 13).
Comment les enfants s’expriment
Les enfants ont le droit d’avoir accès à l’information et de s’exprimer à travers l’art, la parole et l’écriture, pourvu que cela n’enfreigne pas les droits des autres (UNCRC Child-friendly version, s.d.). Par exemple, le jeu — qui devrait être un aspect fondamental de l’enfance — est l’un des moyens par lesquels les enfants développent l’expression de soi.
Chacun a la responsabilité d’encourager les enfants à s’exprimer, mais cette orientation doit toujours être exercée dans le cadre de la CDE dans son ensemble. Elle doit respecter et encourager la capacité des enfants à prendre leurs propres décisions, en tenant compte de leur âge et de leur maturité. Garantir l’accès des enfants à des sources d’information variées est essentiel pour les aider à se forger leurs propres opinions et à les exprimer (CRIN, article 13).
La liberté d’expression à l’ère digitale
Ces dernières années, préserver la liberté d’expression est devenu un défi. L’essor des réseaux sociaux et des nouvelles plateformes médiatiques a exposé les enfants à une large gamme de contenus, dont certains sont nocifs et difficiles à contrôler. Il est important de comprendre que le contenu créé ou utilisé par les enfants et les jeunes sur Internet, ou le contenu les concernant créé par d’autres (photos, vidéos, textes ou autres contenus), peut persister ou être accessible de manière permanente.
Ceci peut porter atteinte à leur dignité, leur sécurité, leur vie privée, ou encore les rendre vulnérables, aujourd’hui ou à un stade ultérieur de leurs vies (CoE, s.d.). Trouver l’équilibre entre le droit à la liberté d’expression et le droit à la vie privée n’est pas facile, mais le principe fondamental qui doit guider la discussion demeure l’intérêt supérieur de l’enfant.
Les enfants devraient recevoir des informations dans un langage adapté à leur âge, et les enseignants, éducateurs, parents ou tuteurs devraient être formés à l’utilisation sûre d’Internet, notamment sur la manière de préserver la vie privée des enfants. Ces derniers devraient aussi avoir accès à des informations claires sur les contenus et les comportements illégaux en ligne (par exemple, le harcèlement en ligne), ainsi que la possibilité de signaler un contenu potentiellement illégal. Ces informations devraient être adaptées à leur âge et à leur situation, et ils devraient recevoir des conseils et un soutien dans le respect de leur confidentialité et de leur anonymat (CoE, s.d.).
Enfin, les enfants devraient avoir accès à l’information tout en étant protégés contre les risques liés aux réseaux sociaux et à l’addiction à Internet, compte tenu de l’impact potentiellement négatif que ceux-ci peuvent avoir sur leur santé mentale et leur bien-être.
Liberté de pensée, de conscience et de religion
Les gens dans de nombreuses sociétés rencontrent des obstacles à l’exercice de ce droit, en particulier la liberté de religion. Cependant, les enfants rencontrent des barrières supplémentaires : leurs convictions sont finalement restreintes par leurs parents ou d’autres adultes dans leur entourage (CRIN, article 14, s.d.). Rarement un enfant peut librement choisir sa religion ou se convertir sans le consentement des parents ou sans la coercition de la famille, de l’école ou de l’État.
Le droit international exige que les adultes guident les enfants tout en respectant leur autonomie, qui croît avec leur âge (CRIN, s.d.). Permettre aux enfants d’explorer leurs croyances aide à former leur identité et les conduit à respecter les autres, ce qui pose les bases de l’harmonie sociale (Save the Children, article 14, s.d.).
Dans certains cas, l’imposition des croyances des parents peut causer des dommages irréversibles aux enfants. Plusieurs décès d’enfants ont été enregistrés parce que leurs parents, de diverses religions, ont refusé des interventions médicales vitales pour leur enfant, pour des raisons religieuses (CRIN, article 14, s.d.). Par exemple, les disciples du Christ, une secte religieuse, refusent la pratique médicale parce qu’ils croient que les maladies peuvent être guéries par la foi et le pouvoir de la prière (Wilson, 2016).
Les Témoins de Jéhovah ont également de fortes convictions en matière de pratique médicale. Selon leur foi, les Témoins de Jéhovah ne doivent pas partager leur sang avec d’autres personnes, de sorte que les transfusions sanguines ne leur sont pas permises. En 2019, un juge de la Haute Cour du Royaume-Uni a statué qu’une fillette de cinq ans, issue d’une famille de Témoins de Jéhovah, devait recevoir une transfusion sanguine contre la volonté de ses parents pour sauver sa vie (Farmer, Stubley, 2019).
Liberté d’association et de réunion pacifique
Au centre du développement de chaque enfant, il y a la liberté d’appartenance, de partager et de grandir avec les autres, avec le droit inhérent de s’associer et de former des groupes librement. Protégé par l’article 15 de la CDE, ce droit est essentiel pour le bien-être social et émotionnel, favorisant un sentiment d’appartenance et d’engagement communautaire (Save the Children, article 15, s.d.).
À travers les interactions au sein des groupes, les enfants acquièrent des compétences de vie essentielles : la communication, le travail en équipe et la résilience. Quand ils sont choisis librement, les groupes permettent aussi aux enfants de s’exprimer auprès d’enfants partageant les mêmes idées et de poursuivre leurs propres intérêts dans des environnements sûrs et favorables (Save the Children, article 15, s.d.).
L’intérêt des enfants pour la participation civique doit être nourri, non supprimé. Toutefois, certaines restrictions à ce droit garantissent la sécurité et le bien-être des enfants et veillent à ce que leur droit de s’associer n’enfreigne pas les droits d’autrui ou ne constitue pas une menace pour l’ordre public, la santé et la moralité.
Par exemple, tandis que les enfants devraient être libres de rejoindre des groupes et des clubs, ces groupes doivent opérer au sein d’un cadre légal et respecter les droits des autres. Les gangs violents et les sectes sont des exemples de groupes qui ne sont pas dans l’esprit de l’article 15 (Save the Children, article 15, s.d.).
Exemples des droits des enfants à l’association et à la participation civile
Engagement des jeunes contre le changement climatique

Le changement climatique est un problème urgent et complexe qui affecte directement la jeune génération. Selon des enquêtes récentes, trois-quarts des 10 000 enfants et jeunes âgés de 16 à 25 ans issus de dix pays ont dit qu’ils craignaient le futur (Hickman, 2021). Plus de la moitié ont dit que l’humanité était condamnée. Heureusement, les jeunes relèvent le défi et deviennent de plus en plus actifs dans le combat contre le changement climatique (Zacharenkova, 2023).
Inspirés par des leaders tels que Greta Thunberg et son mouvement « Fridays for Future », les groupes climatiques dirigés par des jeunes ont pris un élan sans précédent, avec de jeunes militants qui font pression pour un changement environnemental urgent. Les jeunes à travers le monde créent des groupes et des mouvements pour présenter leurs préoccupations et des solutions aux décideurs et alimenter le dialogue sur le changement climatique au niveau local, national et international.
Conseils d’Enfants et Parlements d’Enfants
Les enfants ont le droit d’être entendus sur toutes les questions qui les concernent, en plus des droits et libertés liés à l’information, à la pensée, à l’expression, à l’association et à la réunion pacifique. Les enfants peuvent exercer le droit à la participation de différentes manières, soit individuellement, soit en groupe, y compris dans le processus de prise de décision à la maison, à l’école et dans la communauté.
Ceci s’applique à tous les enfants capables de former leur propre opinion. C’est la responsabilité des institutions locales – telles que les écoles, les communautés et les cités – de créer des environnements et des structures qui favorisent la participation des enfants.
Les Conseils d’enfants et de jeunes sont les premiers mécanismes formels pour la participation des enfants au niveau de la municipalité et dans les écoles. Cependant, leur structure, leurs mandats, la taille des membres, et les processus de recrutement peuvent varier considérablement (UNICEF, 2022).
Repenser le droit des enfants à la liberté
Plus de 20 ans après la ratification et la mise en œuvre de la CDE, il est de plus en plus reconnu qu’il y a eu peu de progrès dans la réalisation des droits civils et politiques des enfants. Les enfants sont privés de leurs droits parce qu’ils n’ont pas le droit de vote, et peu de gouvernements ont fourni des efforts conséquents pour investir dans les budgets, les cadres légaux, les politiques ou les programmes qui renforcent la réalisation des droits des enfants à l’expression, à l’information, à la participation, à l’association, à la réunion pacifique et à d’autres droits civils.

Dans beaucoup de pays, des attitudes socio-culturelles dominantes à l’égard des enfants limitent aussi la réalisation de leurs droits civils. En outre, la discrimination basée sur le genre, l’appartenance ethnique, la religion, la caste, le revenu et d’autres facteurs crée des obstacles supplémentaires à la réalisation de leurs droits civiques (Save the Children, 2013).
Lorsque l’on envisage de plaider en faveur d’un abaissement de l’âge du vote, les programmes sur les droits et libertés civils des enfants devraient aussi inclure un travail plus systématique avec les gouvernements, la société civile et les médias afin de renforcer les mécanismes qui peuvent accroître la réalisation des droits civils des enfants pour toutes les filles et tous les garçons. Les efforts visant à promouvoir les droits des enfants à la liberté de pensée, de conscience et de religion, ainsi qu’à la vie privée, et à veiller à ce que les enfants ne soient pas soumis à des punitions, à la torture et aux arrestations pour avoir exercé leurs droits civils, sont aussi importants (Save the Children, 2013).
Il est nécessaire d’adopter une approche systématique qui soutienne les efforts plus larges déployés par les gouvernements des États, les agences des Nations Unies, les ONG et d’autres acteurs pour qu’ils assument leurs responsabilités en matière de respect des droits et libertés civils des enfants. Tous les enfants doivent être enregistrés à la naissance.
Tous les enfants doivent avoir accès à l’information, et un espace institutionnel pour la représentation des enfants dans les processus de gouvernance doit être créé à tous les niveaux (dans les écoles, les communautés, au niveau de la gouvernance locale, infranationale et nationale). La mise en réseau et la reconnaissance juridique des associations d’enfants, ainsi que la liberté de réunion à différents niveaux, permettront également d’accroître les occasions concrètes pour les enfants et les jeunes d’influencer l’évolution des politiques nationales, régionales et mondiales sur les questions qui les concernent (Save the Children, 2013).
Écrit par Arianna Braga
Relu en interne par Aditi Partha
Traduit par Nelly Misenga
Relu par Or Salama
Dernière mise à jour le 24 novembre 2024
Références:
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