La prévalence et l’impact de la cyber-sextorsion sur les adolescents

Posted on Posted in Droits des enfants, Droits Humains, Exploitation

De nombreux facteurs, telle que l’absence de législation adéquate, ont donné aux prédateurs sexuels l’occasion de manipuler et de convaincre de jeunes garçons de partager avec des personnes virtuelles du contenu multimédia graphique les représentant (Bureau National de Presse du FBI, 2012). Une fois en possession de ce matériel, les prédateurs utilisent les photos et les vidéos comme moyen de faire chanter les enfants à des fins personnelles, ce qui prend souvent la forme de paiements financiers (Bureau National de Presse du FBI, 2012). Cette activité criminelle est communément appelée « sextorsion » et a rapidement pris de l’ampleur suite au passage accéléré des adultes et des enfants vers le numérique après la pandémie de COVID-19 (Brewster, 2022).

Définir la sextorsion

La vingt-et-unième siècle a marqué le début d’une révolution technologique mondiale. En témoignent les milliards de personnes à travers le monde devenues de plus en plus dépendantes de la technologie dans leur vie quotidienne. Dans ce nouveau monde numérique, des acteurs malveillants ont “détourné” des outils en ligne pour exploiter les personnes et les enfants vulnérables. En raison de la rapidité de l’innovation technologique, les législateurs du monde entier ont eu des difficultés à mettre en place des dispositions pour lutter contre cette activité illicite en ligne (Charlebois, 2022).

De là émerge la sextorsion, une sous-catégorie d’exploitation sexuelle des enfants dans laquelle les enfants sont victimes de chantage utilisant des images nues ou à connotation sexuelle d’eux par un auteur qui, en échange, demande davantage de matériel illicite, des faveurs sexuelles ou de l’argent (Centre national des Enfants Disparus et Exploités). La sextorsion dépend du fait que des acteurs malveillants accèdent à du matériel illicite mettant en scène des enfants, soit en les volant, soit en les acquérant par tromperie ou par coercition (Centre National pour les Enfants Disparus et Exploités).

Cette exigence signifie également que la sextorsion a majoritairement lieu dans des environnements virtuels populaires auprès des enfants. Il s’agit notamment des sites Web et applications de médias sociaux, des sites de jeux et des plateformes de communication utilisés par les enfants (Bureau National de Presse du FBI, 2022). Même si les victimes peuvent être âgées d’à peine 10 ans, l’un des groupes les plus ciblés est celui des adolescents âgés de 14 à 17 ans, souvent par des auteurs se faisant passer pour des femmes via de faux comptes (Bureau National de Presse du FBI, 2022).

La cyber-séduction et la manipulation

À cause de la vulnérabilité inhérente aux enfants, les délinquants utilisent généralement un certain nombre de méthodologies relativement simples pour atteindre les enfants et en obtenir du matériel illicite. Les méthodes d’approche sont connues et se composent de plusieurs étapes communes :

Profils et contenus frauduleux

Les sites de médias sociaux et les forums de discussion sur Internet ne parviennent souvent pas à empêcher suffisamment les utilisateurs de dissimuler leur identité. Cela permet aux acteurs malveillants de se faire passer pour quelqu’un qu’ils ne sont pas ou de créer des profils entièrement faux. Les délinquants se font presque toujours passer pour des jeunes filles sous de fausses identités pour tromper les jeunes garçons (Rosenthal, 2022).

En plus des profils frauduleux, les délinquants peuvent utiliser la technologie pour manipuler et créer du contenu à caractère sexuel à partir de l’image d’un individu, même si le média original ne contenait rien d’explicite (Bureau National de Presse du FBI, 2023). Cela augmente les risques et les dangers associés au partage d’images et de vidéos personnelles en ligne, qu’elles comportent ou non du contenu privé.

Développement relationnel

Il est connu que les délinquants approchent les enfants pour établir une relation avant de leur demander des images illicites (Centre National pour les Enfants Disparus et Exploités). Des recherches menées aux États-Unis suggèrent qu’environ 40 % des mineurs ont été approchés en ligne par quelqu’un qui, selon eux, tentait de les manipuler (Campoamor, 2022).

Chantage

Une fois qu’une relation de confiance a été établie, les malfaiteurs demanderont au jeune des images nues ou à caractère sexuel avant de menacer de les partager avec sa famille, ses amis ou sur Internet si leurs demandes ne sont pas satisfaites. Les délinquants exploitent la honte et la peur lors de ces demandes, ce qui provoque la confusion et rend les enfants plus vulnérables à la manipulation (Campoamor, 2022).

Pour rendre leurs menaces plus réalistes, les auteurs obtiennent souvent les coordonnées de la famille et des amis de la victime (PA Media, 2023). Les agresseurs sont également connus pour agir rapidement et encourager les enfants à passer d’un mode de communication virtuelle à un autre pour s’assurer qu’ils peuvent garder le contrôle (Centre National pour les Enfants Disparus et Exploités).

Poursuite de l’extorsion 

Alors que certains délinquants peuvent s’arrêter après avoir été payés à la suite d’une tentative de chantage, d’autres mettent en œuvre un modèle d’extorsion évolutif, augmentant leurs exigences jusqu’à ce que les victimes ne veuillent pas ou ne soient pas en mesure d’y répondre (Huizar, 2022). Cela a souvent des effets catastrophiques : des suicides d’adolescents victimes de sextorsion ont été récemment documentés aux États-Unis d’Amérique, au Canada et au Royaume-Uni, avant et après la fuite de contenus à caractère sexuel (Huizar, 2022).

Le Bureau Fédéral de l’Investigation (FBI) a reçu 18 000 rapports de sextorsion en 2021, qui ont donné lieu à plus de 13 millions de dollars de pots-de-vin, mais on estime que le nombre réel est beaucoup plus élevé en raison de la réticence des victimes à signaler les cas d’abus par peur et par embarras (Campbell & Kravnik, 2022).

Une criminalité en hausse

La fondation Internet Watch a déclaré qu’il y a eu plus de cas de sextorsion reportés au cours du premier semestre 2023 que sur l’ensemble de l’année 2022 (PA Media, 2023). Cela représente une augmentation de 257 % des cas, accompagnée de plus de six fois plus d’appels sur leur ligne d’assistance téléphonique que sur l’ensemble de l’année 2022 (PA Media, 2023).

Les statistiques du FBI aux États-Unis reflètent cette tendance ; plus de 3 000 victimes et plus d’une douzaine de suicides ont été recensés en 2022 (Bureau national de presse du FBI, 2022). Le Centre National Américain pour les Enfants Disparus et Exploités (NCMEC) a enregistré une augmentation de près de 400 % de cas de sextorsion reportés depuis 2018, tandis que la ligne d’assistance nationale du Canada a noté 500 cas de sextorsion déclarés rien qu’en juillet 2023 (Brewster, 2022).

En Amérique du Nord, la hausse de taux de sextorsion a majoritairement touché les jeunes adolescents. Le Centre Canadien de Protection de l’Enfant a déclaré que 92 % des cas survenus en juillet de cette année impliquaient de jeunes garçons et des hommes (Brewster, 2022). La majorité des cas surveillés par le FBI concernent des garçons âgés de 14 à 17 ans (Brewster, 2022). En revanche, une étude du Centre National pour les Enfants Disparus et Exploités montre que 78 % des signalements de sextorsion entre 2013 et 2016 impliquaient des filles (Brewster, 2022).

La sextorsion est principalement motivée par un gain financier qui encourage les délinquants à commettre le crime aussi longtemps qu’ils ne se font pas prendre. Dans le contexte de l’essor des jeux, des médias sociaux et de la présence des enfants en ligne – ainsi que de l’accès croissant des enfants aux comptes bancaires et aux mécanismes de paiement de leur famille – les délinquants en série deviennent de plus en plus répandus.

Le FBI poursuit actuellement un délinquant qui s’est fait passer pour une femme californienne et a trompé au moins 30 jeunes garçons pour qu’ils leur envoient du contenu explicite d’eux-mêmes, notamment un jeune de 18 ans qui s’est suicidé après avoir payé $1,500 en bons d’achats Apple au délinquant en liberté (Brewster, 2022). Même si les implications financières de la sextorsion sont mineures par rapport à d’autres cybercrimes, ses conséquences pour les jeunes enfants sont souvent graves (Brewster, 2022).

Recours et mécanismes de protection

La nature multidimensionnelle de la menace de la sextorsion exige une solution toute aussi large. Partout dans le monde, les législateurs et les décideurs politiques ont appelé à des réformes ciblant un large éventail d’acteurs.

Secteur privé

Les sites de communication, les plateformes de jeux et les réseaux sociaux doivent faire davantage pour encadrer et protéger les enfants du contact avec des inconnus. Le Centre Canadien de Protection de l’Enfance a souligné que Snapchat et Instagram sont les plateformes sur lesquelles il a observé la plus forte prévalence d’incidents de sextorsion (Charlebois, 2022). Ces deux sociétés représentaient 42 % et 38 % des cas récents de sextorsion suivis par l’organisation canadienne (Brewster, 2022).

Les cas surveillés comprenaient des cas dans lesquels la même photo de profil était utilisée parfois par 19 comptes pour extorquer les victimes (Brewster, 2022). Malgré ces préoccupations, les sociétés de médias sociaux hésitent à commenter les mesures directes qu’elles mettent en place pour lutter contre la sextorsion, citant fréquemment d’autres plateformes externes qu’elles soutiennent pour contribuer à accroître la transparence et la responsabilité en ligne (Brewster, 2022).

Secteur public

Les gouvernements et les agences nationales doivent d’abord redoubler d’efforts pour améliorer la compréhension et la sensibilisation du public à la sextorsion (Bureau National de Presse du FBI, 2022). Cela aidera les enfants à comprendre les dangers des relations en ligne, ainsi que les parents et les tuteurs en mesure de surveiller leur comportement (Huizar, 2022).

Les campagnes de sensibilisation contribuent également à sensibiliser le public au fait que la sextorsion peut être commise par des personnes connues d’un enfant. Il est donc nécessaire de fournir aux enfants un moyen de parler de comportements suspects entre amis et de développer une plus grande réticence à partager des images illicites avec n’importe qui (Huizar, 2022).

Les gouvernements doivent également veiller à ce que la législation soit adaptée pour lutter contre les infractions transnationales, étant donné que les auteurs se trouvent souvent en dehors de la juridiction d’un pays (Huizar, 2022). La nature mondiale d’Internet et des espaces en ligne permet aux enfants d’interagir avec des personnes du monde entier. Il est de plus en plus difficile de lutter contre cette situation sans des dispositions nationales de grande envergure et une excellente collaboration au sein du pays. Les criminels profitent de cette lacune, exploitant la faiblesse des mécanismes de partage d’informations pour commettre des crimes à des milliers de kilomètres de leur emplacement physique.

Des familles

Les enfants eux-mêmes doivent être encouragés à être plus sélectifs dans le matériel qu’ils partagent en ligne et à être plus prudents lorsqu’ils interagissent avec des inconnus en ligne (Bureau National de Presse du FBI, 2023). Leurs familles doivent également améliorer leur connaissance de l’espace numérique pour s’assurer qu’elles peuvent donner à leurs enfants une culture de méfiance et identifier les cas où le comportement de leur enfant est à risque élevé (Bureau National de Presse du FBI, 2023).

Humanium a toujours plaidé pour un monde où les droits des enfants sont respectés et protégés, et où aucun enfant ne devrait jamais subir les effets de l’exploitation sexuelle des enfants. Découvrez comment défendre les droits des enfants, rejoignez notre communauté, interagissez avec notre travail et faites passer le message via notre site Web, notre page Facebook ou notre newsletter !

Rédigé par Vanessa Cezarita Cordeiro

Traduit par Vandana Koonjal

Relu par Ania Beznia

Références: 

Brewster, T. (2022, August 25). “Sextortion tricked 30 boys into sharing photos, FBI says, one took his own life.” Retrieved from Forbes, accessed on 8 October 2023. 

Campbell, J., & Kravarik, J. (2022, May 23). “A 17 year-old boy died by suicide hours after being scammed. The FBI says it’s part of a troubling increase in sextortion cases.” Retrieved from CNN, accessed on 10 October 2023. 

Campoamor, D. (2022, November 4). “What is sextortion? One mom is warning parents after son’s death.” Retrieved from Today News, accessed 10 October 2023. 

Charlebois, B. (2022, August 6). “Canada’s sextortion boom coincides with pandemic’s online shift” It’s out of control.” Retrieved from Global News, accessed on 10 October 2023. 

FBI National Press Office. (2022, December 19). “FBI and partners issue national public safety alert on financial sextortion schemes.” Retrieved from FBI National Press Office, accessed on 3 October 2023. 

FBI National Press Office. (n.d). “Sextortion.” Retrieved from FBI National Press Office, retrieved on 3 October 2023. 

FBI National Press Office. (2023, June 5). “Malicious actors manipulating photos and videos to create explicit content and sextortion schemes.” Retrieved from FBI National Press Office, accessed on 16 October 2023. 

Huizar, T. (2022, December 22). “Why the ‘sextortion’ of teenagers is growing.” Retrieved from NBC News, accessed on 3 October 2023. 

National Center for Missing and Exploited Children. (n,d). “Sextortion overview.” Retrieved from National Center for Missing and Exploited Children, accessed on 3 October 2023. 

PA Media. (2023, September 19). “Shocking ride in number of children falling victim to sextortion, charity says.” Retrieved from STV News, accessed on 1 October 2023. 

Rosenthal, J. (2022, November 30). “Sextortion schemes targeting teen boys on the rise.” Retrieved from Fox 5 DC News, accessed on 1 October 2023.