Humanium était présent au Palais des Nations, à Genève, pour assister à une problématique fondamentale s’agissant des droits de l’enfant, à savoir l’accès à la justice.
L’accès à la justice pour les enfants constitue à la fois un droit et un moyen pour rétablir les droits qui ont été violés. Sans un accès effectif à la justice, les enfants restent vulnérables aux abus provenant de l’environnement familial, de la société ou de l’État.
La Convention internationale relative aux droits de l’enfant offre un large éventail de droits pour promouvoir un Etat de droit, de même les Objectifs de Développement Durables (Sustainable Development Goals) adoptés en 2015, soulignent l’importance d’assurer un égal accès à la justice pour tous. [1]
Dans son objectif de promouvoir l’État de droit (Rule of Law), l’Organisation Internationale du Droit du Développement co-organisait, ce Lundi 4 février 2019, une table ronde autour du sujet “ L’accès à la justice pour les enfants et les jeunes personnes “.
La modératrice, Mme Rishmawi, directrice générale de la branche chargée de l’État de droit (“ Rule of Law “), de l’égalité et de la non-discrimination auprès du Bureau du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme, a donné la parole à tour de rôle à différents intervenants :
– Mme Diahann Gordon Harrison, Défenseure des enfants de Jamaïque et Rapporteur Nationale sur la traite des personnes.
– M. Dunstan Mlambo, magistrat, président à la Cour suprême d’Afrique du Sud.
– Mme Aijan Muktar, déléguée de la jeunesse suisse auprès des Nations Unies.
– Mme Mikiko Otani, membre du Comité des droits de l’enfant.
« Pour que les droits aient un sens il faut pouvoir disposer de moyens de recours utiles pour obtenir réparation en cas de violation »
Une première question concernait le rôle et les missions du défenseur des droits en Jamaïque, pour lequel Mme Diahann Gordon Harrison fait remarquer tout d’abord que c’est une autorité indépendante pour laquelle tous les enfants peuvent bénéficier de la protection, qu’ils soient jamaïcains ou non, résidant au Jamaïque ou non. Par ailleurs, elle précise que cette institution est en conformité avec la Convention Internationale des droits de l’enfant qui spécifie qu’il faut notamment “ une autorité légale “ pour défendre les droits de l’enfant, cela est également précisé dans la jurisprudence du Comité des droits de l’enfant qui spécifie que “ Pour que les droits aient un sens il faut pouvoir disposer de moyens de recours utiles pour obtenir réparation en cas de violation […] Le statut spécial des enfants et leur dépendance font qu’ils ont beaucoup de mal à se prévaloir des recours disponibles en cas de violation de leurs droits.”[2]
L’intervenante finit par illustrer la compétence du Défenseur des Enfants de Jamaïque, tels que la possibilité d’introduire des procédures judiciaires, dispose de pouvoirs d’investigations, la possibilité d’être mandaté pour sensibiliser les adultes et les enfants eux mêmes sur ce que sont les droits de l’enfant, ou sur quelque problème qui peuvent impacter les droits de l’enfant.
S’agissant de son rôle en tant que Rapporteur Spécial de la justice pour les enfants, celle-ci explique qu’elle a un rôle particulier au niveau national concernant la traite de personnes au Jamaïque. Au sein de ce pays de transit, les femmes et les enfants représentent des victimes principales, et les filles sont majoritaires parmi les victimes. Elles sont également victime de marginalisation dans les quartiers pauvres, touchées par le chômage, et le manque d’éducation scolaire. Elle explique que le rapporteur national aide à une coordination entre divers acteurs : des représentants du gouvernements, des ONG, des immigrés, des plateformes sociales, des victimes, en organisant des campagnes nationales. Le rapporteur national veille également à ce que les enfants aient une éducation et que les victimes de traites puissent continuer leur vie sereinement après en avoir été libéré.
Une autre question posée à M. Dunstan Mlambo, concernait le regard que porte la Constitution d’Afrique du Sud, sur l’accès à la justice pour les mineurs. Le président de la cour suprême précise que les enfants bénéficient d’une section à leur sujet, et notamment le droit d’être représenté par un praticien du droit.[3] A côté de cela, s’ajoute le Children’s Act de 2005, qui comporte notamment des aspects judiciaires sur les droits de l’enfant, et la protection de l’enfance. Il précise également, que la loi coutumière doit être en conformité avec la Constitution, ce qui restreint en théorie les possibilités de mariage d’enfant, ou autres pratiques coutumières.
En tant que déléguée de la jeunesse suisse, Aijan Muktar, est chargée de promouvoir l’intérêt des jeunes en Suisse, et l’un des problèmes dont elle relève, s’agissant de l’accès à la justice pour les mineurs, c’est le fait que la Loi, dans sa formulation même, est parfois difficile à comprendre. Elle soutient que la Loi doit être plus accessible et cela notamment par le biais des réseaux sociaux mais aussi à travers les différents évènements que les jeunes représentants suisse auprès des Nations Unies organisent, tels que des workshop sur la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, ou des campagnes de sensibilisation auprès des enfants, sur les droits qu’ils bénéficient.
Enfin, Mme Ottani, membre au Comité des Droits de l’Enfant, répond, au sujet de l’accès à la juste pour les enfants, que les obstacles d’accès à la justice pour les enfants sont nombreux, du fait de leur vulnérabilité, mais aussi pour les personnes dans des régions rurales excentrées, les personnes handicapées, les minorités ethniques . Elle précise enfin que dans le cadre du travail du Comité des droits de l’enfant, bien qu’il n’est pas usuel d’utiliser le terme “ accès à la justice “, ce dernier est néanmoins compris lorsque le Comité évoque le terme de “ Participation des enfants “. Elle conclut que le renforcement de l’Etat de droit, mais aussi l’accomplissement des Objectifs de Développements Durables (SDGs) permet un développement des droits de l’homme, et un meilleur accès à la justice, notamment pour les enfants.
La participation des ONG (UNICEF, UN Women …) et des délégations d’Etats au débat était également pertinente, ainsi il était question d’une plus grande prise en compte de l’égalité des genres pour l’accès à la justice, une intervention locale et régionale, s’assurer que les Etats ratifient les instruments internationaux favorisant un plus grand accès à la justice et enfin permettre des procédures judiciaires adaptées aux mineurs.
A retenir:
– L’accès à la justice pour les enfants, doit prendre en considération leur vulnérabilité particulière. – Une coopération est nécessaire entre les représentants du gouvernement et des acteurs locaux (ONG, société civile, familles, enfants eux mêmes). – Une justice accessible pour les enfants passe aussi par un effort pour rendre la loi plus compréhensive (réseaux sociaux, workshop, animations) |
Écrit par Eddy Malouli
Références:
[1] https://sustainabledevelopment.un.org/sdg16
[2] CRC/GC/2003/5, parag. 24
[3] Chapter 2, Section 28 – h) of the Constitution of South Africa