Concrétiser les droits de l’enfant à Saint-Vincent-et-les-Grenadines
Saint-Vincent-et-les-Grenadines est un pays des Caraïbes constitué d’une douzaine d’îles. Malgré les efforts du gouvernement au cours de la dernière décennie et une légère amélioration en 2015, son économie demeure fragile et entrave le bien-être de ses enfants. Entre autres difficultés, les enfants sont ainsi confrontés à la pauvreté mais également à des problèmes de santé, au travail infantile et d’autres obstacles pour leur plein développement.
Indice des Droits de l’Enfant: 7,51 / 10
Niveau orange : Problèmes sensibles
Population: 111, 269
Pop. de 0 à 14 ans: 22 %
Espérance de vie : 73 ans
Mortalité des moins de 5 ans : 14 ‰
Saint-Vincent, brièvement
Saint-Vincent (abréviation issue de son nom complet Saint-Vincent-et-les-Grenadines) est un état dans les Petites Antilles, une région des Caraïbes et dont la composition est plutôt atypique. Saint-Vincent est la principale île, et une partie de l’archipel des Grenadines est formée par d’autres petites îles.
Après la colonisation européenne, la France et le Royaume-Uni se sont longtemps disputés l’archipel. Finalement ce dernier l’occupa jusqu’à son indépendance. Même si l’État est devenu indépendant le 27 octobre 1979, il fait toujours partie du royaume du Commonwealth et demeure donc sous la souveraineté de Charles III.
Statut des droits de l’enfant [1]
La législation de Saint-Vincent sur les droits des enfants est dynamique, aussi bien sur le plan national qu’international. En effet, l’État a ratifié la Convention des droits de l’enfant (UNTC, 2022) le 26 octobre 1993. En 2011, il a ratifié le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés ainsi que le Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en 2005 (OHCHR, 2022).
Enfin, au niveau national, un Cadre de politique nationale pour la protection de l’enfance a été adopté en 2016 (en collaboration avec l’UNICEF) même si son efficacité optimale est mise en doute (OHCHR, 2017). Néanmoins, la situation économique et politique à Saint-Vincent conduit à la déviation des droits de l’enfant.
Les droits des enfants sont défendus par des instruments internationaux, en plus de ceux mentionnés ci-dessus. Ainsi, le 4 décembre 2001, Saint-Vincent a ratifié la Convention C182 sur les Pires Formes de Travail des Enfants de 1999 ainsi que le Pacte international relatif aux droits économiques sociaux et culturels en 1981.
D’un point de vue régional, on peut noter l’absence de Saint-Vincent de la Convention américaine relative aux droits de l’homme de 1978. Cependant, d’un point de vue national, on observe des progrès concernant les droits de l’enfant, avec, par exemple la proclamation de la Loi sur le statut des enfants (2011) et la Loi des enfants (soin et adoption) en 2010 (Comité des droits de l’enfant, 2017 ; UNESCO, 2021).
Malgré cela, des inquiétudes majeures subsistent toujours à Saint-Vincent, accentuées en 2010 par deux évènements, parmi d’autres, à savoir la crise économique globale et les catastrophes naturelles. En 2017, Merissa Finch-Burke, directrice des affaires sociales de la délégation de Saint-Vincent-et-des-Grenadines, a souligné ces principales préoccupations.
Ces dernières sont liées à divers problèmes qui incluent, entre autres, les suivants: la définition de l’enfant n’est pas clarifiée pour garantir que «tous les enfants de moins de dix-huit ans» puissent jouir des droits de la Convention relative aux droits de l’enfant; la législation des États approuve que les enfants de moins de seize ans puissent être inculpés pour homosexualité et soumis à la peine de mort (pouvant conduire à une zone grise concernant le travail des enfants); l’augmentation des violences sexuelles, des abus sur les enfants et le taux élevé d’inceste; le manque d’éducation conduisant à des abus et des violences; et des carences en matière de santé chez les enfants (OHCHR, 2017).
Répondre aux besoins des enfants
Le droit à l’éducation
L’article 29 de la Convention des droits de l’enfant fonde le droit pour l’enfant à l’éducation. L’Education Act (2006), le Cadre du programme d’études national et d’évaluation, et deux plans stratégiques successifs fondent le contexte éducatif que l’État souhaite offrir aux enfants aux niveaux primaire et secondaire (UNICEF, 2017). Cependant, si ces éléments ont trait à la législation au niveau de l’État, leur mise en œuvre n’est pas encore manifeste.
Le manque d’éducation est en effet à l’origine de nombreux autres problèmes. En 2000, environ 4 000 enfants entre 3 et 5 ans ont été inscrits dans les services de garde d’enfants et les services préscolaires. Mais, à peu près 75% des enfants vivant dans des zones rurales ont des difficultés à accéder à ces services (UNICEF, 2017). En 2017, le Groupe Banque mondiale a indiqué que 58% des enfants n’allaient pas à l’école primaire (Groupe Banque mondiale, 2017). Il y a donc un contraste flagrant entre les programmes et les efforts du gouvernement et la réalité concrète qui empêche leur bonne application. Ce qui a entraîné, pour la scolarisation dans le primaire, une baisse constante depuis 1995 (UNICEF, 2017).
Le droit à la santé
Les articles 6 et 24 de la Convention des droits de l’enfant traitent de la question de la santé des enfants. Le taux de mortalité pour les moins de cinq ans a chuté de 175‰ en 1960 à 14‰ en 2020 (Groupe Banque mondiale, 2020). Même si ces résultats paraissent prometteurs, Saint-Vincent fait toujours face à certaines difficultés.
La plupart des décès infantiles surviennent durant les 28 premiers jours. Les raisons de ces décès sont la prématurité, les infections périnatales ou les affections congénitales, qui trouvent leur origine durant la période périnatale. Selon l’UNICEF, 7,9% des nouveaux-nés étaient relativement mal nourris entre 2008 et 2009 (UNICEF, 2017).
La région de l’Afrique subsaharienne a été la plus affectée par le VIH et la deuxième région la plus touchée est celle des Caraïbes. Saint-Vincent est fortement touché par le VIH, le premier cas de VIH ayant été signalé en 1984. En 2009, 1 093 personnes ont été diagnostiquées séropositives. Divers rapports de Saint-Vincent ont montré qu’en 2013 cinq des 269 personnes recevant un traitement antirétroviral étaient âgées de moins de 15 ans (UNICEF, 2017).
Le droit à l’identité
L’enregistrement des naissances à Saint-Vincent a longtemps été un problème majeur. Toutefois, certaines améliorations ont pu être notées. Ces enregistrements peuvent être effectués dans toutes les îles de l’archipel. Dans les zones rurales, où les enfants naissent à la maison, l’enregistrement peut se faire par les infirmières qui visitent l’habitation. De plus, les soins nécessaires sont fournis aux migrants mineurs, qu’ils soient irréguliers ou non (OHCR, 2017).
Un autre problème concernant l’identité de l’enfant est l’âge attribué aux enfants pour les définir légalement. Le gouvernement devrait donc modifier cette législation en fixant un âge unique pour la définition de «l’enfant»; un débat est en cours pour savoir s’il faut choisir seize ou dix-huit ans (HCDH, 2017).
Cette législation pour la protection de l’enfant est fondée sur ce qui constitue l’intérêt supérieur de l’enfant. Ce principe est considéré dans les domaines de l’éducation, de la santé et dans les cas de placement d’enfants en institution ou en famille d’accueil, par exemple. La loi fixe un certain âge pour le mariage (différent pour les filles et les garçons) et un autre pour la responsabilité pénale.
Ces problèmes de définition de l’enfant ont conduit à des abus dans certains domaines. Parmi ceux-ci, on peut citer le travail des enfants, les mariages forcés, l’application de sanctions en matière pénale, etc. Le débat actuel consiste à trouver un accord sur un âge unique pour définir «l’enfant».
Facteurs de risque → Les défis spécifiques du pays
Violence à l’encontre des enfants
En 2017, le Comité des droits de l’enfant a exprimé diverses préoccupations concernant la violence envers les enfants et a appelé l’État à mettre en place des mesures efficaces pour résoudre ces problématiques. Les enfants se plaignent en effet d’être victime de violences policières. Le taux de poursuites et de condamnations pour le crime d’abus sexuel sur enfant, y compris l’inceste, reste faible (point qui sera abordé dans une autre partie). Et finalement, les enfants sont sévèrement punis s’ils consomment des drogues et des substances illégales (Comité des droits de l’enfant, 2017).
A Saint-Vincent, la violence contre les enfants est toujours présente. Éducation et pauvreté contribuent évidemment à cette situation. L’approbation des châtiments corporels, par exemple, est resté largement inchangée, passant de 45% en 2014 à 47% en 2019. Les parents ont également recours aux châtiments corporels, et les statistiques montrent une augmentation de 51% en 2014 à 54% en 2019 (UNICEF, 2021).
Le travail des enfants
Le manque de définition légale de l’enfant entraîne comme conséquence le travail infantile. Les enfants peuvent travailler à partir de quatorze ans. Il est essentiel que le Code du travail soit mis en conformité avec la Convention relative aux droits de l’enfant. Bien que le gouvernement ait fourni des efforts pour lutter contre le travail infantile, on a constaté qu’en 2012, 8% des enfants âgés entre cinq et quatorze ans ont été impliqués dans du travail infantile (OHCHR, 2017).
En 2016, Saint-Vincent n’avait pas de politique sur les travaux dangereux pour les moins de dix-huit ans, et ses lois ne les protégeaient pas suffisamment des activités perçues comme dangereuses. Ce problème est étroitement lié à la définition juridique de «l’enfant» et à l’établissement d’un âge (Initiative régionale Amérique latine et Caraïbes sans travail des enfants, 2016). Début 2017, le Code du travail de Saint-Vincent a reconnu qu’un enfant a le droit de travailler à partir de quatorze ans. S’il est vrai que beaucoup aident leurs parents dans leurs activités agraires, certains abandonnent l’école pour travailler avec leurs parents, ce qui n’est pas acceptable (HCDH, 2017).
L’exploitation des enfants
A Saint-Vincent, les violences sexuelles sont l’un des problèmes les plus pressants. Alors que celles-ci sont poursuivies – lorsqu’elles sont signalées – l’inceste fait l’objet de divers procès. Cependant, il a été remarqué que de nombreux enfants rétractaient leurs dépositions, rendant difficile la tenue du procès. La procédure elle-même permet de retirer l’enfant dès que la plainte est déposée (UNICEF, 2017). En 2015, une nouvelle loi sur les violences domestiques a prévu l’obligation d’enregistrer toutes les violences faites aux enfants.
Malgré cela, dans ses Observations Finales de 2017 sur les deuxième et troisième rapports périodiques combinés de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, le Comité des droits de l’enfant a exhorté le gouvernement à assurer une plus grande efficacité dans l’accès et le suivi des mécanismes de plainte et à inciter une approche proactive pour les enquêtes sur la violence contre les enfants, en particulier les abus sexuels sur les enfants.
Il a également été constaté que les travailleuses du sexe, étrangères, pouvaient être exploitées pour du trafic sexuel, mais aussi pour du travail forcé. Les trafiquants de drogue sont soupçonnés d’exploiter les victimes du travail forcé pour la production de marijuana. Enfin, le trafic sexuel d’enfants, facilité par les parents et les soignants, reste un problème à Saint-Vincent (UNICEF, 2021).
La discrimination des enfants
La discrimination est une réelle difficulté pour certains groupes d’enfants de Saint-Vincent. Ces derniers incluent les enfants handicapés (intellectuellement et psychosocialement), les enfants porteurs ou contaminés par le VIH / SIDA et les enfants homosexuels ou bisexuels.
Cette dernière catégorie est régie par des politiques et des pratiques qui interdisent les relations homosexuelles consenties entre hommes et garçons de plus de seize ans, ces derniers pouvant être inculpés pour ce motif, selon le Code pénal de 1990. Enfin, les enfants homosexuels et bisexuels sont aussi soumis à des lois et des pratiques dans la mesure où ils sont considérés comme psychosocialement dérangés (Convention sur les Droits de l’Enfant, 2017).
La Constitution de Saint-Vincent-et-des-Grenades (1979) protège contre les discriminations fondées sur le sexe, la race, l’origine géographique, l’opinion politique, la couleur de peau ou la croyance. Néanmoins, la loi tolère encore quelques discriminations, notamment avec la loi sur le mariage et notamment la nubilité, voir ci-dessus. En effet, la loi prévoit un âge minimum de quinze ans pour les filles et de seize ans pour les garçons.
Les mères ne reçoivent pas les mêmes pensions alimentaires selon leur situation, qu’elles aient été mariées ou qu’elles soient célibataires. Ce sont donc les tribunaux et les magistrats qui discriminent indirectement les enfants. Les enfants handicapés sont une autre catégorie d’enfants discriminée au niveau juridique.
En effet, l’absence de législation spécifique à leurs besoins les prive d’égalité et nuit notamment à leur intégration dans les écoles ordinaires. Enfin, les enfants issus de groupes ethniques minoritaires sont aussi concernés. Il s’agit notamment des Amérindiens et des Asiatiques, souvent issus de milieux à faibles revenus (UNICEF, 2010).
Ecrit par Morgane Schmutz
Relu en interne par Aditi Partha
Traduit par Roxane Liot
Relu par Denis Gingras
Dernière mise à jour le 29 novembre 2022
Référence :
Initiative régionale Amérique latine et Caraïbes sans travail des enfants (2016). Huit pays d’Amérique latine et des Caraïbes affichent des progrès significatifs dans la lutte contre le travail des enfants. Retrieved from Initiative régionale Amérique latine et Caraïbes sans travail des enfants at https://www.iniciativa2025alc.org/fr/noticias/ocho-paises-de-america-latina-y-el-caribe-presentan-avances-significativos-en-la-lucha-contra-el-trabajo-infantil, accessed on 11 January 2023.
OHCHR (2017). Committee on the Rights of the Child examines the report of Saint Vincent and the Grenadines. Retrieved from the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights at https://www.ohchr.org/en/press-releases/2017/01/committee-rights-child-examines-report-saint-vincent-and-grenadines, accessed on 27 November 2022.
OHCHR (2022). Status of Ratification Interactive Dashboard. Retrieved from the Office of the United Nations High Commissioner for Human Rights at https://indicators.ohchr.org/, accessed on 27 November 2022.
UNESCO (2021). Saint Vincent and the Grenadines Inclusion. Retrieved from UNESCO at https://education-profiles.org/latin-america-and-the-caribbean/saint-vincent-and-the-grenadines/~inclusion, accessed on 12 November 2022.
UNICEF (2021). Generation Unlimited: the Well-being of Young People in St Vincent and the Grenadines – FACT SHEET. Retrieved from UNICEF at https://www.unicef.org/easterncaribbean/media/2941/file/GenU%20SVG%20Fact%20sheet.pdf, accessed on 25 November 2022.
UNICEF (2017). Situation Analysis of Children in Saint Vincent and the Grenadines. Retrieved from UNICEF at https://www.unicef.org/easterncaribbean/media/926/file/Situation-Analysis-of-Children-in-Saint-Vincent-and-the-Grenadines-2017.pdf, accessed on 29 October 2022.
UNICEF (2010). Universal Periodic Review – Human Rights Council Unicef Inputs – Saint Vincent And The Grenadines. Retrieved from UNICEF at https://www.ohchr.org/sites/default/files/lib-docs/HRBodies/UPR/Documents/Session11/VC/UNICEF-eng.pdf, accessed on 11 January 2023.
UNTC (2022). Status of Treaties. Retrieved from United Nation Treaty Collection at https://treaties.un.org/pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=IV-11&chapter=4&clang=_en, accessed on 27 November 2022.
World Bank Group (2017). Children out of school, primary – St Vincent and the Grenadines. Retrieved from World Bank Group at https://data.worldbank.org/indicator/SE.PRM.UNER?locations=VC, accessed on 20 November 2022.
World Bank Group (2020). Mortality rate, under-5 (per 1,000 live births) – St Vincent and the Grenadines. Retrieved from World Bank Group at https://data.worldbank.org/indicator/SH.DYN.MORT?locations=VC, accessed on 10 November 2022.
[1] Cet article ne prétend en aucun cas donner un compte-rendu complet ou représentatif des droits de l’enfant à Saint-Vincent ; en effet, l’un des nombreux défis est le manque d’informations actualisées sur les enfants de Saint-Vincent, dont certaines sont peu fiables, non représentatives, dépassées ou tout simplement inexistantes.