Une décision historique pour les droits de l’environnement en Équateur

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Neuf jeunes filles originaires d’Amazonie équatorienne ainsi que leurs communautés d’origine respectives ont gagné leur procès devant la Cour provinciale de justice de Sucumbios. Elles avaient demandé aux dirigeants de l’Équateur d’assumerleurs responsabilités environnementales en interdisant le torchage et en indemnisant les milliers de populations autochtones touchées. Il s’agit sans aucun doute d’une décision historique pour les droits de l’environnement, qui oblige les entreprises pétrolières à rendre compte des conséquences de leurs activités sur l’environnement et la santé.

L’environnement sain — un droit et un privilège

Le droit à un environnement sain et propre, le droit à la santé, le droit à l’eau et le droit à l’alimentation sont des droits de l’homme fondamentaux qui ne sont pas encore pleinement garantis dans le monde, confrontant les individus et des populations entières de notre planète à de graves injustices sociales, environnementales et climatiques.

En Amazonie équatorienne, par exemple, les populations se battent depuis longtemps contre le « torchage », une pratique liée à l’industrie pétrolière qui, depuis des décennies, perturbe l’écosystème local, délicat et complexe et met rapidement en danger le bien-être et la santé des populations qui habitent ces terres extraordinaires (World Rainforest Movement, 2019).

En Amazonie équatorienne, le brûlage du gaz naturel qui s’échappe des puits de pétrole en tant que sous-produit du pétrole à une température moyenne de 400 °C, 24 h/24, tout l’année et dans des zones résidentielles, est une pratique établie depuis 1967, quand la société Chevron-Texaco a commencé à forer le premier puits de pétrole à valeur commerciale (Earth.org, 2021). 

Les niveaux élevés de pollution de l’air, de contamination du sol et de l’eau sont directement liés au taux élevé de cancers, de malformations, de fausses couches et de décès parmi la population vivant à proximité de plus de 447 tours de pétrole en activité dans cette vaste zone (Amazon Frontlines, 2021). Pablo Fajardo, l’un des avocats qui représente les jeunes filles et l’Union des Affecté-es par les opérations pétrolières de Texaco (UDAPT), a déclaré que l’UDAPT et l’association Clínica Ambiental ont passé deux ans à rassembler les dossiers des cas de cancer à Sucumbíos et Orellana. Ils ont recensé 251 cas de cancer, les femmes représentant 71 % d’entre eux (Earth.org, 2021).

Une victoire historique pour la nature et la population équatorienne

« Je suis très heureuse car enfin, justice a enfin été rendue. Nous allons restaurer la nature, pour tous les enfants malades, pour les gens, pour les parents qui se sont battus pour rester en bonne santé, pour les familles qui ont aussi continué à se battre ne serait-ce que pour faire pousser quelques récoltes, pour les familles qui vivent sous les fusées éclairantes et ont dû abandonner leurs terres. »

– Leonela Moncayo, 10 ans

Le 26 janvier 2021, neuf jeunes équatoriennes, Leonela Moncayo, Rosa Valladolid, Skarlett Naranjo, Jamileth Jurado, Denisse Nuñez, Dannya Bravo, Mishell Mora, Jeyner Tejena et Kerly Herrera, ainsi que leurs communautés d’origine respectives, ont obtenu gain de cause après avoir déposé un recours le 20 février 2020 devant la Cour provinciale de justice de Sucumbíos. Elles avaient demandé aux dirigeants de l’Équateur, officiellement le ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles non renouvelables et le ministère de l’Environnement et des Ressources hydriques, d’assumer leurs responsabilités en interdisant la pratique criminelle du «  torchage » et en fermant toutes les tours de pétrole existantes (Mongabay, 2021). 

Le procès sur le torchage en Équateur a été intenté par les neuf jeunes filles grâce à l’aide de plusieurs organisations de la société civile, dont l’UDAPT et la Clinica Ambiental, ainsi que d’autres associations formant l’Alliance équatorienne pour les droits de l’homme, notamment Acción Ecologica et Amazon Frontlines (Amazon Frontlines, 2021).

Selon le jugement, l’Équateur a ignoré le droit des plaignants de vivre dans un environnement sain et écologiquement équilibré, et a également violé leur droit à la santé en raison de l’incapacité (ou du manque de volonté) des autorités de l’État de promouvoir l’utilisation de technologies « propres » et/ou de sources d’énergie renouvelables et non polluantes.

En outre, le jugement a également reconnu que l’Équateur a systématiquement violé ses obligations internationales en matière de changement climatique et ses engagements nationaux visant à réduire les émissions de CO2 dans l’atmosphère. Si les 447 tours de pétrole en activité fermaient, ces émissions diminueraient de 24 % (PNUD, 2021). Par ailleurs, le gaz naturel pourrait être utilisé pour un usage domestique ou pour la production d’électricité afin d’alimenter les installations pétrolières locales. Cela le remettrait ainsi dans le circuit tout en empêchant sa combustion.

Ces solutions seront seulement envisageables quand l’industrie pétrolière mettra en place de nouvelles normes et utilisera des techniques innovantes et durables (CCNUCC, 2021). Pour les communautées locales et pour le pays tout entier, il s’agit d’une victoire historique, qui ouvre la voie à une série de procédures de réparation et d’indemnisation des dommages causés aux victimes concernées. 

Le droit à la santé devrait prévaloir sur l’économie

L’industrie pétrolière du pays et, en particulier, la prestigieuse compagnie pétrolière équatorienne Petroamazonas, , doit maintenant rendre compte de ses actes et de ses conséquences néfastes dans les provinces de Sucumbíos et d’Orellana. Après avoir demandé à l’État équatorien de respecter et de ne pas délégitimer le jugement susmentionné, et d’appliquer immédiatement ses dispositions pour le bien commun, tout en évitant de se soumettre aux intérêts à court terme des entreprises et du système économique, Pablo Fajardo, a souligné que «  les intérêts économiques ne doivent pas prévaloir sur la vie et la nature » (The Ecologist, 2020)

« Ces jeunes filles aujourd’hui pétitionnaires pourraient demain être touchées par le cancer. »

– Pablo Fajardo

Simultanément au jugement, une autre information attendue par les associations environnementales d’Amazonie équatorienne est enfin tombée. Trois banques européennes, la BNP Paribas, le Credit Suisse et ING, ont annoncé lundi qu’en réponse aux critiques environnementales, elles cesseront de financer le commerce du pétrole de la région amazonienne d’Équateur (Aljazeera, 2021). Les deux principales ONG qui militent pour ce changement de politique sont Amazon Watch et Stand. earth. 

Durant ces derniers mois, la reconnaissance des droits environnementaux a connu une avancée importante et le travail des ONG et des enfants militants pour l’environnement dans le monde entier s’est affirmé crucial pour l’élaboration de nouvelles politiques. Leur engagement aura une influence importante sur la vie de communautés entières de personnes, qui peuvent enfin espérer un avenir meilleur où leurs droits seront enfin reconnus. 

Les efforts d’Humanium pour garantir un environnement sain

En tant qu’organisation, Humanium a reconnu l’importance des droits environnementaux des enfants et travaille dur pour créer un monde où ces droits sont respectés et réalisés. Humanium a signé une déclaration conjointe sur la réalisation du droit des enfants à un environnement sain aux côtés de plus de 80 organisations à travers le monde. 

La déclaration conjointe attire l’attention sur la vulnérabilité particulière de la santé et du bien-être des enfants dû aux dommages environnementaux. Les signataires ont appelé les États membres de l’ONU à prendre des mesures concrètes pour reconnaître officiellement et universellement le droit à un environnement sain dès que possible et pour garantir une vie digne, saine et épanouissante aux enfants.

Si vous souhaitez contribuer à la réalisation des droits environnementaux des enfants dans le monde, pensez à soutenir les efforts d’Humanium en faisant un don, en rejoignant la communauté Humanium en devenant membre ou bénévole. Ensemble, faisons du monde un endroit meilleur, plus sûr et plus sain pour les enfants !

Écrit par Federica Versea

Traduit par Élisa Lorcy

Relu par Victoire Ramos

Références : 

Aljazeera. (2021). Ecuadorian Amazon: Three European banks stop funding trade of oil.

Amazon Frontlines. (2021). Ruling heralds a major climate victory and is set to shutdown oil industry’s gas flaring and bring reparations to thousands of affected local and Indigenous communities.

Earth.org. (2021). Ecuador Court Orders End to Gas Flaring By Oil Industry in Amazon.

Mongabay. (2021). Ecuador court orders end to gas flaring by oil industry in Amazon.

The Ecologist. (2020). Ecuadorian children bring case against government.

UNDP. (2021). ECUADOR. Retrieved from GLOBAL NDC Support Programme

World Rainforest Movement. (2019). Oil, Forests and Climate Change.