Concrétiser les droits de l’enfant au Brésil
Malgré le développement économique récent du Brésil, une partie importante de la population du pays vit toujours dans la pauvreté. En particulier, les zones rurales et les banlieues des villes n’ont pas bénéficié du progrès économique national. Cette pauvreté reste l’une des principales causes de nombreux problèmes liés aux droits de l’enfant dans le pays.
Les difficultés économiques privent les enfants de l’accès à des services de santé et d’assainissement adéquats, les poussent vers des emplois illicites et dangereux pour générer des revenus, augmentent le risque de mariage d’enfants, d’abus sexuels et les problèmes qui en découlent, constituent une porte d’entrée pour les activités criminelles et, enfin, multiplient les interactions indésirables entre les enfants et la loi. Tous ces risques empêchent les enfants de jouir de leurs droits humains fondamentaux.
Indice des Droits de l’Enfant: 7,76 / 10
Niveau orange : Problèmes sensibles
Population : 213 millions
Pop. de 0 à 14 ans : 20.71%
Espérance de vie : 76 ans
Mortalité des moins de 5 ans : 14.7‰
Le Brésil en bref
La République fédérative du Brésil (República Federativa do Brasil) est une ancienne colonie portugaise, le plus grand pays d’Amérique du Sud et le cinquième plus grand pays du monde. Il fait face à l’océan Atlantique, avec 7 400 kilomètres de littoral et plus de 15 000 kilomètres d’intérieur, et borde tous les pays d’Amérique du Sud à l’exception de l’Équateur et du Chili (Britannica, 2022). Du nord au sud, le Brésil s’étend sur 4 350 kilomètres et englobe un éventail de savanes, de montagnes, de paysages tropicaux et subtropicaux et de zones humides. Le Brésil abrite la majeure partie du bassin du fleuve Amazone (Britannica, 2022). La langue officielle du pays est le portugais.
En 1822, après trois siècles de domination portugaise, le Brésil a obtenu son indépendance, mais est resté une monarchie jusqu’en 1889 (World Vision, 2010). Ces dernières années, la croissance économique a augmenté avec la découverte de réserves pétrolières offshore, faisant du Brésil une nouvelle puissance économique émergente appelée « BRICs », un acronyme pour Brésil, Russie, Inde et Chine (SOS Children’s Village). Pendant le mandat présidentiel de Luís Ignacio da Silva, les niveaux de pauvreté ont sensiblement diminué. En 2003, près de 38% de la population vivait en-dessous du seuil de pauvreté et ce chiffre est tombé à 21% en 2011 (SOS Children’s Village).
L’économie brésilienne s’est construite sur la culture de produits tels que le café, le sucre, le soja,des matériaux tels que la bauxite etle minerai de fer ainsi que des produits industriels. Le pays abrite des complexes hydroélectriques et industriels, des terres agricoles fertiles et plusieurs réserves minérales. Cependant, malgré l’existence d’une abondance de ressources naturelles, une grande partie des Brésiliens vivent toujours dans la pauvreté (World Vision, 2010). Des inégalités sociales extrêmes existent, avec un écart important entre les riches et les pauvres, et une pauvreté sévère dans le Nord-Est et dans les zones urbaines (World Vision, 2010).
L’histoire du Brésil en a fait un creuset de cultures. Dans tout le pays, les peuples autochtones sont plus nombreux que les Brésiliens d’origine européenne et africaine (World Vision, 2010). Depuis l’époque coloniale, les mariages mixtes se sont multipliés, si bien que plus de la moitié de la population est d’origine ethnique mixte (Britannica, 2022). Les Brésiliens d’origine européenne représentent la moitié de la population. Les mulâtres, personnes d’ascendance européenne et africaine, ainsi que les mestizos, personnes d’ascendance européenne et indienne, représentent deux cinquièmes des populations. Le reste de la population est composé de personnes d’origine africaine, afro-indienne ou asiatique (Britannica, 2022).
Le Brésil a l’un des niveaux d’inégalité de revenus les plus élevés au monde, qui alimente à son tour les inégalités sociales. En réponse, le programme innovant de transfert de fonds du Brésil, connu sous le nom de BolsaFamília, est le plus grand programme de transfert de fonds au monde et a bénéficié à environ 42 millions de Brésiliens. Ce programme vise à atténuer la faim, la pauvreté et les inégalités sociales au Brésil en garantissant aux familles le droit à la nourriture, aux soins de santé, à l’assistance sociale et à l’éducation (Neves, Vasconcelos, Machado et al, 2020).
Status des droits des enfants[1]
Le Brésil s’est engagé à respecter plusieurs instruments internationaux pour la protection des droits de l’enfant. En 1990, le Brésil a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). La CDE a été intégrée au droit national par le décret n° 99 710 (CRIN, 2019). En 2004, le Brésil a ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés, et en 2008 la Convention relative aux droits des personnes handicapées (OCHR, 2022).
Au niveau régional, le Brésil est un État membre de l’Organisation des États américains (OEA) et a ratifié la Convention américaine relative aux droits de l’Homme en 1992. Cela fait suite à la mise en œuvre par le pays de son statut historique de l’enfant et de l’adolescent en 1990 (Assemblée générale des Nations unies, 2017). Plus récemment, l’approche du Brésil en matière de protection des enfants et des adolescents est régie par son plan décennal (2011-2020), sa politique nationale sur les droits des enfants et des adolescents et son plan national pluriannuel (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Ces politiques sont complétées par des stratégies concrètes qui déclinent les cibles et les objectifs du pays, notamment : l’Agenda de convergence pour la protection intégrale des droits des enfants et des adolescents, Live Young et la Constitution de stratégies pour la défense des droits des enfants et des adolescents (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
En terme de législation, le Brésil a mis en œuvre un trio de lois qui protègent collectivement les enfants contre les châtiments physiques et les traitements cruels ou dégradants, criminalisent l’exploitation sexuelle et appliquent des politiques de protection de la petite enfance (Assemblée générale des Nations unies, 2017). Ces cadres juridiques sont renforcés par les récentes révisions du Plan national de lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants et des adolescents du pays et la création du Programme d’éradication du travail des enfants (PETI) (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Le travail des enfants fait l’objet d’une attention accrue grâce au Plan national de prévention et d’éradication du travail des enfants et de protection de l’adolescent travailleur, car le pays vise à éradiquer cette pratique odieuse (Assemblée générale des Nations unies, 2017). En vertu de l’article 403 du Code du travail brésilien, toute forme de travail des enfants est interdite avant l’âge de seize ans. En 2000, le Brésil a ratifié la Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants et la Convention n°138 sur l’âge minimum en 2001 (Organisation internationale du travail, 2010).
Le Brésil se targue de disposer d’une législation supplémentaire pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle, la violence et la traite. Malgré les dispositions légales, l’insuffisance des mécanismes d’application continue d’entraver la capacité du pays à concrétiser pleinement les droits de l’enfant.
Répondre aux besoins des enfants au Brésil
Droit à l’éducation
En vertu de la Constitution brésilienne de 1824, chaque enfant a droit à un enseignement primaire gratuit, une obligation de l’État en tant que droit fondamental pour tous les citoyens du Brésil. Le gouvernement s’est impliqué activement dans les droits à l’éducation après la révolution de 1930, au cours de laquelle le système a été transformé en vertu de la loi 5 692/71. La mise en œuvre de cette loi a entraîné des changements, notamment un enseignement primaire de base gratuit et obligatoire et un programme d’études unifié au niveau du primaire qui tenait compte des différences régionales.
Bien que l’éducation élémentaire (entre sept et quatorze ans) soit obligatoire et gratuite au Brésil, elle n’a pas empêché l’analphabétisme et le travail infantile, car de nombreux enfants cherchent – ou sont forcés- à travailler pour générer des revenus pour le foyer (Université d’État). L’un des principaux objectifs du programme Bolsa Família était d’augmenter les inscriptions et la fréquentation scolaires. Grâce à cela, on espérait que les enfants seraient moins susceptibles d’être impliqués dans le marché du travail (Brauw et al, 2012). Entre août et septembre 2016, 14,6 millions d’enfants ont bénéficié du programme grâce à l’augmentation de la fréquentation scolaire (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Droit à la santé
Au Brésil, les jeunes femmes et les filles sont confrontées de manière disproportionnée à toute une série de risques sanitaires. L’avortement étant largement interdit – et compte tenu de la prévalence des mariages d’enfants et de la violence à l’égard des femmes – les grossesses chez les adolescentes sont préoccupantes et une meilleure éducation est nécessaire pour les jeunes filles (FIGO, 2019).L’âge médian du consentement sexuel étant estimé à environ dix-sept ans, des efforts accrus doivent être déployés pour protéger les jeunes femmes contre les risques sexuels et les accompagner dans leur grossesse si nécessaire (CSP, 2020).
En plus des risques liés à la procréation en temps ordinaire, le gouvernement a choisi de suspendre la contraception et les avortements légaux pendant le début et le développement de la pandémie de Covid-19,mettant encore plus les filles en danger (Human Rights Watch, 2020). Cette décision a sapé le travail positif mené précédemment par le gouvernement pour introduire de nouvelles politiques de santé et d’éducation auprès des organismes publics, visant à éduquer les jeunes filles sur les risques des rapports sexuels précoces (Figueiredo, 2016).
Jusque-là, le Brésil déployait des programmes éducatifs de grande envergure tout en renforçant simultanément les capacités de santé publique. En 2012, le pays avait réussi à atteindre la cible fixée dans les objectifs du Millénaire pour le développement en réduisant la mortalité infantile de 70 % entre 1990 et 2012 (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Bien que le Brésil ait rendu les kits de dépistage du VIH/SIDA facilement et gratuitement disponibles pour tout le monde, près d’un million de personnes dans le pays vivent avec la maladie. (Avert, 2019). La violence sexiste et la stigmatisation continuent de permettre la propagation du VIH/SIDAet l’émergence de nouvelles infections (Avert, 2019).
Une préoccupation sanitaire omniprésente et très répandue au Brésil est la malnutrition des enfants. Reconnaissant les liens étroits entre la pauvreté et la malnutrition, le gouvernement a mis en œuvre la stratégie NutriSUS en 2014, parallèlement à un cadre pour la promotion de l’allaitement maternel et d’une alimentation complémentaire saine pour les enfants (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Droit à l’eau potable et à l’assainissement
Malgré la force économique du pays, les disparités de richesse au Brésil signifient que 1,2 million de personnes n’ont toujours pas accès à l’eau potable, tandis que 20 millions d’autres n’ont pas accès à un assainissement adéquat (Water, 2021). Cette situation est particulièrement préoccupante dans le sillage de maladies telles que le Covid-19 et est à l’origine de la « Semaine de l’eau » du Brésil en 2020, un événement de collaboration intersectorielle conçu pour aborder la question de l’eau dans le pays (Banque mondiale, 2020).
Bien que le pays ait tenté d’encourager et de promouvoir de meilleures pratiques en matière d’eau, d’assainissement et d’hygiène (WASH) par le biais de campagnes, il reste du travail à faire pour mobiliser des ressources financières dans les zones où l’accès à de bonnes pratiques WASH est encore rare (UNICEF, 2020). Une étude récente de l’UNICEF a montré que les enfants sont parmi les victimes les plus touchées par le manque de WASH dans le pays, avec seulement 39% des écoles à travers le pays ayant des installations adéquates pour le lavage des mains (Banque mondiale, 2020).
En 2020, le gouvernement a établi et mis en œuvre un nouveau cadre juridique pour l’eau et l’assainissement afin d’encourager les partenariats public-privé (Gouvernement du Canada, 2020). Ce mécanisme vise à traiter les eaux usées et les déchets pour réutiliser l’eau accessible, réduire les pertes d’eau et permettre l’accès à l’eau dans les zones reculées (Gouvernement du Canada, 2020). À terme, on espère que 99 % du pays aura accès à l’eau potable d’ici 2033 (Gouvernement du Canada, 2020).
Droit à l’identité
Le Brésil prend des mesures positives pour que tous les enfants puissent exercer leur droit à l‘identité. Plus précisément, grâce à l’initiative Mobilisation nationale pour les certificats de naissance, le pays a pu faire baisser de plus de 50 % la moyenne nationale des naissances non enregistrées (Assemblée générale des Nations unies, 2017). Grâce à des bureaux d’enregistrement plus efficaces, à des systèmes d’information nationaux améliorés ainsi qu’à une surveillance accrue dans les cliniques et les hôpitaux, le pays a pu sensibiliser les communautés autochtones, rurales et urbaines à l’importance de l’enregistrement des naissances (Assemblée générale des Nations unies, 2017).
Facteurs de risque → Défis spécifiques au pays
L’exploitation sexuelle
Le Brésil est un pays fortement touché par l’exploitation sexuelle et la traite des enfants. Le pays est un pays source, de transit et de destination pour la traite (Département d’État américain, 2021). Il est également considéré comme un pays ayant le deuxième taux le plus élevé d’exploitation sexuelle des enfants dans le monde (Conectas, 2020).
Poussées par une pauvreté endémique à travers tout le pays, les filles s’abandonnent souvent à l’exploitation sexuelle comme moyen de gagner de l’argent (Townsend, 2016). L’exploitation sexuelle était le deuxième crime le plus fréquemment signalé contre les enfants en 2016. En conséquence, le pays s’est forgé une fâcheuse réputation de destination de prédilection pour le tourisme sexuel (Townsend, 2016). Les cadres juridiques faibles et incomplets sont en partie responsables de ce phénomène, les politiques nationales existantes ayant fixé l’âge du consentement à quatorze ans et ne parvenant pas à distinguer clairement les rapports sexuels consensuels du viol (Townsend, 2016).
Le Brésil n’a pas réussi à donner un ton clair et cohérent pour proscrire cette pratique. La prostitution n’est autorisée que pour les personnes âgées de plus de dix-huit ans, mais la jurisprudence de la dernière décennie présente des décisions de justice dans lesquelles des hommes ont été déclarés non coupables de viol envers des filles âgées d’à peine douze ans (Townsend, 2016). De même, la formulation juridique ne parvient pas à définir les différences non négligeables entre l’exploitation sexuelle et la prostitution, ce qui expose les travailleurs du sexe à un grand risque d’exploitation physique et émotionnelle (Townsend, 2016).
La prostitution enfantine peut également être une porte d’entrée vers la traite des êtres humains, car les touristes sexuels pensent pouvoir attirer des filles vulnérables à l’étranger en leur promettant un avenir plus prospère (Townsend, 2016). Dans cette position, les femmes sont fréquemment victimes de la traite illégalement, sans identification valide et donc incapables de survivre dans leur pays de destination sans la surveillance de leurs trafiquants (Townsend, 2016).
Le trafic d’enfants
Bien que le Brésil ait ratifié le Protocole de Palerme des Nations unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (Protocole de Palerme), ainsi que d’autres conventions internationales pertinentes, la législation nationale du pays n’est pas suffisamment appliquée. Malgré l’existence d’un statut de l’enfant et de l’adolescent, d’un plan national de lutte contre la traite des êtres humains et d’un plan national de lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants, les systèmes du pays sont mal équipés pour atteindre des objectifs ambitieux. Les conseils de tutelle des enfants (CGS) du Brésil – conçus pour informer les politiques publiques et garantir les droits de l’enfant – sont insuffisamment financés et ne disposent pas de l’expertise ou des ressources nécessaires pour réaliser une protection complète (Dolby, 2018).
Au lendemain du Covid-19, un rapport d’État américain montre que la réduction des ressources pour les institutions gouvernementales concernées est susceptible de compromettre davantage la protection des enfants et de permettre la traite des enfants. Dans ce rapport, le Brésil est classé comme un pays de niveau 2 ne parvenant pas à respecter pleinement les normes minimales pour l’élimination de la traite (US State Report, 2021).
Depuis le début du Covid-19, le pays a diminué ses efforts d’application de la loi pour lutter contre les trafiquants, ainsi que son travail pour empêcher la traite (Rapport d’État américain, 2021). La réduction de la capacité de lutte contre la traite, associée aux difficultés économiques, à une culture omniprésente qui sexualise les filles et à une discrimination supplémentaire fondée sur la race et d’autres facteurs, dresse un tableau sombre de la teneur de la traite des enfants (Dolby, 2018).
De manière préoccupante, le Brésil peut également se vanter d’avoir la population en ligne qui connaît la croissance la plus rapide au monde, ce qui rend les filles vulnérables plus accessibles aux trafiquants prédateurs à l’étranger et génère de nouvelles voies pour la facilitation de la traite des enfants (Dolby, 2018).
Le travail des enfants
Le travail des enfants est profondément ancré dans la société brésilienne. Généralement, les enfants sont embauchés dans le secteur agricole et sont amenés à récolter du sisal, du riz, du cacao, de l’açaï, de la canne à sucre, entre autres, à transformer des noix de cajou et de la farine de manioc, ainsi qu’à travailler dans des carrières de pierre.
Dans le secteur des services, les enfants sont impliqués dans le travail de rue, la vente d’alcool, le travail domestique, le travail sur les marchés et le ramassage des ordures. Les enfants sont soumis aux pires formes de travail, y compris l’exploitation sexuelle commerciale forcée, et sont exploités par des gangs pour mener des activités illicites telles que le trafic de drogue ou d’êtres humains (US Department of Labour, 2020).
Depuis la pandémie de Covid-19, le nombre d’enfants engagés dans le travail infantile a augmenté. Le Secrétariat spécial pour la sécurité sociale et le travail a signalé en 2020 une augmentation de 271% du nombre d’enfants engagés dans le travail infantile à travers le Brésil.
Il a été établi qu’il y avait une augmentation du nombre d’enfants travaillant dans la rue et mendiant, ce qui indique un lien fort entre l’augmentation des niveaux de pauvreté et la prévalence du travail des enfants. Compte tenu des moteurs économiques du travail des enfants, il faut redoubler d’efforts pour éradiquer cette pratique et offrir d’autres sources de revenus.
La violence à l’égard des enfants
Dans les classements mondiaux, le Brésil est constamment identifié comme l’un des pays les plus dangereux pour les jeunes femmes et les filles en raison des niveaux exceptionnellement élevés de violence sexiste. Des données de 2016 suggèrent que plus de douze femmes sont tuées par jour dans le pays (Wilson Center, 2021).
Des informations plus récentes indiquent que 67% des victimes de violence physique dans le pays sont des femmes et que toutes les sept heures, une femme meurt à cause d’un féminicide (Wilson Center, 2021). Une recherche d’une ONG locale indique que quatre filles de moins de treize ans sont violées toutes les heures au Brésil (CNN, 2019).
L’analyse des tendances de ces statistiques donne lieu à une inquiétude plus profonde. Après l’apparition du Covid-19 en 2020, les données de la Banque mondiale ont démontré une augmentation de 22% des féminicides et de 27% des violences faites aux femmes (Banque mondiale, 2020).
Ces statistiques alarmantes existent malgré la présence de nombreuses lois récentes visant à mettre fin à la violence sexiste et à soutenir les victimes. La loi sur le féminicide et Joana Maranhao – toutes deux datant de 2015 – permettent aux mineurs de signaler les abus sexuels et criminalisent le féminicide comme une forme distincte d’homicide (Wilson Center, 2021). De plus, en 2021, la loi 14188 a été introduite pour prévenir la violence psychologique et est également présente dans le code pénal du pays (Wilson Center, 2021).
En plus des dispositions légales apparemment rigoureuses, le Brésil a mis en place en 2021 un programme contre la violence domestique intitulé Signal Rouge, conçu pour établir des canaux de communication afin de soutenir les victimes de violence domestique aussi rapidement et efficacement que possible (Library of Congress, 2021). Malgré ces efforts, une mise en œuvre incohérente et des mécanismes d’application faibles continuent de limiter l’efficacité des efforts du pays.
Discrimination
Les enfants indigènes du Brésil font partie des groupes les plus vulnérables et sont confrontés à une marginalisation extrême. Depuis la colonisation portugaise dans les années 1500, les peuples indigènes du Brésil ont lutté pour conserver leurs droits, en particulier leurs droits à leurs terres ancestrales, leur culture, leur langue, leur famille, leur nourriture et leurs prières (Langlois, 2020).
Dans l’État du Mato Grosso do Sul, au sud-ouest du pays, dans la réserve indigène de Dourados (une municipalité brésilienne), de nombreux enfants indigènes sont arrachés de force à leur foyer et placés en vue de leur adoption. Le Dourados est l’une des sept réserves créées entre 1910 et 1928, où vivent les groupes autochtones Kaiowá et Guarani (Langlois, 2020).
Ces enfants sont souvent retirés de leurs tekohas – leurs familles et leurs communautés – et placés dans des foyers d’accueil où ils sont forcés de désapprendre leurs coutumes et leur culture et de s’adapter à un mode de vie plus moderne (Langlois, 2020). Le fait d’être éloignés des tekohas a rendu plus difficile la vie, la chasse, la pêche et la prière des familles indigènes et les a encore plus déconnectés de leur culture (Langlois, 2020). Selon la législation nationale brésilienne, les enfants placés ne doivent pas rester plus de dix-huit mois, mais ils restent souvent plus longtemps. Les enfants indigènes ne peuvent être adoptés par des familles non indigènes que si toutes les autres voies ont été épuisées (Mendes, 2018).
En 2019, la Fondation nationale indienne du Brésil (FUNAI), a coupé son soutien aux indigènes vivant dans le Mato Grosso do Sul, déclarant qu’il ne s’agissait pas d’une terre indigène officiellement reconnue. Cette décision a donné aux tribunaux une raison supplémentaire de retirer de force les enfants autochtones à leurs familles (Langlois, 2020).
Le mariage des enfants
En 2019, le Brésil possède le quatrième plus grand nombre d’enfants mariés au monde, avec 36% des filles dans le pays mariées avant l’âge de dix-huit ans (UNICEF, 2019). Avant un amendement légal en 2019, les enfants de moins de seize ans pouvaient être mariées si elles tombaient enceintes ou avaient des partenaires sexuels plus âgés accusés de viol (Plan International, 2019). Suite à l’adoption de nouvelles lois, le mariage des enfants est largement interdit pour les enfants de moins de seize ans, bien que des exceptions subsistent pour les jeunes de seize – et dix-sept – ans qui peuvent se marier avec le consentement de tuteurs légaux valides (Plan International, 2019).
Contrairement aux idées reçues, le mariage des enfants est répandu dans les zones urbaines et rurales du Brésil, ce qui illustre une acceptation culturelle généralisée de cette pratique (Plan International, 2019). Le mariage des enfants est motivé par un asservissement sous-jacent des femmes et promeut la croyance que les femmes sont inférieures aux hommes.
Les filles contraintes au mariage d’enfants sont plus susceptibles de ne pas terminer leur scolarité, de vivre dans la pauvreté, de tomber enceintes et de connaître des complications pendant la grossesse (Plan International, 2019). Les filles victimes sont également plus susceptibles de subir des abus domestiques et des violences sexuelles, mettant en danger leur santé physique et mentale (Plan International, 2019).
La justice juvénile
Le Brésil possède l’une des plus grandes populations carcérales du monde (Yamamoto). Il y a environ un demi-million de prisonniers actuellement détenus dans le pays – avec 59% de ces détenus âgés de dix-huit à vingt-neuf ans (Yamamoto). Au-delà des jeunes prisonniers, 21 000 enfants sont détenus dans des centres de détention dans le cadre des systèmes socio-éducatifs du pays (Human Rights Watch, 2019). Le nombre élevé d’adolescents et de jeunes détenus témoigne à la fois de la manière dont la violence urbaine et la pauvreté affectent spécifiquement les plus jeunes et de la volonté culturelle d’emprisonner les jeunes délinquants (Yamamoto).
Depuis 2015, il y a un nombre croissant d’enfants dans les institutions pour jeunes délinquants au Brésil. Le nombre de jeunes délinquants devrait continuer à augmenter si l’âge de la responsabilité pénale est abaissé de dix-huit à seize ans – un sujet qui fait l’objet de débats dans le pays depuis 2015 (UN OHCR, 2016). Une majorité des crimes commis par les jeunes délinquants sont des vols ou des activités liées au trafic de drogue, deux types de crimes qui s’attaquent intrinsèquement aux plus vulnérables et aux plus pauvres (Bowater &Moraes, 2015).
Contrairement aux réalités du terrain, le cadre juridique brésilien présente et décrit des protections complètes pour les jeunes délinquants qui ont affaire à la justice. Rédigés conformément à la CDE, la Constitution fédérale du pays et le Statut de l’enfant et de l’adolescent consacrent collectivement une protection complète des droits de l’enfant. Lus ensemble, ces documents imposent des procédures spécifiques centrées sur l’enfant pour traiter ceux qui se heurtent aux systèmes juridiques et définissent la privation de liberté de l’enfant comme un dernier recours et une « réponse exceptionnelle » (Yamamoto).
En dépit de ces dispositions, les jeunes accusés de délits au Brésil ont rarement accès à un conseil de défense juridique de qualité, ce qui rend difficile leur accès à un procès équitable. En outre, comme il existe peu de précédents nationaux en matière de condamnation des jeunes délinquants, les juges et les procureurs sont souvent influencés par des préjugés socioculturels et une perception négative des enfants issus de groupes démographiques vulnérables (Yamamoto).
Ecrit par Vanessa Cezarita Cordeiro
Traduit par Manon Issifou
Relu par Ania Beznia
Dernière mise à jour le 27 février 2022
Références :
Avert. (2019). “HIV and AIDS in Brazil”. Retrieved from Avert, accessed on 19 February 2022.
Burns, E.B, (2022, February 14). “Brazil.” Retrieved from Britannica, accessed on 18 February 2022.
Neves, J., Vasconcelos, F., Machado, M., et al. (2020, November 30). “The Brazilian cash transfer program (Bolsa Familia): A tool for reducing inequalities and achieving social rights in Brazil.” Retrieved from Global Public Health An International Journalfor Research, Policy and Practice, accessed on 22 February 2022.
Santos, R., Borges, G.M., de Campos, M.B., et al. (2020, January 9). “Indigenous children and adolescent mortality inequality in Brazil: What can we learn from the 2010 National Demographic Census?” Retrieved from Social Science and Medicine – PopulationHealth, accessed on 20 February 2022.
UNICEF. (2019). “Child Marriage”. Retrieved from UNICEF, accessed on 19 February 2022.
[1] Cet article ne prétend en aucun cas donner un compte rendu complet ou représentatif des droits de l’enfant au Brésil ; en effet, l’un des nombreux défis est le peu d’informations actualisées sur les enfants brésiliens, dont une grande partie n’est pas fiable, n’est pas représentative, est dépassée ou simplement inexistante.