15% de la population mondiale -pas moins d’un milliard de personnes- ont des formes d’handicaps qui peuvent être soit présent dès la naissance ou acquis au cours de leur vie. En outre, les enfants handicapés, qui représentent 240 millions sur toutes les personnes handicapées, sont les plus marginalisés dans toute société. Leur invisibilité est également un facteur clé dans leur exposition à la violence et dans la violation de leurs droits. Néanmoins, on peut apercevoir un changement en perspective. Au lieu de se concentrer sur ce qui manque aux enfants handicapés, la « divergence » propose un contre-récit qui met l’emphase sur leurs aptitudes au lieu de leurs manques.
La définition du handicap
Selon la Convention sur les droits des personnes handicapées (CIDPH), les enfants handicapés « incluent ceux qui ont des déficiences physiques, mentales, intellectuelles, ou sensorielles sur le long-terme, qui, en interaction avec diverses barrières peuvent entraver leur participation entière et effective dans la société sur une base égale » (UN DESA, 2023). Les enfants et adolescents porteurs d’un handicap représentent un groupe hautement diversifié avec des expériences de vie variées (UNICEF, 2023).
Ils incluent les enfants qui sont nés avec une maladie génétique qui affecte leur physique, leur mental, ou leur développement social ; ceux qui ont supportés une blessure grave, une déficience nutritionnelle, ou une infection qui cause des conséquences fonctionnelles sur le long terme ; ou ceux qui sont exposés à un environnement toxique causant des retards de développement ou des troubles d’apprentissages. Sur un niveau mental ou émotionnel, le handicap peut également être compris comme ceux qui développent de l’anxiété ou une dépression qui représente le résultat d’évènements de vie stressants (UN DESA, 2023).
Le handicap à travers le monde
La discrimination envers les enfants handicapés a existé dans chaque communauté à travers l’histoire, et cela suppose des aspects spécifiques liés au contexte géographique ou culturel où la discrimination contre les enfants handicapés prend place. Par exemple, les Confucéens traditionnels voyaient dans la naissance d’un enfant handicapé une punition dû à des violations parentales des enseignements traditionnels, comme la malhonnêteté ou une mauvaise conduite. Sur le même type d’exemple, les sociétés d’Asie du Sud-Est pouvaient penser que le développement d’un handicap pouvait être causé par les « erreurs » des parents ou des ancêtres.
Dans d’autres cultures, comme la culture indienne, plusieurs causes sont à l’origine du handicap, allant de la médecine ou de la maladie durant la grossesse et la consanguinité, jusqu’au traumatisme psychologique de la mère ou d’un manque de stimulation de l’enfant. Enfin, dans d’autres cultures, c’est la volonté de Dieu ou d’Allah, le karma, les esprits maléfiques, la magie noire ou une punition pour les péchés, qui peuvent être à l’origine d’un handicap tandis que dans d’autres croyances traditionnelles le handicap découle d’un modèle biomathématique comme une maladie dégénérative et le dysfonctionnement (Otufat-Shamsi, 2015).
Les chiffres des enfants handicapés
Il est estimé à pas moins de 240 millions d’enfants qui sont porteurs d’une forme de handicap (UNICEF, 2023). Cette estimation est basée sur une compréhension du handicap plus large et plus inclusive, qui considère plusieurs domaines de fonctionnement, incluant ceux relatifs au bien-être psychologique (UN DESA, 2023).
Selon l’UNICEF, 1 enfant sur 10 est porteur d’un handicap. En particulier, dans l’Ouest de l’Afrique et dans le Centre-Afrique qui comptent le plus haut pourcentage d’enfants handicapés âgés de 0 à 17 ans (15%), suivi du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord (13%), ainsi que l’Asie du Sud (11%). Le continent américain enregistre une moyenne de 10%, comme dans l’Est et dans le Sud de l’Afrique, tandis que l’Europe et le Centre-Afrique marque une amélioration significative atteignant les 6% (UNICEF, 2021).
Le cadre législatif protégeant les enfants handicapés
La Convention sur le droit des enfants (CIDE reconnaît les droits humains de tous les enfants, incluant ceux porteurs d’un handicap (UN DESA, 2023). En particulier, la CIDE introduit des droits spécifiques pour les enfants handicapés pour la première fois dans les lois sur les droits internationaux humains. Par exemple, l’article 2 traite du droit de la non-discrimination, incluant le handicap comme un motif spécifique de protection contre la discrimination, et l’article 23 traite explicitement de la situation des enfants handicapés (Save the children, 2009).
Avec la CIDE, la Convention sur les droits des personnes handicapées (CIDPH)donne un nouvel élan puissant pour promouvoir les droits humains de tous les enfants handicapés. Elle a été adoptée en 2006 en réponse à la sévère violation des droits humains des personnes handicapées dans le monde et marque un changement significatif en perspective.
Au lieu de voir les personnes handicapées comme des « objets » de charité, médical, ou de protection sociale, l’idée adoptée est que les personnes handicapées sont des « sujets » avec des droits, capables de réclamer ces droits et prendre des décisions pour eux-mêmes basés sur leur propre accord et en tant que membres actifs de la société (UN DESA, 2023).
La CIDE oblige les gouvernements à prendre des mesures concrètes afin de promouvoir un plaisir égal et complet sur tous les droits humains et libertés fondamentales des enfants handicapés (UNICEF, 2023). En particulier, l’article 7 requiert que les États partis prennent toutes les mesures nécessaires afin d’assurer le plein usage pour les enfants handicapés de leurs droits humains et leur libertés fondamentales à termes égaux avec les autres enfants (principe de non-discrimination). Cependant, il réaffirme le principe de l’intérêt supérieur pour l’enfant comme une considération première dans tous les domaines affectant l’enfant.
De plus, il est convenu que les enfants handicapés ont le droit d’exprimer leur point de vue librement dans tous les domaines qui les affectent, et que leurs points de vue seront dûment pris en compte en fonction de leur âge et de leur maturité, sur un pied d’égalité avec les autres enfants, et que les enfants bénéficieront d’une assistance-handicap et d’une aide adaptée à leur âge pour réaliser ce droit (Article 7, 2023).
Enfin, en 2006, le Comité sur les droits des enfants a accepté de produire une observation générale sur les enfants handicapés, qui représente une orientation et une assistance pour les États partis dans leurs efforts pour implanter le droit des enfants handicapés dans un sens plus large qui couvre toutes les dispositions de la CIDE (Général Comment No.9, 2006). Le projet produit par le Comité en 2006 a été discuté en août 2006 durant la réunion à New-York où 40 représentants d’organisations de personnes handicapées étaient présents, avant d’être finalisé et adopté par le Comité en 2007 (Save the children, 2009).
Les risques liés au handicap
La marginalisation et l’invisibilité sont également des facteurs clés de l’exposition des enfants à la violation de leur droits (UNICEF, 2021). Le taux de mortalité précoce des enfants handicapés peut atteindre 80% dans les pays où le taux de mortalité des moins de cinq ans dans leur ensemble ont diminué de moins de 20% (Save the children, 2009).
Selon l’UNICEF, en comparant avec ceux qui n’ont pas de handicap, les enfants handicapés sont plus à même d’être touchés par un retard de croissance (34%) ou par la malnutrition aiguë (25%), ils sont 25%moins susceptibles de fréquenter d’atteindre l’éducation à la petite enfance ou d’acquérir les bases de la lecture et des compétences numéraires (42%) et 49% sont susceptibles de ne jamais pouvoir aller à l’école. Concernant la protection des enfants contre la violence, 32% d’entre eux sont enclins à subir des punitions corporelles sévères. Enfin, la moitié d’entre eux sont susceptibles de se sentir malheureux (51%) ou de subir de la discrimination (41%). (UNICEF, 2023).
La discrimination contre les enfants handicapés
Malgré les avancées législatives, les enfants handicapés sont globalement les plus marginalisés (UNICEF, 2023). Parfois, ils souffrent également d’une discrimination intersectionnelle. Au niveau mondial, c’ le cas pour les filles , les enfants qui sont pauvres, Noirs, Indigènes, ou LGBTQI+, et ceux qui appartiennent aux minorités ethniques, les migrants ou d’autres groupes marginalisés (UNICEF, 2023).
De plus, un large éventail d’obstacles limite leur capacité à se débrouiller dans la vie quotidienne, à accéder aux services sociaux (comme l’éducation et les soins) et à s’engager dans leur communauté. Cela inclut :
- Des barrières physiques– par exemple, les immeubles, les transports, les toilettes et les aires de jeux qui ne sont pas accessibles en fauteuil roulant ;
- Des barrières de communication et d’information- comme des livres qui ne sont pas retranscrits en Braille, ou les annonces de santé publique qui sont délivrées sans interprétation en langue des signes,
- Des barrières psychologiques- cela inclut les stéréotypes, le fait d’être sous-estimé, de la pitié, de la condescendance, de l’acharnement ou du harcèlement.
Chacune de ces barrières est ancrée dans une stigmatisation et une discrimination qui reflètent les perceptions négatives du handicap associée au capacitisme : un système de croyances, normes et pratiques qui dévalue les personnes porteuses d’un handicap (UNICEF, 2023). Dans ce sens, les enfants handicapés ne sont pas considérés comme les autres enfants, et sont perçus comme des personnes incapables ou en besoin d’amour, d’affection, d’humour, d’amitié ou d’expression artistique ou culturelle et de stimulation intellectuelle. Ils risquent d’être discriminés, marginalisés, et isolés, et ils sont exposés à un niveau plus élevé de risques comparé aux autres enfants sans handicap.
La violence envers les enfants handicapés
Quand on s’intéresse à la protection contre la violence, les enfants porteurs d’un handicap sont davantage exposés au risque de violence, de négligence, d’abus et d’exploitation. Malgré des données moindres et des recherches limitées sur ces cas, les études disponibles ont révélé une prévalence de la violence envers les enfants handicapés d’une vulnérabilité plus importante à la violence physique et émotionnelle quand ils sont jeunes jusqu’à des risques plus élevés de violences sexuelles dès l’âge de la puberté atteint.
En effet, les enfants et adolescents handicapés sont 3 à 4 fois plus susceptibles de subir de la violence physique ou sexuelle et de la négligence que la plupart des autres enfants, et ils risquent bien plus de subir de la violence sexuelle au cours de leur vie : jusqu’à 68% des filles et 30% des garçons avec un handicap intellectuel ou physique seront abusés sexuellement avant d’atteindre leur 18 ans (UN Violence envers les enfants, 2023).
De plus, les incidents concernant la violence rapportés par les enfants handicapés sont largement ignorés, comme leur aide-soignant sont souvent mal préparés et mal formés pour examiner les plaintes et en tenir compte efficacement. C’est une conséquence directe de la perception habituelle que les enfants handicapés ne sont pas capables de raconter leurs histoires clairement et sont facilement plus confus que les autres. Dans beaucoup de pays, la législation ne reconnaît pas la déclaration d’un enfant handicapé et la loi ne leur autorise pas à signer en leur nom dans les documents légaux ou de rapporter des preuves en prêtant serment. C’est une véritable conspiration du silence et une impunité généralisée entourant ces incidents de violence (UN Violence contre les enfants, 2023).
Le manque d’accès à l’éducation
D’un point de vue éducatif, les enfants handicapés sont plus susceptibles de manquer l’école que d’autres enfants. Même s’ils se rendent à l’école, ils sont plus susceptibles de quitter l’école avant qu’ils ne finissent leur cycle primaire. Selon l’Organisation Mondiale de la Santé et de la banque, dans certains pays « être handicapé double les chances de ne jamais s’inscrire à l’école » et en fait, on estime qu’un enfant non scolarisé sur trois a un handicap (Leur monde, 2023).
En Afrique, moins de 10% des enfants handicapés sont en primaire. Dans certains pays, seulement 13% d’entre eux reçoivent une quelconque forme d’éducation. Au Bangladesh, 30% des personnes handicapées ont réussi leur primaire, contre 48% concernant les enfants sans handicap. En Zambie, c’est 43% contre 57%, au Paraguay c’est 56% contre 72%. Selon une estimation, 75% des enfants handicapés en Afghanistan ne sont pas à l’école. Beaucoup d’entre eux ont été blessés par des mines terrestres (Leur monde, 2023).
Dans les pays en développement, les personnes handicapés tendent à être plus pauvres que les autres. Le fait de ne pas avoir eu d’ éducation n’affecte pas seulement la qualité de leur vie ou de celle de leur famille, cela a aussi un impact économique négatif pour les pays. Une étude de l’Organisation Internationale du Travail a trouvé que les pays perdaient entre 3 à 7% du produit intérieur brut en excluant les personnes handicapées du marché du travail. L’éducation peut aider les personnes handicapées à avoir accès à un emploi, la santé et d’autres services, et développer une meilleure connaissance de leurs droits (Leur monde, 2023).
Adopter une nouvelle perspective du handicap
Les enfants handicapés travaillent souvent dur afin de s’accommoder à un monde qui les exclue. Mais ils ne représentent pas des problèmes qui ont besoin d’être résolus ou changés (UNICEF, 2023). D’un autre côté, c’est à la société de les inclure et de les rendre capables de participer activement à la société. La mesure dans laquelle les enfants handicapés peuvent fonctionner, participer à la société et mener une vie épanouissante dépend de la mesure dans laquelle ils sont accueillis et inclus (UNICEF, 2023).
Concernant le handicap, les enfants handicapés sont définis et jugés par ce qui leur manque plutôt que par ce qu’ils ont (Save the children, 2009). Afin de nuancer cette perspective, certains chercheurs préconisent d’employer un autre mot que « handicap » afin d’adopter différentes perspectives : la diversabilité.
Le terme de diversabilité lie l’unicité et le potentiel de chaque être humain. La proposition de ce terme est de repenser le monde du « handicap » « en démocratisant le handicap visible, la représentation et son accès ». Les gens porteurs de handicap peuvent faire les mêmes tâches que les personnes qui n’en ont pas (Diversabilité, 2023). Ils peuvent juste adopter une approche différente (Ramsey, 2021).
Vivre avec un handicap vous rend plus attentif. Les limitations fonctionnelles se manifestent dans le cycle de la vie de chacun d’entre nous. La possibilité pour les enfants handicapés de vivre leur vie en étant heureux dépend de notre volonté de nous confronter aux barrières du changement (UNICEF, 2023).
Écrit par Arianna Braga
Relecture interne par Aditi Partha
Traduit par Gersande Charpentier
Relu par Line Goddi
Dernière modification le 14 juillet 2023
Bibliographie :
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