Le 24 mars 2021, le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a officiellement publié sa 25ème observation générale sur les droits de l’enfant en relation avec l’environnement numérique. L’adoption de cette observation générale marque la première mention des expériences numériques des enfants dans la CIDE et représente un moment historique pour tous ceux qui travaillent à la protection des enfants sur Internet.
Un moment historique pour les droits de l’enfant
Lors de sa 86ème session, le Comité a adopté l’observation générale n°25 sur les droits de l’enfant dans l’environnement numérique, moment historique car il s’agit du premier document juridique international et faisant autorité à explicitement reconnaître que les droits de l’enfant s’appliquent à la fois hors ligne et en ligne (Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme,, 2021).
L’observation générale est un document important qui facilitera et guidera l’interprétation de certains articles de la Convention et, dans ce cas précis, actualisera l’interprétation de la Convention concernant Internet et les avancées technologiques. Ce document intervient à un moment charnière et sans précédent, car la pandémie du coronavirus a menacé et continue de menacer les droits des enfants, dont la présence en ligne a nettement augmenté, tandis que les loisirs, les activités éducatives, sociales, politiques et professionnelles dans le monde entier subissent une délocalisation massive vers la sphère virtuelle.
Les droits de l’enfant dans le monde numérique après l’observation générale n°25
L’objectif de l’observation générale est d’expliquer aux États parties comment appliquer la Convention relative aux droits de l’enfant en ce qui concerne l’environnement numérique et de fournir des lignes directrices sur la législation, les politiques et autres mesures pertinentes visant à assurer le plein respect des obligations qui leur incombent en vertu de la Convention. Elle explique en particulier, ce que l’environnement numérique signifie pour les droits civils et les libertés des enfants, y compris leurs droits à la vie privée, à la non-discrimination, à la protection, à l’éducation, au jeu, etc. (Partenariat mondial pour mettre fin à la violence contre les enfants, 2021).
La nouvelle observation est le fruit d’une refonte des rapports des États, de la jurisprudence et de la consultation d’enfants, notamment lors d’ateliers participatifs avec 709 enfants vivant dans des zones urbaines et rurales de 28 pays. Des enfants issus de groupes minoritaires, en situation de handicap, migrants ou réfugiés, sans domicile, ayant à faire au système de justice pour mineurs, issus de communautés socio-économiques défavorisées et dans d’autres situations vulnérables ont été consultés et ont joué un rôle décisif dans la rédaction du texte final (5 Rights Foundation, 2021).
Non seulement l’observation générale n° 25 sensibilise les enfants aux risques auxquels ils sont confrontés en ligne, mais elle impose également aux États et aux entreprises la responsabilité de prendre des mesures pour maîtriser ces risques (Doughty Street Chambers, 2021). L’observation générale n°25 sera de fait reconnue par la majorité des pays signataires comme une obligation absolue, pour laquelle ils seront tenus responsables par l’ONU, en particulier par le Comité des droits de l’enfant.
Obligations des États parties telles que définies par l’observation générale
En effet, le document encourage les États à diffuser des informations et à mener des campagnes de sensibilisation sur les droits de l’enfant dans l’environnement numérique, ainsi qu’à promouvoir des programmes éducatifs pour les enfants, les parents, les soignants, le public et les décideurs afin d’améliorer leurs connaissances sur les droits de l’enfant en rapport avec les opportunités et les risques liés au numérique.
Les États parties doivent également veiller à ce que les entreprises s’acquittent de ces responsabilités. En effet, les États sont les premiers responsables dans l’application des dispositions adoptées par la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, y compris du processus de présentation de rapports périodiques au Comité sur la manière dont ces obligations ont été respectées. Plus généralement, les États doivent s’assurer que toutes les entités dont les activités sont en lien avec des enfants au sein de leur juridiction, respectent les règlementations en matière de droits de l’enfant.
En fait, les entreprises qui, de par la fourniture de services et de produits liés au numérique, affectent directement et indirectement les droits de l’enfant, devraient respecter ces droits et prévenir les abus en lien avec l’environnement numérique. Plus précisément, en ce qui concerne la publicité et le marketing, l’observation générale indique que les États parties devraient interdire le profilage ou le ciblage d’enfants de tous âges à des fins commerciales, sur la base d’un enregistrement numérique de leurs caractéristiques réelles ou déduites, y compris les données de groupe ou collectives, le ciblage par association ou le profilage par affinité. (Alliance pour la protection de l’Enfance, 2021)
En fait, les pratiques qui s’appuient sur le neuro-marketing, l’analyse émotionnelle, la publicité immersive et la publicité dans des environnements virtuels pour promouvoir des produits, des applications et des services, ne devraient pas non plus avoir le droit d’impliquer directement ou indirectement des enfants. Dans l’ensemble, il s’agit d’un document explicite et de grande envergure, particulièrement pertinent en cette période de pandémie caractérisée par des méthodes flexibles de travail (smart working), l’apprentissage à distance et l’utilisation massive de dispositifs technologiques pour assurer les services et les interactions.
L’engagement d’Humanium en faveur des droits de l’enfant dans l’environnement numérique
L’observation générale souligne l’importance de collaborer avec la société civile dans l’élaboration, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des lois, des politiques, des plans et des programmes relatifs aux droits de l’enfant. En fait, en mars 2019, le Comité a invité les parties intéressées à soumettre des commentaires sur l’observation générale et en a reçu 136 sur la note conceptuelle.
Humanium a soumis une proposition concernant l’observation générale n°25, en réponse à cet appel des Nations Unies à la participation des ONG à la rédaction de l’observation générale, afin de partager sa vision sur la manière dont les droits de l’enfant peuvent et doivent être mis en œuvre.
La proposition d’Humanium a apporté un soutien conséquent au Comité des droits de l’enfant et a ciblé les principales parties prenantes pour reconnaître l’importance des droits de l’enfant dans les environnements numériques. En particulier, la proposition d’Humanium a réaffirmé les principes fondamentaux des droits de l’enfant, y compris leur droit à la protection contre les abus, contre l’exploitation et d’autres formes de violence sur Internet, en gardant toujours l’intérêt supérieur de l’enfant comme ligne directrice.
Si vous soutenez nos actions et souhaitez que les lois internationales sur les droits de l’enfant soient prises en compte à l’ère numérique, abonnez-vous à notre newsletter ou devenez membre. Pour soutenir le travail continu d’Humanium et contribuer à la mise en œuvre des droits de l’enfant, pensez à faire un don et à nous rejoindre pour agir en faveur des droits de l’enfant.
Écrit par Federica Versea
Traduit par Saba Pinard
Pour plus d’information :
United Nations Human Rights Treaty Bodies, UN Treaty Body Database, Terminology glossary.
5 Rights Foundation. (2021). UNCRC GENERAL COMMENT NO. 25 – Explanatory Notes, 5 Rights Foundation.
Bibliographie :
5 Rights Foundation. (2021). UNCRC GENERAL COMMENT NO. 25 – EXPLANATORY NOTES. 5 Rights Foundation.