Enfants d’Arménie

Concrétiser les droits de l’enfant en Arménie

Depuis son indépendance de l’Union Soviétique en 1991, l’Arménie a accompli des progrès considérables dans la protection des droits de l’enfant grâce à des réformes législatives, à la mise en place d’un système judiciaire axé sur l’enfant et au financement public des programmes de santé maternelle et infantile. Ces réformes ont permis une diminution notable du nombre d’enfants placés durablement en foyer, ainsi que des améliorations dans d’autres domaines clés. Toutefois, des problèmes tels que la pauvreté et la crise des réfugiés, continuent de freiner la pleine application des droits de l’enfant dans l’ensemble du pays.

Population: 2,9 millions d’habitants 

Population âgée de 0 à 14 ans: 20 %

Espérance de vie: 73,3 ans 

Taux de mortalité des moins de 5 ans: 8,2 ‰

L’Arménie en bref 

La République d’Arménie (Hayastan), dont la capitale est Erevan, est un territoire enclavé constituant, avec la Géorgie et l’Azerbaïdjan, l’un des trois pays de Transcaucasie. Située dans le sud des montagnes du Caucase, entre la mer Noire et la mer Caspienne, l’Arménie partage ses frontières avec la Géorgie au nord, l’Azerbaïdjan à l’est, la Turquie à l’ouest et l’Iran au sud (Howe, 2025). 

Sur le plan géographique, 85 % du pays est montagneux, avec une altitude moyenne de 1 800 mètres au-dessus du niveau de la mer. Les hauts plateaux arméniens, au nord-ouest du pays, sont dominés par le mont Aragats, le plus haut sommet de l’Arménie (4 090 mètres). Son relief montagneux et enclavé lui confère un climat sec et continental. Le pays se compose de deux écorégions terrestres, à savoir les forêts mixtes et la steppe (Howe, 2025).

Historiquement, le mont Ararat était une montagne sacrée d’Arménie. Aujourd’hui, bien qu’il se trouve en Turquie, il est toujours considéré comme un symbole de la terre arménienne et reste un emblème national pour le pays (Howe, 2025). 

L’Arménie a connu un parcours tumultueux vers l’indépendance, notamment en raison de sa proximité avec l’ancienne Union soviétique. La partie de son territoire, qui faisait partie de l’ancien Empire russe, a déclaré son indépendance en 1918, avant d’être envahie par les forces turques et soviétiques en 1920.

En 1922, le pays a été intégré à la République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie, cette union a été dissoute en 1936, faisant de l’Arménie une république constitutive de l’Union soviétique. L’Arménie a proclamé sa souveraineté en 1990, au moment de la dissolution générale de l’Union soviétique, et a officiellement obtenu son indépendance le 23 septembre 1991 (Howe, 2025).

Le conflit du Haut-Karabakh, entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, reste un conflit ethnique et territorial. Dans le passé, le Haut-Karabakh était habité par des Arméniens. Cependant, après la déclaration d’indépendance de l’Azerbaïdjan soviétique en 1991, la région a été transférée à l’Arménie soviétique. Peu après, en 1994, le cessez-le-feu négocié par la Russie a laissé la région fortement dépendante de l’Arménie.

Cette guerre a fait perdre à l’Azerbaïdjan le contrôle de ce territoire. En 1993, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté quatre résolutions en faveur du retrait des forces arméniennes de la région du Haut-Karabakh et de la reconnaissance internationale du Haut-Karabakh comme faisant partie de l’Azerbaïdjan (Vartanyan, 2024). 

Sur le plan ethnique, les Arméniens représentent 98,1 % de la population, suivis par les Yazidis (1,1 %) et les Russes (0,5 %). Les autres minorités ethniques en Arménie comprennent les Ukrainiens, les Grecs, les Kurdes, les Géorgiens, les Assyriens et les Biélorusses. En raison du conflit du Haut-Karabakh, les Azerbaïdjanais, qui constituaient autrefois le deuxième groupe ethnique d’Arménie, ont largement migré vers l’Azerbaïdjan (Howe, 2025). 

Situation des droits de l’enfant [1]

L’Arménie s’est engagée à respecter plusieurs accords internationaux pour la protection des droits de l’enfant. En 1993, le gouvernement a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE). En 2005, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés et le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants ont tous deux été ratifiés. 

En 1993, l’Arménie a également signé d’autres textes internationaux relatifs aux droits de l’homme, comme la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. 

Répondre aux besoins des enfants en Arménie

Le droit à l’éducation 

Avant son indépendance, l’Arménie suivait le modèle d’éducation soviétique, avec le russe comme langue d’enseignement. Cependant, après l’indépendance, l’arménien est devenu la langue d’instruction et, en 1991, toutes les écoles qui suivaient le modèle d’éducation soviétique ont été fermées.

Le système éducatif arménien, supervisé par le ministère de l’Éducation, des Sciences, de la Culture et des Sports et se présente comme suit (Freeman, 2024) :

  • Enseignement primaire (6 à 10 ans, classes 1 à 4)
  • Enseignement fondamental (10-15 ans, classes 5 à 9) — le certificat d’enseignement fondamental est délivré à l’issue de ce cycle.
  • Enseignement secondaire (15 à 18 ans, classes 10 à 12) — Le certificat d’enseignement secondaire est délivré à l’issue de ce cycle.

Le droit à la santé

Le ministère de la Santé affecte une infirmière par école de plus de 350 élèves, les écoles plus petites se partagent les ressources en soins infirmiers. L’infirmière a accès aux polycliniques locales et ses principales responsabilités incluent les examens de routine, les premiers secours et la réponse aux épidémies. Les examens de routine comprennent le contrôle du poids, de la taille, de la tension artérielle, des tests de vue et d’audition, le dépistage des troubles de la posture, et le soutien psychosocial (Save the Children, 2015).  

En 2003, avec l’aide et le financement de l’Association Pan Arménienne pour la famille et la santé et du Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP), plus de 30 services de santé adaptés aux jeunes ont été mis en place dans les écoles afin de leur fournir des conseils adaptés à leur âge. Cependant, une fois le projet pilote terminé et le budget épuisé, les prestations ont été interrompus faute de subventions suffisantes de la part du gouvernement. (Save the Children, 2015).

En 2019, le gouvernement arménien a alloué 25 millions USD du budget de l’État pour rendre gratuits tous les soins de santé pour les enfants de moins de dix-huit ans. Auparavant, seuls les enfants de moins de sept ans, les personnes en situation de handicap, les orphelins et les garçons âgés de quatorze à quinze ans (avant l’âge du service militaire) bénéficiaient de la gratuité des soins (JAM News, 2019). 

Droit à l’eau potable et au traitement des eaux usées

En 2021, 27 % de la population rurale en Arménie n’avait pas accès à des services d’eau adéquats. La plupart des réseaux d’approvisionnement en eau du pays sont en mauvais état et ne répondent pas aux normes requises (Hubendick, 2021). Malgré l’abondance de lacs et de rivières dans le pays, le gouvernement n’est pas en mesure de fournir une eau potable propre et sûre. Dans les communautés rurales, certains foyers n’ont accès à l’eau que deux ou trois heures par jour, et la pression de l’eau est souvent très faible (Banque asiatique de développement, 2014).

Avant l’indépendance, la compagnie des eaux et d’assainissement d’Arménie était gérée par l’État, conformément aux pratiques courantes en Union soviétique. Plus de 90 % de la population urbaine du pays s’approvisionnait en eau auprès de ce service centralisé (Banque asiatique de développement, 2014).

Ce système a posé de nombreux problèmes en raison des déficiences caractérisant cette entreprise de distribution d’eau : jusqu’à 80 % de l’eau circulant dans le système de plomberie du pays était perdue en raison de fuites et autres défauts, soit environ 400 % de plus que dans la plupart des villes d’Europe occidentale à l’époque. À partir de 1991 une réforme en profondeur est donc devenue nécessaire. Mais malgré ces efforts, à peine 15 % de la population a pu bénéficier d’un service d’eau sans interruption dans les années qui ont suivi. (Banque asiatique de développement, 2014). 

Droit à l’identité 

En 2009, l’Armenian Relief Society (l’Association arménienne de secours) a mené une enquête sur les enfants non enregistrés dans les régions d’Erevan, de Gegharkounik et de Shirak. Celle-ci a révélé que, sur 97 familles, 126 enfants n’avaient pas été enregistrés à la naissance, 19 enfants non enregistrés vivaient dans des institutions d’accueil, et 35 de ces 126 enfants étaient nés à domicile plutôt qu’à l’hôpital. 

L’enquête a également fait ressortir que 39,9 % des naissances non enregistrées étaient dues à l’absence de documents d’identité des parents, 13,8 % à des procédures d’enregistrement des naissances longues et bureaucratiques, 12,5 % à des circonstances familiales particulières, 9,8 % à l’absence d’un des parents, 9,8 % à l’indifférence des parents à l’égard de la déclaration de leur enfant, 3,5 % à l’incapacité des familles à payer les frais d’enregistrement des naissances, 11,3 % à un manque de sensibilisation à l’enregistrement des naissances et 9,5 % à d’autres raisons non mentionnées (Save the Children, 2015).  

En 2011, un amendement législatif a été adopté pour prévenir et détecter les naissances non enregistrées. En vertu de la loi de la République d’Arménie sur les actes d’état civil et de la loi de la République d’Arménie sur l’autonomie locale, il a été décidé que tous les chefs de communauté devaient identifier les naissances non enregistrées dans leur région et veiller à ce que des mesures adéquates soient prises pour y remédier (Save the Children, 2015). 

Facteur de risque -> Défis spécifiques au pays

La pauvreté

Selon les données de l’UNICEF de 2017, en Arménie, environ 34,2 % des enfants vivent dans la pauvreté et 2 % dans des conditions d’extrême pauvreté, les taux les plus élevés de pauvreté infantile se trouvant à Shirak, avec 50,9 % (UNICEF Arménie, n,d). Les subventions visant à améliorer le niveau de vie des familles pauvres et vulnérables constituent le principal instrument de lutte contre la pauvreté dans le cadre du système d’aide sociale arménien.

La politique des aides publiques en Arménie a été établie à l’époque soviétique avec l’introduction d’une loi sur les « allocations pour enfants issus de familles défavorisées ». Au fil du temps, le régime des allocations a subi plusieurs modifications.

En 1997, de nouvelles règles ont été introduites afin qu’une compensation monétaire soit accordée à certains groupes de la population définis par la législation, remplaçant ainsi le système basé sur des privilèges. Par conséquent, en 1999, un décret a été adopté pour remplacer les allocations familiales et autres prestations sociales spécifiques par une allocation familiale destinée aux familles en situation de pauvreté. Ce régime d’allocations familiales, dont bénéficie environ 12,7 % de la population, reste le plus grand programme de soutien aux familles pauvres (avec ou sans enfants), (UNICEF, 2019). 

La discrimination 

Des recherches menées par le Fonds des Nations Unies pour la population indiquent que l’Arménie présente l’un des taux les plus élevés au monde de sélection prénatal en fonction du sexe, la conséquence d’une culture largement répandue de discrimination à l’égard des femmes et des filles. Des analyses à plus large échelle révèlent une préférence pour les fils en raison, entre autres, de leur statut social, de leur capacité à contribuer financièrement à la famille et à leur importance pour assurer la continuité de la lignée familiale.

Enfants déplacés 

En 2020, une offensive des forces Azerbaïdjanaises pour reprendre la région du Haut-Karabakh a déclenché un conflit militaire et des violences dans cette région, forçant environ 

90 000 familles et enfants à fuir vers l’Arménie voisine. Plusieurs centaines de personnes ont été tuées ou blessées au cours des affrontements. En octobre 2024, l’UNICEF avait recensé 115 366 réfugiés, dont 36 000 enfants (UNICEF Arménie, 2024).

 L’Arménie a reçu un soutien régional et international pour faire face à cette catastrophe. Début 2024, le Conseil de l’Europe a débloqué une aide de 2,8 millions d’euros pour aider le pays, comprenant une nouvelle mesure visant à protéger les enfants grâce à un soutien juridique et politique (Conseil de l’Europe, 2024). 

Placement en institution 

Au cours de la dernière décennie, une collaboration intersectorielle a permis à l’Arménie de faire des progrès considérables dans la réduction du nombre d’enfants placés en institution à temps plein. Le travail conjoint du gouvernement arménien, de la société civile et des ONG internationales a permis de réduire le nombre d’enfants accueillis dans ces établissements de 2 000 à 400 entre 2014 et 2023.

Les réformes de 2023, visant à garantir une vie autonome à l’échelle nationale, ont apporté un soutien supplémentaire : les personnes quittant les institutions de placements reçoivent désormais l’équivalent d’un salaire mensuel pendant 12 mois, ainsi qu’une aide au paiement du loyer (Bureau du Haut-Commissaire des Nations Unies, 2024).

Le pays a mis en place des infrastructures importantes pour protéger les enfants vulnérables. Deux centres d’accueil avec internat, ouverts 24 heures sur 24, ont été réformés en 2016 et 2018. L’année suivante, trois établissements obsolètes ont été remplacées par de nouveaux programmes visant à aider les enfants à réintégrer leur famille. On estime que ces efforts ont permis d’éviter à près de 400 enfants d’être placés dans des établissement spécialisés de manière permanente (Haut-Commissariat des Nations Unies, 2024). 

Ces dernières années, les efforts visant à promouvoir le regroupement familial à grande échelle se sont poursuivis. Entre 2020 et 2023, le gouvernement a augmenté son financement aux services de placement familial et de protection, notamment en allouant davantage de fonds aux organisations locales de la société civile œuvrant dans les régions reculées du pays. Parallèlement, les systèmes administratifs gouvernementaux ont été réformés afin d’élargir l’accès aux services familiaux de proximité, ce qui a entraîné une augmentation générale du nombre d’enfants replacés dans leur famille biologique (Sargsyan, 2024). 

Malgré les progrès réalisés à l’échelle nationale, des défis subsistent. Plus de 1 100 enfants vivent encore dans des orphelinats et des écoles spécialisées gérés par l’État. La majorité d’entre eux sont en situation de handicap, une problèmatique qui trouve son origine dans l’absence de services sociaux et familiaux spécialisés pour ces enfants en situation de handicap, qui restent minoritaires dans la société (Sargsyan, 2024).

Rédigé par Vanessa Cezarita Cordeiro 

Relecture interne par Aditi Partha

Traduit par Françoise Carpentier

Relu par Jean-Christophe Brunet

Dernière mise à jour le 9 février 2025

Bibliographie :

Asian Development Bank. (2014, May 9). “Providing clean, safe water to Armenians.” Retrieved from Asian Development Bank, accessed on 4 February 2025. 

Council of Europe. (2024, April 12). “Armenia: Council of Europe launches package of measures in response to refugee influx, including protecting children’s rights.” Retrieved from Council of Europe, accessed 6 February 2024.

Freeman, K.T. (2024, February 15). “Armenia.” Retrieved from Aacrao, accessed on 27 January 2025. 

Howe, G.M., Dowsett, C.J.F. (2025, January 31). “Armenia.” Retrieved from Britannica, accessed on 25 January 2025. 

Hubendick, L. (2021, May 10). “Armenia takes action to achieve the SDG 6.” Retrieved from Stockholm International Water Institute, accessed on 4 February 2025. 

Human Rights Watch. (2017, February 22). “Abuse and discrimination against children in institutions and lack of access to quality inclusive education in Armenia.” Retrieved from Human Rights Watch, accessed on 8 February 2025. 

JAM News. (2019, July 1). “Treatment in Armenia to be free for children up to 18.” Retrieved from JAM News, accessed on 29 January 2025. 

Sargsyan, Z. (2024, January 19). “Nearly half a million children in Europe and Central Asia live in residential care facilities.” Retrieved from United Nations Armenia, accessed on 5 February 2025. 

Save the Children. (2015). “Child rights situation analysis: Armenia.” Retrieved from Save the Children, accessed on 29 January 2025. 

UNFPA. (2023). “Fact sheet: Armenia.” Retrieved from UNFPA, accessed 5 February 2024.

UNICEF Armenia. (2024). “Armenia humanitarian situation report no. 18.” Retrieved from UNICEF Armenia, accessed on 29 January 2025. 

UNICEF Armenia. (n,d). “Social protection and child poverty.” Retrieved from UNICEF Armenia, accessed on 9 February 2025. 

UNICEF. (2019, July). “Universal child benefit case studies: the experience of Armenia.” Retrieved from UNICEF, accessed on 9 February 2025. 

United Nations Office of the High Commissioner. (2024, September 5). “Experts of the Committee on the Rights of the Child Commend Armenia on its Digital Literacy Education for Children, Raise Questions on Corporal Punishment and Children’s Participation in Climate Change Policies.” Retrieved from United Nations Office of the High Commissioner, accessed on 4 February 2025. 
Vartanyan, O. (2024, March 4).

“Armenia struggles to cope with exodus from Nagorno-Karabakh.” Retrieved from International Crisis Group, accessed on 29 January 2025.


[1] Cet article ne prétend en aucun cas donner un aperçu complet ou réel de la situation des droits de l’enfant en Arménie ; en effet, l’une des nombreuses difficultés réside dans le peu d’informations actualisées sur les enfants d’Arménie, la plupart d’entre elles n’étant pas fiables, pas suffisamment représentatives, obsolètes ou tout simplement inexistantes.