Comme pour de nombreuses industries fabriquant des produits de la vie quotidienne, l’utilisation massive de produits chimiques dans les processus industriels du secteur textile a attiré l’attention des organes de régulations internationaux. Car elle représente un danger pour la santé ainsi que pour l’environnement de nombreuses populations dans le monde, affectant en particulier les enfants.
L’industrie textile – une menace pour les droits de l’enfant
Ces dernières années, de nombreux effets néfastes de l’industrie textile moderne ont été mis en lumière, constituant ainsi des violations d’une multitude de droits humains fondamentaux et particulièrement applicables au droit de l’enfant (Baruta, 2021)
Plus précisément, un autre sujet de préoccupation concernant l’industrie textile a fortement attiré l’attention des gouvernements et des organismes internationaux : l’utilisation de substances chimiques dans la fabrication de nos vêtements, qui constitue une violation du droit à la santé ainsi que des droits environnementaux des enfants.
À l’origine de nos vêtements toxiques
Afin de suivre le rythme de la production moderne et de proposer de plus en plus de vêtements à des prix attractifs, l’industrie textile cherche à réduire ses coûts de production. L’utilisation massive de produits chimiques tout au long du processus de fabrication de nos vêtements constitue un des principaux facteurs de réduction des coûts. On évoque notamment l’utilisation de plus de 8 000 substances chimiques dans l’industrie textile (Kant, 2012). À titre illustratif, on estime que la production de 1 kg de t-shirt nécessite 4 kg de produits chimiques (Council of the European Union, 2012).
Des conséquences sanitaires alarmantes
Ce qui est le plus préoccupant, c’est qu’un nombre considérable de ces produits chimiques utilisées par l’industrie textile a des effets néfastes à la fois sur notre santé et sur l’environnement. En 2014, l’Agence suédoise des produits chimiques avait déjà alerté sur ces conséquences. Sur 2 450 substances chimiques évaluées, elle en a classé 750 dangereuses pour la santé humaine et 440 comme dangereuses pour l’environnement (KEMI, 2014).
Nos enfants, des populations à risque
En première ligne, se trouvent nos enfants, qui sont particulièrement sensibles à ces expositions et sont considérés comme une population à risque, au même niveau que les femmes enceintes. En effet, les fœtus en développement, les nourrissons et les enfants sont des populations beaucoup plus sensibles, puisque l’exposition aux substances chimiques peut avoir des répercussions sur leurs santé tout au long de leur vie.
Depuis une cinquantaine d’année, on a constaté une augmentation des maladies affectant les enfants ou prenant naissance dans l’enfance qui ont été spécifiquement liées à l’accumulation de substances chimiques dans le corps humain : fausses couches, malformations congénitales, cancer, asthme, troubles du système immunitaire, du développement, de la reproduction et du système nerveux (WECF, 2013).
Des conséquences sanitaires globales
En particulier, les populations d’enfants exposées aux produits chimiques utilisées par l’industrie textile sont de deux ordres : les enfants portant les produits finis ainsi que les enfants vivant à proximité des usines textiles comme en Chine, au Bangladesh, en Turquie et en Inde. Les premières peuvent ingérer directement les substances chimiques résiduelles de leurs vêtements en les mettant dans la bouche, tandis que les secondes sont beaucoup plus exposées par la pollution de leur environnement, particulièrement liée aux rejets des usines textiles dans les milieux naturels locaux tels que les cours d’eau (NRDC, 2021).
Le cas du fleuve Citarum et de l’industrie textile
En Indonésie, le fleuve Citarum est classé parmi les fleuves les plus pollués au monde. Les 400 usines textiles avoisinantes participent largement à la contamination du fleuve en y rejetant leurs eaux usées, chargées de colorants et de métaux lourds : chrome, cuivre, arsenic, plomb et cobalt (Toxics Link, 2021), changeant la couleur du fleuve Citarum quotidiennement. Faute d’accès à une autre source d’eau, les habitants locaux utilisent l’eau du fleuve quotidiennement, ce qui augmente la probabilité qu’ils développent des maladies (Carrubba, 2020).
De tels phénomènes amplifient le problème de l’accès à l’eau potable en Indonésie, où près d’un quart des décès chez les enfants de moins de cinq ans sont dus à des maladies diarrhéiques, directement lié à la salubrité des eaux (Citarum, 2012). Bien qu’une amélioration globale de l’accès à l’eau potable ainsi que des conditions d’hygiène et d’assainissement soient nécessaire au traitement du problème, il est essentiel que l’industrie textile, responsable selon la Banque Mondiale de 17 à 20% de la pollution mondiale des cours d’eau (Ambert, 2021), réduise ses impacts négatifs environnementaux et humains.
Des acteurs unis pour solutionner ce problème
Bien que des normes d’utilisation des produits chimiques existent, l’absence de règles harmonisées au niveau international ainsi que le manque d’outils efficaces ont été identifiés comme des facteurs majeurs de l’inertie du secteur textile sur cette question (WECF, 2013).
Afin d’œuvrer pour les droits environnementaux et pour le droit à la santé applicable au droit de l’enfant, les gouvernements du Bangladesh, de l’Indonésie, du Pakistan et du Viet Nam se sont engagés, le 14 octobre 2022, à gérer et réduire les produits chimiques dangereux dans leurs industries textiles à travers le lancement d’un programme de 43 millions de dollars dirigé par le Programme des Nations Unies pour l’environnement (UNEP, 2022).
À Humanium, nous œuvrons quotidiennement pour la protection des enfants et leur bien-être, et notamment pour défendre leur droit à la santé et leurs droits environnementaux. Nos moyens d’actions majeurs sont d’alerter le public sur les violations des droits de l’enfant et de soutenir des projets d’aide aux enfants dans le monde. Si vous voulez contribuer à notre mission, veuillez envisager de faire un don ou de devenir bénévole ou membre.
Écrit par Marie Cuvelier
Bibliographie:
Baruta, C. (2021, Septembre 21). Les effets néfastes de la fast fashion sur les droits des enfants. Consulté le 02 Janvier 2023, sur Humanium: https://www.humanium.org/fr/les-effets-nefastes-de-la-fast-fashion-sur-les-droits-de-lenfant/.
Council of the European Union. (2012, Octobre). Need for coherent Union legislation on hazardous in textiles, Information from the Swedish delegation to the Council of the European Union. Consulté le 2 janvier 2023, sur register.consilium.europa.eu: http://register.consilium.europa.eu/pdf/en/12/ st14/st14905.en12.pdf.
Kant, R. (2012, Janvier 2012). Textile Dyeing Industry an Environment Hazard. Consulté le 2 janvier 2023, sur scirp.org: https://www.scirp.org/pdf/NS20120100003_72866800.pdf.
KEMI. (2014). Chemicals in Textiles – Risks to Human Health and the Environment. Consulté le 2 janvier 2023, sur kemi.se: https://www.kemi.se/download/18.6df1d3df171c243fb23a98f3/1591454110491/rapport-6-14-chemicals-in-textiles.pdf.
NRDC. (2021). Engaging the textile industry as a key sector in SAICM – A review of PFAS as a chemical class in the textile sector. Consulté le 2 janvier 2023, sur saicnknowledge.org: https://saicmknowledge.org/sites/default/files/publications/SAICM%20report_PFAS%20in%20Textile_final_May%202021.pdf.
UNEP. (2022, Octobre 14). Textile-producing nations unite to reduce chemical waste. Consulté le 2 Janvier 2023, sur Unep.org: https://www.unep.org/news-and-stories/press-release/textile-producing-nations-unite-reduce-chemical-waste.
WECF. (2013). Textile: Stop the chemical overdose! Consulté le 2 janvier 2023, sur https://ipen.org/sites/default/files/documents/WECF%20Executive%20Summery%20Textile%20Report.pdf.
WECF. (2013). Textiles: Stop the Chemical overdose! Consulté le 2 janvier 2023, sur ipen.org: https://ipen.org/sites/default/files/documents/WECF%20Executive%20Summery%20Textile%20Report.pdf.