Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant est l’un des quatre principes directeurs des droits de l’enfant (droit à la non-discrimination, à l’intérêt supérieur de l’enfant, droit à la vie, à la survie et au développement, droit de participation ou droit d’exprimer ses opinions). Il est étroitement lié à l’article 3.1 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et à l’article 24.1 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.
Ces deux instruments donnent aux enfants le droit de voir leur intérêt supérieur évalué et pris en compte dans toutes les actions ou décisions qui les concernent, qu’elles soient le fait des institutions, publiques ou privées, de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs (Child Welfare Information Gateway, 2021).
Qu’implique l’intérêt supérieur de l’enfant ?
L’intérêt supérieur de l’enfant est un concept tripartite comprenant un droit substantiel, un principe juridique fondamental et interprétatif, et une règle de procédure qui vise à assurer la jouissance pleine et effective de tous les droits reconnus dans la Convention internationale relative aux droits de l’enfant (CIDE) et dont la considération première est d’assurer le développement holistique de l’enfant (EMN — European Migration Network, 2021).
Le développement holistique de l’enfant fait référence au bien-être de l’enfant au sens large, comprenant ses besoins de base sur le plan matériel, physique, éducatif et émotionnel, ainsi que le besoin d’affection et de sécurité (EMN, 2021).
L’évaluation de l’intérêt de l’enfant est une procédure simple et continue qui doit être entreprise dans des cas individuels où des décisions doivent être prises pour un enfant particulier, en fonction des circonstances spécifiques à chaque enfant ou groupe d’enfants, et doit évaluer et mettre en balance tous les éléments nécessaires pour prendre une décision dans une situation spécifique concernant un enfant ou un groupe d’enfants particulier (UNHCR-Agence des Nations Unies pour les réfugiés, 2006).
L’article 3 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) consacre le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant, c’est-à-dire qu’il dispose que dans toute loi, d’initiative publique ou privée, et dans toute situation problématique, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. Plus précisément, l’article 3 de la CIDE déclare que : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». (Unicef, 2019).
La détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant décrit donc un procédé formel assorti de garanties procédurales strictes destinées à déterminer l’intérêt supérieur de l’enfant pour des décisions particulièrement importantes concernant l’enfant. Ce procédé doit faciliter la participation appropriée des enfants sans discrimination, impliquer des décideurs ayant des domaines d’expertise pertinents et équilibrer tous les facteurs pertinents afin d’évaluer la meilleure option (Commission européenne, 2022).
Le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant appliqué par les tribunaux européens
Quelques années après son introduction solennelle, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant a été intégré dans de nombreuses conventions et documents protégeant les enfants, tant au niveau international qu’au niveau des États, et son emploi a commencé à caractériser les décisions des tribunaux sous toutes les latitudes (Unicef, 2019).
Le contexte dans lequel l’intérêt supérieur de l’enfant a été mieux accepté et a commencé à prendre des connotations moins indéterminées est sans aucun doute celui de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Cependant, face à un recours de plus en plus fréquent à la formule stéréotypée de « l’intérêt supérieur de l’enfant », il y a eu au fil des ans un certain nombre de décisions judiciaires aux effets très contradictoires (Council of Europe Portal, 2021).
Dans l’objectif de trouver le contenu substantiel de ce concept, dans les différents domaines d’application et dans les différents lieux géographiques, on constate que les problématiques qui ont émergé diffèrent considérablement selon le contexte.
En Europe, le principe s’est développé principalement par rapport aux affaires concernant l’article 8 (une norme qui protège le droit à la vie privée et familiale), dans au moins quatre contextes différents ; plus précisément, par rapport au droit de l’enfant en cas d’adoption ou de placement familial, au droit de l’enfant de connaître ses origines, au droit de l’enfant étranger, et enfin au droit de l’enfant en cas d’enlèvement international (Council of Europe Portal, 2021). Cependant, il est intéressant de noter que dans le contexte européen, l’intérêt supérieur de l’enfant a été décliné de différentes manières selon le cas examiné.
L’exemple le plus emblématique dans la jurisprudence de l’Union européenne est représenté par l’affaire Zarraga, concernant une demande de divorce devant les tribunaux espagnols, dans laquelle les deux parents demandaient la garde exclusive de l’enfant. La garde a été accordée au père qui vivait en Espagne, avec la possibilité de rendre visite à la mère en Allemagne. Après des vacances en Allemagne, l’enfant n’est pas retourné en Espagne. La mère a affirmé que l’intérêt supérieur de l’enfant, à savoir son droit d’être entendu, avait été violé, et a demandé sur ces fondements que l’enfant soit entendu pour réévaluer la question de la garde.
En ce qui concerne la violation alléguée de l’article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, qui prévoit le droit de l’enfant à être entendu, la Cour de Luxembourg a décidé qu’il appartient au juge qui doit se prononcer sur le retour d’un mineur de déterminer si une telle audience doit être tenue.
Ainsi, bien qu’elle prenne la forme d’un droit du mineur, l’audition ne peut être considérée comme une obligation absolue, mais doit faire l’objet d’une évaluation attentive par le juge. Le juge a décidé que l’intérêt supérieur de l’enfant était mieux protégé dans le lieu de résidence habituel de l’enfant, soit l’Espagne dans le cas en question, et que, pour cette raison, l’enfant enlevé devait y retourner.
L’intérêt supérieur de l’enfant dans le contexte de l’Amérique latine
En revanche, dans le contexte latino-américain, le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant ne connaît un développement considérable qu’après l’introduction de l’Opinión Consultiva OC-17/02 concernant la « Condición Juridica y Derechos Humanos del Niño », rendue par la Cour de San José en 2002.
Les juges de la Cour interaméricaine commencent ainsi à faire usage du critère de l’« interés superiór del niño » dans des cas de disparitions forcées et d’assassinats de masse, en rapport avec le phénomène des pratiques de violence institutionnalisées contre certains groupes sociaux, et plus récemment encore, en rapport avec les demandes d’adoption par des personnes homosexuelles ou célibataires (Unicef, 2019).
En Amérique latine, l’intérêt supérieur est également fréquemment utilisé en ce qui concerne les questions de santé. Dans ce contexte, un important dispositif a été rendu dans l’affaire « N.N. o D., v. s/protección y guarda de personas » en 2012, dans laquelle les juges de la Cour ont analysé le profil du droit à la santé de l’enfant par rapport au refus d’un parent de faire vacciner son enfant conformément au plan de vaccination obligatoire de l’État.
Les juges de la Cour ont fait valoir que, lorsqu’un parent refuse que son enfant ait accès au plan de vaccination, il est possible et nécessaire d’agir de manière contraignante, et ils ont affirmé que la responsabilité parentale n’est pas absolue, puisqu’elle rencontre précisément la limite de l’intérêt supérieur de l’enfant.
Après avoir clarifié cet aspect, les juges de la Cour ont également souligné que, dans certains cas, le droit à la vie privée de la famille peut être limité par l’intervention de l’État, placé en défenseur de l’intérêt supérieur de l’enfant, celui-ci étant un sujet vulnérable ayant besoin de protection et protégé par un régime dont la caractéristique majeure consiste à faire prévaloir son intérêt sur tous les intérêts en présence.
Ainsi, dans les contextes européen et latino-américain, on peut observer comment l’intérêt supérieur de l’enfant est décliné de différentes manières dans le but de mieux protéger l’enfant et d’évaluer avec plus de souplesse les besoins de la situation concrète.
Que peut-on faire de plus pour garantir l’intérêt supérieur de l’enfant ?
L’intérêt supérieur de l’enfant représente une évolution remarquable dans la jurisprudence sur la protection de l’enfant. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour uniformiser la législation au niveau international. Il est nécessaire de tout mettre en œuvre pour commencer à développer ou à renforcer davantage le système de coopération entre les juridictions nationales et internationales, car la crédibilité et l’efficacité des systèmes de protection des droits de l’homme reposent précisément sur la protection des plus vulnérables d’entre nous.
En fait, pour que le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant soit réellement « effectif », il faudrait que les États garantissent la satisfaction des victimes de violations qu’ils remédient aux irrégularités internes et mettent en œuvre les réformes nécessaires pour rendre l’ordre national conforme à l’ordre international.
En outre, les Nations unies, les ONG et la société civile peuvent contribuer à l’élaboration de lignes directrices à suivre dans les procédures, à l’intention des tribunaux. Ces lignes directrices doivent être flexibles et prendre en considération l’équilibre d’intérêts divergents. En effet, le véritable défi est d’établir une hiérarchie entre les différents droits et cette tâche ne peut être finalement réalisée que par les tribunaux, seuls arbitres témoins du cas concret.
Humanium est fier de s’engager à contribuer à un monde où l’intérêt supérieur de l’enfant est effectivement mis en priorité. Humanium, en tant qu’organisation, travaille activement sur des projets de terrain, développés à la lumière de l’intérêt supérieur de l’enfant. De plus, par son travail de plaidoyer, Humanium a participé activement à plusieurs groupes de travail où l’intérêt supérieur de l’enfant était la préoccupation principale dans des questions telles que le travail des enfants et la traite des êtres humains, les droits environnementaux, l’éducation, les conflits armés, etc.
Si vous souhaitez vous aussi contribuer à la réalisation des droits de l’enfant dans le monde, pensez à faire un don, à devenir membre d’Humanium ou à rejoindre la communauté Humanium en devenant bénévole.
Ecrit par Federica Versea
Traduit par Claire Deschamps-Jungbluth
Relu par Jean-Christophe Brunet
Pour plus d’informations :
Case C-491/10 PPU, Zarraga, 22 December 2010, available at http://curia.europa.eu.
Bibliography:
Child Welfare Information Gateway. (2021). Determining the Best Interests of the Child. Taken from https://www.childwelfare.gov/pubpdfs/best_interest.pdf, accessed on January 18, 2023.
Council of Europe Portal. (2021). Newsroom on Children’s Rights New study on the protection of the best interests of the child in situations of parental separation. Taken from Council of Europe Portal: https://www.coe.int/en/web/children/-/new-study-on-the-protection-of-the-best-interests-of-the-child-in-situations-of-parental-separation, accessed on January 19, 2023.
EMN – European Migration Network. (2021). Superiore interesse del minore. Taken from Superiore interesse del minore: https://www.emnitalyncp.it/definizione/superiore-interesse-del-minore/#:~:text=Il%20principio%20dell%27interesse%20superiore,che%20vengano%20prese%20in%20considerazione, accessed on January 18, 2023.
European Commission. (2022). Best interests of the child (BIC). Taken from Migration and Home Affairs: https://home-affairs.ec.europa.eu/networks/european-migration-network-emn/emn-asylum-and-migration-glossary/glossary/best-interests-child-bic_en, accessed on January 17, 2023.
UNHCR. (2006). UNHCR Guidelines on Formal Determination of the Best Interests of the Child. Taken from UNHCR: https://www.unhcr.org/en-my/4ba09bb59.pdf, accessed on January 18, 2023.
Unicef. (2019). Latin America and the Caribbean – 30 years after the adoption of the Convention on the Rights of the Child. Taken from Unicef: https://www.unicef-irc.org/publications/117-child-rights-in-latin-america-from-irregular-situation-to-full-protection.html, accessed on January 19, 2023.