Enfants de Guinée-Bissau

Concrétiser les droits de l’enfant en Guinée-Bissau

Les droits des enfants en Guinée-Bissau sont restés dans une situation précaire et leur mise en œuvre a été entravée par des troubles politiques et militaires, ainsi que par l’instabilité qui a encore retardé l’harmonisation des lois nationales conformément aux dispositions internationales. Les enfants sont menacés par les mariages précoces, le travail infantile, le trafic d’enfants, l’inégalité entre les genres, les châtiments corporels, le changement climatique et les mutilations génitales des filles

Indice des Droits de l’Enfant: 4,98 / 10
Niveau noir : Situation très grave

Population : 1,9 million

Pop. de 0 à 14 ans: 41,9 %

Espérance de vie : 58 ans

Mortalité des moins de 5 ans: 84 ‰

La Guinée-Bissau en bref

La Guinée-Bissau, une ancienne colonie portugaise, est un pays situé sur la côte atlantique de l’Afrique de l’Ouest. C’est un archipel tropical connu sous le nom de Bijagos, constitué de plus de 100 îles, plus de 20 d’entre elles étant inhabitées. Au nord, elle partage une frontière avec le Sénégal et au sud et à l’est, elle partage une frontière avec la Guinée. C’est l’un des pays les plus pauvres et les plus fragiles au monde. Le Produit intérieur brut (PIB) de la Guinée-Bissau est l’un des plus bas du monde (Banque Mondiale, 2020).

Historiquement, la Guinée-Bissau a été confrontée à des coups d’état et à une instabilité institutionnelle qui remontent à son combat pour obtenir l’indépendance face à la domination coloniale portugaise. Durant la première moitié du 20e siècle, la Guinée-Bissau a été victime d’un régime colonial exceptionnellement répressif et abusif. Le pays a finalement obtenu son indépendance et la reconnaissance internationale en tant qu’état en 1973, après une longue lutte armée entre le mouvement indépendantiste et le pouvoir colonial existant (UNICEF, 2021).

Depuis l’obtention de l’indépendance, il y a eu 4 coups d’état et 16 tentatives de coups d’état (Banque Mondiale, 2020). En décembre 2019, la dernière élection présidentielle a été suivie d’une instabilité politique qui a conduit la Cour Suprême de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et l’Union Européenne à la décision de nommer Umaro Sissoco Embalo Président du pays (Banque mondiale, 2020).

Depuis le début des années 2000, le pays connaît des trafics de drogues et d’êtres humains endémiques. En 2006, une aide internationale a été nécessaire pour arrêter le trafic d’êtres humains sur le littoral du pays. En 2011, l’Union Européenne (UE) a abrégé ses missions de réforme des forces de sécurité et son aide à la Guinée-Bissau, déclarant que le pays n’avait aucun respect pour la gouvernance et la primauté de la loi. Le littoral et le port de Guinée-Bissau sont aussi utilisés comme point de passage majeur par les trafiquants de drogues latino-américains (BBC Monitoring, 2020).

Le statut des droits de l’enfant1 [1]

La Guinée-Bissau s’est engagée dans plusieurs traités internationaux de protection des droits de l’enfant. En 1990, le gouvernement a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) et la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant. En 2010, la Guinée-Bissau a ratifié le Protocole Facultatif relatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et en 2014 le Protocole Facultatif concernant l’implication des enfants dans les conflits armés. L’adoption de la CIDE et des Protocoles Facultatifs marque un moment charnière dans la prise de conscience par le gouvernement du besoin d’un système de protection efficace pour les enfants de Guinée-Bissau (Joào & Handem, 2011).

Toutefois, depuis la ratification de la CIDE, l’harmonisation des lois nationales conformément à la Convention reste lente et ce retard de progrès est attribué à l’instabilité politique et militaire, au manque de volonté politique et à l’incapacité de prioriser et d’accélérer l’harmonisation des lois. Les organisations non gouvernementales locales et internationales (ONG) ont demandé l’inclusion des dirigeants religieux et des chefs traditionnels aux premiers stades de ces processus afin de s’assurer que les normes religieuses et culturelles n’encouragent pas des pratiques néfastes (Joào & Handem, 2011).

Les approches inclusives des droits de l’enfant sont nécessaires pour surmonter un niveau d’éducation bas et l’illettrisme à travers le pays. En outre, en l’absence de système judiciaire efficace, il y a un besoin urgent d’approches ascendantes des droits de l’enfant (Joào & Handem, 2011).

La diffusion de la CIDE en Guinée-Bissau a été largement entreprise par différentes organisations des droits de l’enfant dont l’Institut pour les femmes et les enfants. Elle a été largement mise en œuvre au travers de campagnes nationales de prise de conscience menées dans les communautés et les écoles par le biais de médias variés dont: la radio nationale, des brochures, des vidéos, des pièces de théâtre et des conférences.

En dépit de ces efforts, un taux élevé d’illettrisme et la concurrence de motivations traditionnelles, culturelles et religieuses expliquent que les recommandations de la CIDE soient rarement appliquées (Joào & Handem, 2011). D’un point de vue pratique, il y a un autre problème lié à l’approche du gouvernement par laquelle la CIDE est distribuée sans l’accompagnement nécessaire à la sensibilisation et à la formation sur son contenu (Joào & Handem, 2011).

La Guinée-Bissau ne traduit toujours pas la CIDE dans les langues locales les plus largement parlées, obligeant les institutions et les organisations à entreprendre des traductions ad hoc et improvisées le cas échéant et à utiliser la version traduite par le Portugal, quand c’est utile. Les autorités nationales ont aussi échoué dans l’harmonisation de la législation nationale avec la CIDE et d’autres traités internationaux, rendant difficile d’assurer la mise en œuvre des standards internationaux et sapant les initiatives de sensibilisation.

Sans cadre adéquat pour la garantie juridique des droits des enfants, le pays est obligé de s’appuyer sur une législation coloniale archaïque qui diminue l’importance des enfants et des défis auxquels ils sont confrontés. En raison de ces facteurs, la population en général n’accorde pas beaucoup d’importance aux préoccupations qui résultent des droits de l’enfant, les percevant comme peu importants dans leur vie quotidienne (Joào & Handem, 2011).

Nationalement, en 1990, le pays a créé sa première Commission nationale pour les Enfants (CNE) à la suite du Comité interministériel de protection de l’enfant (CIPE) en 1987. Dans cette démarche, le pays a participé au Sommet mondial de haut niveau pour les enfants qui se déroula à New York. L’objectif de ce sommet était de discuter des priorités et des actions pour l’amélioration de la situation globale des droits de l’enfant pour l’an 2000.

Le premier Plan national d’action pour les enfants a été rédigé, adopté et mis en œuvre en 1992 (Joào & Handem, 2011). Depuis la mise en œuvre du Plan d’action national qui devait couvrir une décennie (1992-2002), aucune autre stratégie ou politique nationale n’a été conçue pour les enfants.

Le premier rapport initial de l’état parti du pays sur la mise en œuvre de la CIDE était destiné à être soumis en 1997, mais à cause du conflit politique et militaire jusqu’en 1999, ce processus a été interrompu et soumis plus tard au Comité sur les droits de l’enfant, en 2000. Depuis le début des années 2000, la Guinée-Bissau s’est engagée et a participé à de nombreuses stratégies nationales, régionales et internationales et à des accords pour faire progresser les droits des enfants.

Ceux-ci ont inclus la Campagne nationale d’enregistrement des naissances des enfants en collaboration avec l’UNICEF, l’adoption d’«Un monde digne des enfants» qui abordait quatre priorités, à savoir: promouvoir une vie saine; procurer une éducation de qualité; protéger les enfants de la maltraitance, de l’exploitation et de la violence; et enfin combattre le HIV/ SIDA (Joào & Handem, 2011).

Législativement, il existe diverses dispositions prévues pour les enfants. Cela inclut la Constitution de Guinée-Bissau, le droit des tribunaux de secteur, le code criminel et le statut d’assistance judiciaire aux mineurs. En dépit de l’existence de ces dispositions légales, la mise en vigueur de ces dispositions reste faible et n’est pas à l’unisson avec les traités internationaux que le pays a ratifié et signé. Le système de protection sociale de l’enfance reste inadéquat, plus spécifiquement concernant l’accès au système de protection de l’enfance de même qu’aux services sociaux de base (Joào & Handem, 2011).

En Guinée-Bissau, la justice pour les mineurs reste un problème critique. La législation et la gestion des cas dans le pays sont insuffisamment mises en œuvre, le système de justice pour les mineurs n’est pas en accord avec la Convention internationale sur les droits de l’enfant (CIDE) et d’autres traités internationaux sur les droits humains comme l’Ensemble de règles minima des Nations Unies pour l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing), les Principes  directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile (Principes directeurs de Riyad), et les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de libertés (Règles de La Havane) (UNICEF, 2021).

Répondre aux besoins des enfants de Guinée-Bissau

Le droit à l’éducation

En Guinée-Bissau, l’éducation classique est organisée en trois cycles : le première niveau entre 1-4 ans, appelé EB1, EB2 le niveau entre 5-6 ans, et le troisième cycle EB3 le niveau entre 7-9 ans. Les deux premiers cycles sont considérés comme les étapes obligatoires de l’enseignement primaire et le troisième est considéré comme l’enseignement secondaire où les familles doivent payer des frais de scolarité (UNICEF, 2021).

Un des plus gros obstacles pour que les enfants fréquentent l’école est l’accessibilité physique. Le trajet minimum moyen pour les enfants est de 2,2 kilomètres (km) et cela varie selon les différentes régions et va jusqu’à une distance moyenne de 6 km. A Bissau, la capitale, les enfants marchent jusqu’à 3 km pour aller à l’école, et doivent souvent porter leurs propres tabourets ou chaises (UNICEF, 2021).

Pour beaucoup d’enfants en Guinée-Bissau, l’accès à une éducation de qualité reste un défi ; le pays a le plus bas taux d’achèvement des études primaires en Afrique de l’Ouest. Les principales barrières à l’éducation sont: les obstacles physiques, les taux d’inscription peu élevés, les inégalités de genres et la pauvreté. Hors des zones urbaines, le manque d’accessibilité à  l’école, en particulier pour les étudiants de l’école secondaire, contribue au faible taux d’inscription.

L’accès à l’éducation pour les enfants de Guinée-Bissau reste un défi pour des raisons comme les grèves d’enseignants, le travail des enfants, le mariage précoce, l’insuffisance de fonds pour le matériel d’enseignement, et les installations scolaires inadéquates. Entre 2016 et 2017, 46% des jours d’enseignement académique ont été perdus à cause des grèves d’enseignants (Borgen Project, 2021).

En 2019, la Guinée-Bissau avait un taux d’achèvement à l’école primaire de 27,2%. Les taux d’abandon précoce ou d’entrée tardive à l’école sont les principales causes d’un taux d’ achèvement si bas. Un tiers des enfants du pays âgés de 6 à 11 ans sont considérés comme des «enfants non scolarisés». Cela signifie que ces enfants ne sont jamais allés à l’école ou l’ont abandonné. Il y a de grandes inégalités entre les zones urbaines et rurales ; sur les 27,2%, 10% de ces enfants sont de zones urbaines et 36% sont de zones rurales (UNICEF, 2021).

Les écoles en Guinée-Bissau manquent fréquemment de formation sur l’éducation inclusive et sur l’égalité entre les étudiants. Cela se remarque dans les expériences des enfants handicapés et des filles. Pour les enfants handicapés, les barrières à l’éducation inclusive incluent le manque d’infrastructures appropriées, d’un personnel adéquat et d’enseignants formés. Pour les filles, les écoles manquent souvent d’installations sanitaires adéquates ce qui a un grand impact pour les filles (UNICEF, 2021).

Le droit à la santé

En Guinée-Bissau, l’accès aux soins médicaux, à la nourriture et à l’eau potable reste précaire. La malaria, la tuberculose, le choléra, la malnutrition, les maladies infectieuses et respiratoires, les diarrhées et le HIV/ SIDA continuent d’être répandus à travers le pays, contribuant à un taux de mortalité infantile élevé. Les hôpitaux et les centres médicaux sont dans un état dégradé, la plupart d’entre eux manquent d’équipements adéquats et ont des services de santé associés de mauvaise qualité.

Nationalement, les budgets gouvernementaux et la corruption ont impacté les salaires qui sont en outre à l’origine d’un environnement de travail inadéquat, menant à des médecins, infirmiers et autres praticiens médicaux qui ne sont pas payés (Joào & Handem, 2011). Compte tenu de cela, le secteur de la santé en Guinée-Bissau est fortement dépendant de l’aide internationale, limitant la capacité des infrastructures des établissements de santé et l’équipement hospitalier (Joào & Handem, 2011).

Le taux de mortalité infantile en Guinée-Bissau pour les enfants âgés de moins de 5 ans est de 84 pour 1 000 naissances. Cette statistique inquiétante est emblématique à la fois de la pénurie généralisée d’hôpitaux et d’installations de soins adéquates, et de la persistance d’un haut niveau de malnutrition. En Guinée-Bissau, la sous-nutrition est un défi de santé publique attribué à l’insécurité alimentaire.

A travers le pays, 78 centres de réhabilitation nutritionnelle (CRN) ont été installés mais ils ont eu très peu de succès. Les facteurs limitants incluant l’épuisement dû aux visites qui ont un impact négatif sur la volonté des parents d’amener leurs enfants dans ces centres et les centres qui perdent la trace de leurs patients avant la fin de leur traitement (UNICEF, 2021).

Dans quatre régions de Guinée-Bissau, les CRN ont testé les enfants pour la séropositivité   et leur nombre a augmenté entre 2015 et 2017. On estimait approximativement à 5,3% la population séropositive âgée de 15 à 49 ans, faisant du taux de la Guinée-Bissau le second taux le plus élevé en Afrique de l’Ouest (UNICEF, 2021). Au-delà d’un financement insuffisant, le système de santé du pays a un accès limité à l’équipement et aux médicaments nécessaires, mettant davantage la pression sur son personnel surchargé. Selon une recherche récente de l’UNICEF en 2017, il y avait seulement 1,7 médecin pour 10 000 personnes en Guinée-Bissau, ce chiffre baise encore pour les pédiatres: 3 pour environ 720 000 enfants âgés de moins de 15 ans (UNICEF, 2021).

Le droit à l’eau potable et à l’assainissement

L’accès à une eau propre, saine et potable et à des installations sanitaires reste un défi en Guinée- Bissau et il existe une énorme disparité entre les zones rurales et urbaines. Dans un rapport de l’UNICEF datant de 2014, il s’est avéré que 50% des pompes installées ne fonctionnaient pas ou avaient des déficiences qui ont contribué à rendre des sources d’eau insalubres.

De plus, 13% des bissaliens avaient utilisé des installations sanitaires améliorées, 27% de la population urbaine et 2% de la population rurale avait utilisé des installations sanitaires partagées, tandis que 1,7% de la population urbaine et 30,2% de la population rurale pratiquait la défécation à l’extérieur. De ce fait, les enfants de Guinée-Bissau souffrent d’épidémies et sont en mauvaise santé (UNIOGBIS- HRS/ OHCHR , 2017). L’accès à un approvisionnement en eau potable et à un assainissement amélioré reste faible en Guinée-Bissau, avec très peu d’enfants, 6 sur 10, qui utilisent de l’eau venant de puits de fortune et 3 enfants sur 10 qui ont accès à un assainissement adéquat.

Le droit à une identité

Selon le Code civil de l’enregistrement de 1967, l’enregistrement des naissances est une obligation légale. Légalement, le Code civil autorise l’enregistrement des naissances jusqu’à 30 jours après la venue au monde. En 2011, cette règle a changé pour autoriser les enregistrements gratuitement jusqu’à l’âge de 8 ans. Après l’âge de 8 ans, il y a des frais de pénalité. Il existe de nombreux obstacles à l’enregistrement comme l’accès, la documentation et les coûts.

Des problèmes sont aussi liés au processus d’enregistrement qui impose l’identification des parents de l’enfant. Dans certains cas, comme quand les enfants sont nés avec des malformations, les parents sont réticents à accepter cette responsabilité et donc optent pour ne pas faire enregistrer du tout leur enfant. Depuis 2019, le taux d’enregistrement des naissances des enfants âgés de moins de 5 ans a augmenté jusqu’à 46%. Soit une augmentation drastique des 24% des enfants enregistrés entre 2010 et 2014 (UNICEF, 2021).

Facteurs de risques et défis spécifiques du pays

Le trafic d’enfants

La Guinée-Bissau est un pays lourdement affecté par le trafic d’enfants. La traite touche souvent des enfants talibés qui sont envoyés dans les pays voisins d’Afrique de l’Ouest censés donner une meilleure éducation religieuse. Traditionnellement, les familles et les communautés croient qu’il est important d’envoyer leurs enfants dans des écoles coraniques. Les talibés, enfants bissaliens qui fréquentent les madrassas (écoles coraniques), sont les plus vulnérables et les plus sujets aux trafics, aux maltraitances et à l’exploitation (Redazione, 2020).

La majorité des écoles coraniques servent d’internats et elles sont dominantes dans la région est de la Guinée-Bissau. Ces enfants travaillent et vivent dans des situations précaires dans lesquelles ils sont obligés à mendier ou à effectuer des travaux agricoles. Beaucoup de parents choisissent d’envoyer leurs enfants dans des écoles similaires dans les pays voisins comme la Gambie ou le Sénégal.

A compter de 2018, il y avait approximativement 120 000 enfants talibés vivant au Sénégal. Ces enfants sont sans papiers, ils vivent sans certificat de naissance ou statut officiel ce qui les rend très vulnérables à l’exploitation, à la traite, à la maltraitance et à l’apatridie (UNICEF, 2021). Ces phénomènes et pratiques sont fréquents dans les régions de Gabu et de Bafata et ils sont utilisés comme prétextes pour obliger les enfants à mendier, à travailler ou à l’exploitation sexuelle contre un peu de nourriture, dormant souvent dans la rue et portant des vêtements en lambeaux (Redazione, 2020).

Les garçons de Guinée-Bissau font fréquemment l’objet de traite pour être utilisés comme travailleurs juvéniles dans l’agriculture et le secteur minier au Sénégal, en particulier dans les villes du sud de Kolda et Ziguinchor. Ces garçons doivent participer aux récoltes de noix d’anacardier et aux schémas de mendicité ainsi qu’aux travaux de rue courants comme le cirage de chaussures.

Par contre, les trafiquants exploitent les filles bissaliennes à des fins de travail forcé comme vendeuses de rue ou domestiques. Les filles sont utilisées en Guinée, en Gambie et au Sénégal et même envoyées en Espagne comme travailleuses juvéniles.

Au-delà du travail juvénile, les filles sont largement exploitées dans des schémas de traite sexuelle, orientées de force vers le mannequinat ou le travail sexuel dans des bars, des boites de nuit et des hôtels à l’intérieur et en dehors du pays. En particulier, à la fois les garçons et les filles sont exploités dans le tourisme sexuel infantile des Bijagos, un archipel près du littoral qui manque de capacités d’exécution appropriées (Département d’État américain, 2021). En réponse à ces défis, en février 2019, le gouvernement a amendé le Code de protection de l’enfance dans l’espoir de l’harmoniser avec le droit international, mais n’a pas encore adopté officiellement l’amendement (Département d’État américain, 2021).

Le travail des enfants

Le travail des enfants est profondément enraciné et implanté dans la société bissalienne où les enfants doivent assumer la responsabilité de procurer la sécurité alimentaire à leurs familles. A des âges différents, les enfants sont censés assumer certaines tâches qui sont culturellement considérées comme un apprentissage social. On pense qu’à travers différents rôles, les enfants apprennent sur leur environnement, à s’occuper de leur terre et du bétail et à préserver les ressources naturelles. Partant de là, les enfants continuent les métiers de leurs prédécesseurs en accord avec les règles de la communauté (Joào & Handem, 2011).

En vertu de la Loi générale du travail, les enfants de plus de 14 ans sont autorisés à s’engager dans un travail rémunéré à condition que cela n’interfère pas avec leurs études. Par conséquent, les enfants ne sont pas censés travailler la nuit.

Nonobstant ces dispositions, les enfants à travers le pays sont fréquemment engagés dans un travail pour soutenir les économies du ménage et alléger le fardeau financier de leurs parents. Les filles du peuple Felupe, par exemple, sont généralement employées à des travaux domestiques dès leur plus jeune âge.

De même, les garçons Papels se retrouvent souvent au début de l’adolescence dans des ateliers de tisserands au Sénégal et en Gambie. Les membres de la famille facilitent et encouragent souvent le travail des enfants, trouvant des places pour leurs enfants afin de générer des revenus plus élevés dans la famille (UNICEF, 2021).

Généralement, il y a des différences notables dans les expériences de travail juvénile des filles et des garçons. Les filles sont plus susceptibles de travailler davantage d’heures et de supporter le travail domestique. Les garçons sont plus susceptibles d’être sujets au travail manuel – les garçons talibés,en particulier, sont largement employés dans l’agriculture, les travaux de réparation, la scierie et la menuiserie.

La maltraitance des mineurs

L’usage de la violence physique et des châtiments corporels est répandu dans les écoles en Guinée-Bissau. La violence exercée contre les enfants est fréquente envers les enfants de la communauté animiste nommés les enfants Irà (Iran). On pense que ces enfants sont la réincarnation de mauvais esprits et de sorciers et c’est pour cette raison qu’ils sont ostracisés et diabolisés par la communauté.

Souvent, ces enfants sont des jumeaux, des enfants handicapés, des enfants nés albinos ou des enfants avec des problèmes psychologiques et ils sont soumis à la violence et dans les cas extrêmes à l’infanticide (UNICEF, 2021). Actuellement, il n’y a pas de refuges financés par le gouvernement pour apporter un soutien aux enfants qui sont victimes de violence. L’aide disponible est apportée par les ONG, les groupes communautaires et les organisations religieuses (UNICEF, 2021).

Les inégalités de genre et les discriminations

La Guinée-Bissau est une société profondément patriarcale qui crée des préjugés sexistes pour l’accès aux ressources. Les jeunes femmes et les filles sont directement touchées par la domination des rôles masculins dans la société, qui les rend vulnérables et sujettes à la pauvreté, aux mariages précoces, aux mutilations génitales féminines (MGF) et à l’abandon précoce de l’école (UNICEF, 2021).

Les enfants handicapés restent parmi les plus défavorisés en Guinée-Bissau. Leurs besoins ne sont pas pris en compte dans un cadre familial, éducatif, social et sanitaire. Les familles vivant dans la pauvreté sont incapables de répondre financièrement aux besoins particuliers des enfants handicapés ce qui aggrave encore leur mauvaise santé et leurs mauvaises conditions de vie.

A cause de l’instabilité politique, très peu d’enfants handicapés bénéficient de l’assistance et de la protection sociale. Les infanticides prémédités d’enfants handicapés restent élevés et l’application de la loi reste insuffisante ce qui perpétue encore cette pratique nuisible (Joào & Handem, 2011).

Le mariage des enfants

Le mariage des enfants est fréquent en Guinée-Bissau. Il existe de grandes divergences entre les lois nationales et internationales concernant le mariage des enfants. Il y a d’autant plus de complications que la Guinée-Bissau applique un système juridique mixte incluant les lois coutumières (UNICEF, 2021).

Le Code civil de 2007 de Guinée-Bissau n’autorise pas le mariage des enfants de moins de 16 ans sans le consentement des parents. Nationalement, il n’y a pas de politique qui prévienne ou remédie au mariage des enfants. Depuis 2011, les acteurs de la protection de l’enfance ont tenté de mettre en œuvre des mesures préventives afin de remédier au mariage des enfants et d’augmenter l’âge minimum du consentement à 18 ans.

Légalement, avec le consentement des parents, les jeunes de 16 ou 17 ans peuvent se marier (UNICEF, 2021). Cette loi contredit le protocole de Maputo, qui instaure l’âge minimum du mariage à 18 ans. Nationalement, d’après la loi de 2013 sur les violences domestiques, si un parent force son enfant au mariage il est passible de 4 ans de prison.

Mutilations génitales féminines

A travers les zones rurales de Guinée-Bissau, les pratiques culturelles néfastes qui affectent à la fois les garçons et les filles sont fréquentes. Pour les filles, la pratique des mutilations génitales féminines (MGF) est perçue par les chefs traditionnels et religieux comme une pratique normale qui préserve les femmes et les rend aptes pour le mariage. A ce jour, plus de 400 000 femmes et filles ont subi une MGF. 52% des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans ont fait l’expérience d’une MGF, principalement dans la région de Gabu (où 96% des femmes ont fait l’expérience) et dans la région de Biombo (8%) (UNICEF, 2021). Depuis 2011, l’établissement de la loi fédérale N° 14/ 2011 écarte toute forme de MGF (28 Too Many, 2021).

Les défis environnementaux

Selon une récente analyse complète de l’impact du changement climatique et des droits des enfants menée par l’UNICEF, dans l’Indice des Risques Climatiques pour les Enfants (IRCE), la Guinée-Bissau est classée parmi les quatre pays africains dans lesquels le changement climatique mets les enfants en danger. La Guinée-Bissau a un classement de 6,4 pour les facteurs climatiques et environnementaux et de 9,5 pour la vulnérabilité des enfants. L’IRCE est catégorisé selon deux piliers, premièrement l’exposition des enfants aux causes du changement climatique et environnemental et secondement, la vulnérabilité des enfants (UNICEF, 2021).

En raison de sa localisation géographique le long du littoral, les inondations, la sécheresse et les fortes précipitations sont un danger permanent. Durant les fortes précipitations, le niveau de la mer monte ce qui impacte et affecte 70% des régions littorales de Guinée-Bissau. En raison de la sécheresse, il y a une augmentation des méningites et des autres épidémies et infections et l’augmentation des inondations accroît le risque de maladies d’origine hydrique (Banque mondiale, 2021).

Ecrit par Vanessa Cezarita Cordeiro

Traduit par Clarisse Dehaeck

Relu par Denis Gingras

Dernière mise à jour le 9 septembre 2021

Références :

28 Too Many. (2021). ¨Guinea-Bissau FGM prevalence.¨

BBC Monitoring. (2020, March 2). “Guinea-Bissau country profile.”

Borgen Project. (2021, January 4). “Challenges in education in Guinea-Bissau.”

Committee on the Rights of the Child. (2013, July 8). “Concluding observations on the combined second to fourth periodic reports of Guinea-Bissau, adopted by the Committee at its sixty-third session.” CRC/C/GNB/CO/2-4.

Human Rights Watch. (2010, July 20). ¨Guinea-Bissau: pass anti-trafficking law.”

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João, S. Handem, Jr. (2011, January). “Alternative report on the implementation of the United Nations Child Rights Convention in Guinea-Bissau.”

Mendes, L. (2020, August 27). ¨Child marriage kills dreams in Guinea-Bissau.¨

Peyton, N. (2019, March 6). “Tradition or trafficking? Guinea-Bissau children suffer in Senegal’s Islamic schools.”

Rafaeli, T., & Hutchinson, G. (2020, June 8). ¨The secondary impacts of COVID-19 on women and girls in Sub-Saharan Africa.¨

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UNICEF. (2021, August). ¨The climate crisis is a child rights crisis.¨

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UNICEF. (2021, March). “Situation analysis of children’s rights and well-being in Guinea-Bissau 2019.”

UNICEF. (2021). ¨Understanding the relationship between child marriage and female genital mutilation: a statistical overview of their co-occurence and risk factors.¨

UNIOGBIS-HRS-OHCHR. (2017, April). “Report on the Right to Health in Guinea-Bissau.”

US Department of State. (2021). “2021 trafficking in persons report: Guinea-Bissau.” Office to monitor and combat trafficking in persons.

 World Bank. (2020, July 15). “The World Bank in Guinea-Bissau.”

World Bank. (2021). ¨Guinea-Bissau.¨ Climate change knowledge portal.


[1] Cet article ne prétend nullement donner un compte rendu complet ou représentatif des droits de l’enfant en Guinée-Bissau; en effet, l’un des nombreux défis est le peu d’informations à jour sur les enfants de Guinée-Bissau, dont la plupart sont peu fiables, non représentatives, dépassées, ou simplement inexistantes.