Le droit des enfants à l’Orientation Sexuelle, l’Identité et l’Expression du Genre (OSIGEG)

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Quand on interroge les individus sur leur orientation sexuelle et identité de genre (OSIGEG), leur réponse commence souvent par : « J’ai toujours su que j’étais différent (…)». Cela suggère que la société nous indique qu’il y a une orientation sexuelle et une identité de genre « normale ». Les enfants vivent, pour la plupart dans un environnement qui définit et catégorise leur OSIGEG. 

Les enfants dont les sentiments et les ressentis ne rentrent pas dans ces catégories se sentent exclus des standards imposés par le système éducatif, leur famille ou par les politiques de santé ; une situation qui pèse sur leur bien-être, leur développement et leur santé. La loi doit subvenir aux besoins de tous les enfants, quelles que soient leur orientation sexuelle et leur identité de genre. Le droit à l’identité défini dans l’article 8 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) peut et doit promouvoir leur droit à l’OSIGEG et protéger au mieux leur identité.

Contraintes sociales relatives à la OSIGEG

L’attribution du sexe est l’une des premières mesures prises à l’égard de l’enfant. L’enregistrement du sexe est obligatoire, et dans la plupart des pays, il n’existe que deux options : masculin ou féminin (Brink & Tigchelaar, 2014).

L’assignation de genre, généralement effectuée lorsque les enfants sont encore au stade de nourrisson, se fait sans consultation. Dans la plupart des environnements et des sociétés où les enfants grandissent, l’assignation d’un sexe particulier s’accompagne de certaines attentes concernant les comportements et les actions des enfants (Dunne, 2018).

Par exemple, on s’attend à ce qu’ils portent certains vêtements ou qu’ils s’adaptent aux rôles culturels propres à la « fille » ou au « garçon ». On se demande rarement si les enfants se sentent à l’aise dans ces rôles et ces comportements. Par ailleurs, comme ils doivent s’identifier au genre qui leur a été assigné en fonction de leur sexe, ils ne peuvent que très rarement se développer sans être influencer par ces images sociales (Dunne, 2018).

Discrimination, stigmatisation et violence à l’encontre des enfants LGBTIQ+

Les enfants qui ne s’identifient pas au sexe qui leur a été assigné, dont l’orientation sexuelle n’est pas hétérosexuelle, ou dont l’expression de genre n’est pas conforme aux stéréotypes de genre de la société (comme « les garçons ne devraient pas porter de robes ») sont fréquemment victimes de stigmatisation, de violence et de discrimination (UNESCO, 2016).Ces situations sont vécues au quotidien dans les milieux scolaires, l’environnement familial et les politiques de santé (Committee, 2016).

Selon plusieurs études, les enfants lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexes, queers, non-conformes au genre ou qui se remettent en question (LGBTIQ+) sont plus susceptibles d’être exposés à la violence dans les établissements scolaires que leurs pairs non-LGBTIQ+. (UNESCO, 2016)De même, dans leur environnement familial, les enfants dont l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre diffèrent de la majorité subissent des violences ou sont même rejetés par leur famille (Horn, Peter, & Russell, 2017). Les abus, la discrimination et le rejet des enfants LGBTIQ+ peuvent non seulement être la cause de problèmes de santé à long terme, mais aussi d’exclusion sociale, de  pauvretéet peut même aboutir au sans-abrisme (The CRC Committee et al., 2015).

Absence de protection de la SOGIE des enfants dans la CIDE

Dans ce contexte, la question qui se pose est de savoir dans quelle mesure la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), le traité des droits de l’homme le plus ratifié, répond aux besoins des enfants en matière d’OSIGEG. Si l’on regarde les dispositions de la CIDE, il n’y a pas de droit explicite qui protège l’OSIGEG des enfants. Cette absence de protection concernant la sexualité et le genre permet aux pays d’empêcher les enfants de vivre leur OSIGEG en toute liberté.

Plusieurs articles de la Convention, tels que ceux concernant la liberté d’expression et d’accès à l’information, ainsi que ceux visant la liberté de pensée, de conscience et de religion, codifient la possibilité de restreindre les droits des enfants en invoquant, entre autres, la morale (Horn, Peter, & Russell, 2017). Souvent, les États interprètent des concepts comme la« morale » de manière à ce que seules des identités de genre et des orientations sexuelles spécifiques, par exemple l’orientation hétérosexuelle, soient considérées comme « normales ». Ainsi, le langage ambigu de la CIDE permet aux pays de justifier leurs lois et leurs politiques discriminatoires à l’encontre des enfants LGBTIQ+ (Horn, Peter, & Russell, 2017). Il est donc urgent de remédier au manque de protection des enfants.

Aller de l’avant – garantir le droit à l’identité

Quel droit pourrait mieux protéger l’identité des enfants en termes d’orientation sexuelle, d’identité de genre et d’expression que le droit à l’identité  inscrit à l’article 8 de la Convention relative aux droits de l’enfant ?

Cet article stipule que « les Etats parties s’engagent à respecter le droit de l’enfant de préserver son identité, y compris sa nationalité, son nom et ses relations familiales. »Le terme« y compris »permet de protéger également d’autres éléments de l’article 8. (Tobin, 2019) Le Comité des droits de l’enfant semble comprendre de plus en plus l’identité comme un concept dynamique qui consiste également à reconnaître l’individualité des enfants et qui les distingue de leurs pairs.

En conséquence, la sexualité, l’identité et l’expression de genre, qui sont partie intégrante de l’identité des enfants, doivent être protégées par le droit à l’identité (Sandberg, 2015). Les enfants doivent se voir accorder le droit de se développer de manière indépendante en ce qui concerne leur orientation, leur identité et leur expression sexuelles, éléments nécessaires pour leur bien-être physique et mental et pour leur identité.

Les devoirs des États en matière de soutien au développement de l’identité des enfants 

Les pays doivent commencer à respecter une notion d’identité qui englobe un droit à l’OSIGEG. Un tel droit leur interdit d’interpréter des termes tels que « moralité » d’une manière discriminatoire à l’égard de certaines sexualités et identités de genre. Par conséquent, les États doivent abolir les lois qui ne répondent qu’aux besoins de certaines OSIGEG.

Ils doivent prendre des mesures jugées raisonnables, comme par exemple, adopter des lois, pour que les enfants puissent découvrir, développer, exprimer et jouir de leur identité. (Tobin, 2019)Ainsi, les États se doivent d’adapter leurs systèmes scolaires pour y accueillir tous les enfants quelles que soient leur orientation sexuelle, identité et expression de genre.

De plus, vues les contraintes sociales qui accompagnent l’assignation d’un sexe à la naissance, les pays devraient modifier les lois établissant que le sexe doit être déterminé à la naissance. Décider de son genre devrait revenir aux personnes elles-mêmes puisque leur identité est en jeu. Si le système juridique reconnaissait toutes les formes d’OSIGEG, cela aurait un impact sur la société et réduirait la forte pression sociale sur les enfants LGBTIQ+et allégerait les restrictions qui leurs sont imposées.

Chez Humanium, nous soutenons les enfants LGBTIQ+ et les enfants de toute OSIGEG pour qu’ils développent leur identité en toute liberté. Humanium travaille à la création d’un monde qui respecte tous les droits des enfants et reconnait leur caractère unique. Vous pouvez aider nos campagnes de sensibilisation aux droits de l’enfant et nous soutenir en parrainant un enfant, en faisant un don ou en devenant bénévole !

Écrit par Louisa Steffen

Traduit par Élisa Lorcy

Relu par Jean-Christophe Brunet

Références :

Brink, M. v., &Tigchelaar, J. (2014). English Summary; M/F and beyond Gender Registration by the State and the Legal Position of Transgender Persons. Utrecht Centre for European Research into Family Law, accessed on 11 February 2022.

Convention on the Rights of the Child (adopted 20 November 1989, entered into force 2 September 1990). 1577 UNTC 3,accessed on 11 February 2022.

Committee, C. (2016). General Comment No. 20: The Implementation of the Rights of the Child during Adolescence. UN Doc CRC/C/GC/20, accessed on 11 February 2022.

The CRC Committee et al., D. a. (2015, May 17 ). Discriminated and made vulnerable: Young LGBT and intersex people need recognition and protection of their rights International Day against Homophobia, Biphobia and Transphobia. Retrieved from United Nation, accessed on 11 February 2022.

Dunne, P. (2018). Towards Trans and Intersex Equality: Conflict or Complementarity? In J. M. Scherpe, A. Dutta, & T. Helms, The Legal Status of Intersex Persons (pp. 217-240). Intersentia, accessed on 9 February 2022.

Horn, S. S., Peter, C., & Russell, S. T. (2017). The Right to Be Who You Are. In M. D. Ruck, & M. Peterson-Badali, Handbook of Children’s Rights: Global and Multidisciplinary Perspectives (pp. 221-238), accessed on 9 February 2022.

Marques, A. C. (2020). Telling Stories; Telling Transgender Coming out Stories from the UK and Portugal. Gender, Place & Culture, 27, 1287-1307, accessed on 11 February 2022.

Sandberg, K. (2015). The Rights of LGBTI Children under the Convention on the Rights of the Child. Nordic Journal of Human Rights, 33(4), 337-352, accessed on 11 February 2022.

Tobin, J. (2019). The UN Convention on the Rights of the Child: A Commentary. Oxford University Press, accessed on 3 February 2022.

UNESCO. (2016). Out in the Open: Education Sector Responses to Violence Based on Sexual Orientation and Gender Identity/Expression. Paris: UN Doc, accessed on 11 February 2022.