Concrétiser les droits de l’enfant au Soudan du Sud
Le Soudan du Sud a été le théâtre de deux guerres civiles. A la suite de ces conflits, de graves violations des droits des enfants ont été répertoriées, comme le manque d’accès à l’alimentation et aux soins médicaux, l’enrôlement d’enfants au sein de groupes armés, des enfants tués ou blessés, des enfants contraints d’abandonner l’école et des conditions de pauvreté extrême. Le pays le plus jeune au monde doit appliquer pleinement la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE), afin de réaliser son potentiel et d’offrir une vie meilleure à ses enfants.
Indice des Droits de l’Enfant: 4,86 / 10
Niveau noir : Situation très grave
Population : 10,9 millions
Pop. de 0 à 14 ans : 41,57 %
Espérance de vie : 58,6 ans
Mortalité des moins de 5 ans : 98,6 ‰
Soudan du Sud en un coup d’oeil
Le Soudan du Sud est le plus jeune pays au monde puisque ce n’est que le 9 juillet 2011 qu’il a fait sécession de la République du Soudan. Le Soudan du Sud est un pays enclavé d’Afrique centrale et orientale. Il est bordé au nord par le Soudan, à l’est par l’Ethiopie, à l’ouest par la République centrafricaine, au sud-ouest par la République démocratique du Congo (RDC), au sud par l’Ouganda et au sud-est par le Kenya.
Avant 2011, le Soudan du Sud faisait partie du Soudan, qui a été le théâtre de deux guerres civiles, la première ayant duré de longues années, de 1955 à 1972. Les accords signés en 1972 à Addis-Abeba n’ont mis fin au conflit que de manière temporaire, puisqu’une nouvelle guerre civile généralisée a repris une décennie plus tard, de 1983 à 2005 (Robert O. Collins, 2019).
L’accord de paix de Nairobi le Comprehensive Peace Agreement (CPA) de 2005 qui a mis fin à la plus longue guerre civile en Afrique, a non seulement défini de nouvelles mesures de partage du pouvoir et exempté le Sud de la charia islamique, mais également accordé au Soudan du Sud un statut d’État semi-autonome et stipulé qu’un référendum sur l’Indépendance de cette région aurait lieu dans les six années à venir (RobertO. Collins, 2019). Le Soudan du Sud a finalement proclamé son indépendance du Soudan en 2011, après plus de vingt années de conflit, qui ont fait au moins 1,5 million de morts et déplacé plus de quatre millions de personnes (BBC News, 2018).
Fin juillet 2013, les tensions ont atteint un sommet lorsque le président Salva Kiir a limogé l’ensemble de son cabinet, y compris le vice-président Riek Machar. En décembre de la même année, des combats ont éclaté, déclenchant la guerre civile du Soudan du Sud. Plus de 2,2 millions de personnes ont été déplacées par les combats et une grave famine a mis en danger des milliers de vies (BBC News, 2018). De nombreux cessez-le-feu ont été négociés par la communauté internationale.
En 2015, un accord de paix a été conclu, qui a réinstallé Machar en tant que vice-président, mais des combats ont de nouveau éclaté. En 2018, un nouvel accord de paix a été conclu dans le but de mettre en place un gouvernement d’union nationale, reporté à deux reprises (The Independent, 2020). En février 2020, Kiir et Machar se sont mis d’accord sur un accord de paix et ont formé un gouvernement d’unité nationale comprenant des dirigeants du gouvernement et de l’opposition (Human Rights Watch, 2018).
Au Soudan du Sud, le groupe ethnique le plus important est celui des Dinka, qui représentent environ deux cinquièmes de la population, suivi par les Neur, qui dn représentent environ un cinquième. Les autres groupes sont les Zande, les Bari, les Shilluk et les Anywa. On compte également une population arabe peu nombreuse. L’anglais est désormais la langue de travail officielle et la langue d’enseignement pour tous les niveaux d’éducation, en vertu de la Constitution de transition du Soudan du Sud de 2011 et plus de 60 langues indigènes sont toujours parlées (Robert O. Collins, 2019). Bien que le Soudan du Sud soit confronté à de nombreux problèmes pour réaliser son potentiel, des changements importants sont nécessaires pour concrétiser les droits des enfants dans le pays.
Statut des droits de l’enfant [1]
Le Soudan du Sud a ratifié la CDE en 2015, devenant ainsi le 195e État à ratifier cette convention. Le pays a également ratifié d’autres traités internationaux importants visant à protéger les enfants contre la maltraitance et la négligence, tel que le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et sur l’implication d’enfants dans les conflits armés (base de données des organes de traités des Nations unies, 2020).
Cependant, le Soudan du Sud doit encore ratifier la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (ACRWC) (ACERWC, 2020). L’Assemblée législative du Soudan du Sud a adopté l’ACRWC, mais certaines formalités sont encore en suspens pour une ratification complète (The Child’s Rights Civil Society Coalition, 2016). Les dispositions de la CDE ont été intégrées dans le droit national par la loi sur l’enfance du Soudan du Sud de 2008 et la Constitution de transition de la République du Soudan du Sud de 2011 (The Child’s Rights Civil Society Coalition, 2016).
La loi sur l’enfance de 2008 fournit un cadre juridique complet pour la réalisation des droits de l’enfant conformément au droit international. Elle définit également les droits et les devoirs de toutes les parties responsables de la prise en charge des enfants (The Child’s Rights Civil Society Coalition, 2016). En outre, le gouvernement a élaboré un nouveau projet de loi sur le travail et l’emploi, qui fixe l’âge minimum d’admission à l’emploi, traite des pires formes de travail des enfants et des réglementations en vertu desquelles les enfants de plus de 14 ans ne peuvent être exposés à de telles conditions de travail sans considération pour leur santé et leur sécurité. En outre, elle a élaboré une politique pour protéger les enfants livrés à eux-mêmes (The Child’s Rights Civil Society Coalition, 2016).
Malgré ces progrès qui visent à mettre en place un cadre législatif et politique solide à même de protéger les enfants, les actes de violence, la maltraitance, l’exploitation et la négligence sont toujours une réalité quotidienne pour la plupart des enfants sud-soudanais (The Child’s Rights Civil Society Coalition, 2016).
Répondre aux besoins des enfants
Le droit à l’éducation
En vertu de l’article 14 de la loi sur l’enfance de 2008, tout enfant a droit à une éducation gratuite au niveau primaire, qui est obligatoire (ministère des affaires juridiques et du développement constitutionnel, 2009). Cependant, plus de deux millions d’enfants, soit plus de 70 % des enfants sud-soudanais ne vont pas à l’école, ce qui met en péril leur avenir et celui du pays (UNICEF Soudan du Sud, 2020). Certains de ces enfants vivent dans des communautés pastorales, s’occupent de leur bétail et ne peuvent pas suivre des cours réguliers. Le groupe le plus important d’enfants non scolarisés est en fait constitué de filles. Les facteurs qui expliquent cette situation sont les niveaux élevés de pauvreté, les mariages d’enfants et les pratiques culturelles et religieuses qui entravent l’éducation des filles.
Le manque d’infrastructures, les ressources humaines limitées et l’insuffisance du matériel d’enseignement et d’apprentissage, associés aux perturbations massives causées par le conflit, font que seule une minorité d’enfants sud-soudanais ont accès à l’école primaire (UNICEF, 2020). Le nombre d’enfants scolarisés dans le primaire diminue chaque année depuis 2010 et cette situation a été exacerbée par le conflit de 2013-2015. En 2015, seuls 34,7 % des enfants en âge d’aller à l’école primaire y étaient inscrits, une baisse par rapport aux 41,5 % de 2013.
Avant 2013, les principaux facteurs limitant la fréquentation scolaire étaient les coûts et la distance. Les coûts comprennent les frais formels, tels que le matériel scolaire et les uniformes, ainsi que des frais informels exigés parfois par les écoles, qui touchent particulièrement les familles les plus pauvres. En outre, les routes et les pistes menant à l’école sont souvent impraticables pendant la saison des pluies (UNICEF, 2020).
Depuis peu, les filles sont plus nombreuses à aller à l’école, mais elles continuent de se heurter à des difficultés supplémentaires pour assurer leur éducation. Pour les familles dont les moyens financiers sont limités, inscrire un garçon à l’école peut constituer un investissement, ce qui n’est pas le cas pour une fille. Il arrive aussi que des filles plus âgées quittent l’école pour se marier. Certaines familles hésitent parfois à ce que leurs filles parcourent de longues distances à pied pour se rendre à l’école ou n’envoient pas leurs filles à l’école par crainte qu’elles ne tombent enceintes, car la grossesse et la maternité réduisent la dot versée par la famille du mari (UNICEF, 2020).
En outre, on estime que seuls 4 % des plus de 800 000 enfants touchés par le handicap au Soudan du Sud vont à l’école. Il n’y a pas assez d’enseignants formés pour répondre aux besoins de ces enfants, les équipements spécialisés font défaut et peu de bâtiments scolaires leur sont accessibles (UNICEF, 2020). La stigmatisation liée au handicap peut accroître la vulnérabilité et le dénuement en réduisant le désir des parents d’envoyer leurs enfants à l’école.
La reprise de la guerre civile en 2013 n’a fait que limiter encore l’accès des enfants à l’éducation (UNICEF,2020). Depuis cette nouvelle crise, au moins 866 000 enfants en âge d’être scolarisés ont été déplacés et se sont retrouvés dans des zones sans accès à des espaces d’enseignement sécurisés ou dans des communautés d’accueil où les ressources en matière d’éducation sont inexistantes ou déjà saturées (UNICEF, 2020). On estime que 413 000 enfants ont dû quitter l’école à cause du conflit. Dans les États directement touchés par les combats, certaines écoles ont été détruites, tandis que d’autres ont été réquisitionnées par des forces ou groupes armés ou transformées en lieu de refuge pour les déplacées internes.
Toutefois, l’initiative « Retour à l’apprentissage », menée en partenariat avec 29 organisations internationales et nationales de la société civile, a eu comme résultat de ramener et de maintenir à l’école 559 450 enfants (objectif : 500 000), (UNICEF, 2018). Pour soutenir cette initiative, 460 espaces d’apprentissage temporaires ont été créés et 38 salles de classe ont été réhabilitées par les partenaires sur le terrain (UNICEF, 2018). Des difficultés persistent dans les comtés inaccessibles du Nil Supérieur et dans les régions touchées par le conflit du sud de l’Unité et de l’Équatoria Occidental, où les écoles sont soit fermées soit fonctionnent de manière irrégulière.
En 2019, 6 368 enseignants (dont 1 234 femmes) ont été formés à l’éducation en situation d’urgence, à la pédagogie de base et aux méthodologies centrées sur l’apprenant (UNICEF, 2019). Au total, 1 724 personnes (dont 245 femmes) ont été formées aux compétences de la vie courante et 4 270 membres de l’association parents-enseignants des écoles (dont 1 281 femmes), soutenues par l’UNICEF, ont été formés à leurs rôles et responsabilités pour améliorer la capacité de gestion des écoles.
Droit à la santé
Les services de santé au Soudan du Sud restent extrêmement limités et, dans le meilleur des cas, ces services ne sont que partiellement opérationnels, ce qui a souvent un impact négatif sur les femmes et les enfants qui n’ont pas accès aux soins de santé (UNICEF Soudan du Sud, 2019). Le pays a l’un des taux de mortalité infantile les plus élevés au monde (789 décès pour 100 000 naissances d’enfants vivants).
En outre, environ 75 % de tous les décès d’enfants au Soudan du Sud sont dus à des maladies évitables, telles que la diarrhée, le paludisme et la pneumonie (UNICEF, 2020). Le virus de la rougeole circule de manière active à Ikotos, Budi, Aweil South et Maban (UNICEF Sud Soudan, 2019), c’est pourquoi des campagnes de vaccination réactives sont mises en œuvre dans ces comtés pour contrôler la propagation de l’épidémie.
Les pratiques sanitaires au sein des familles et les comportements visant à promouvoir la santé laissent à désirer, comme en témoignent les consultations médicales tardives, un taux élevé de naissances à la maison et de mauvaises pratiques en matière d’hygiène (UNICEF, Soudan du Sud 2019). Des activités de mobilisation sociale aux messages cohérents et complets sont développées actuellement, afin de répondre à la demande de services de santé et de pratiques de soins appropriés de la part des communautés locales. En dépit de l’engagement pris lors de la Déclaration d’Abuja sur la Santé, le gouvernement continue à attribuer bien moins de 15% de son budget à la santé (The Child Rights Civil Society Coalition, 2016).
Le secteur de la santé fonctionne avec une couverture de seulement 10% de ses besoins en personnel, alors que ce sont des organisations non-gouvernementales (ONG) qui fournissent 80% des services de santé dans le pays, contre 20% fournis par l’État (UNICEF, Soudan du Sud, 2019). Une des principales difficultés à résoudre dans l’immédiat est un réseau routier peu développé, qui nécessite l’utilisation de vols charters coûteux pour transporter le matériel médical dans certaines zones. Avec la saison sèche les routes redeviennent praticables, mais durant cette période il y a une recrudescence des actes d’embuscades et de pillage de matériel. Durant la saison des pluies, environ 60% du réseau routier, déjà limité, est impraticable (UNICEF, Sud du Soudan, 2019).
Malgré tous ces défis, le Soudan du Sud a fait des progrès dans la résolution de ces problèmes. En 2018, 2 678 863 personnes (dont 1 161 446 enfants de moins de cinq ans) ont reçu des traitements vitaux, principalement contre le paludisme, la pneumonie et la diarrhée (UNICEF, 2018). Les cas ont été gérés dans le cadre de programmes communautaires et par l’UNICEF. Les partenaires ont amélioré la gestion des cas en formant les agents de santé de première ligne aux maladies infantiles et perfectionné le système de gestion des cas au niveau communautaire. Cela a permis à 920 870 enfants d’avoir accès à un traitement contre le paludisme, la pneumonie et la diarrhée (UNICEF, 2018).
Le paludisme continue de représenter 45 % des décès, toutes tranches d’âge confondues. C’est pourquoi l’UNICEF a déjà fourni deux moustiquaires par famille à 187 423 foyers (75% de son objectif). Des pulvérisations intérieures à effet rémanent ont été effectuées dans deux des plus grands processus de protection des sites civils du pays, à Bentiu et Malakal, avec 25 431 habitations traitées au spray et 145 576 personnes protégées. Cela a finalement permis de réduire l’incidence du paludisme de 55 % (UNICEF, 2018).
Droit à l’eau et à l’assainissement
Au Soudan du Sud, 50 % de la population n’a pas accès à l’eau potable, ce qui peut contraindre des familles à boire de l’eau sale et les expose à des maladies hydriques, telles que le choléra et la diarrhée, principales causes de décès chez les enfants du Soudan du Sud (UNICEF Soudan du Sud, 2020). La situation est encore aggravée par de mauvaises pratiques d’hygiène, dans un environnement souffrant de longue date de la pauvreté et du manque d’infrastructures (Bureau de l’UNICEF au Soudan du Sud, 2019), ce qui entraîne inévitablement des épidémies de maladies touchant les enfants et les personnes vulnérables.
En raison du déclenchement de la guerre civile au Soudan du Sud en 2013, la majorité des projets de développement durable WASH, conçus pour être mis en œuvre dans les zones rurales et urbaines, ont été suspendus (Bureau de l’UNICEF au Soudan du Sud, 2019). Ce conflit prolongé a contribué à réduire le taux d’accès aux installations de base, y compris à l’eau potable. Ceci n’a fait qu’accroître la vulnérabilité des enfants aux maladies d’origine hydrique, principalement la diarrhée. En outre, les pluies exceptionnellement fortes de juillet 2019 dans 32 comtés du Soudan du Sud ont touché quelque 908 000 personnes, dont 490 000 enfants (Bureau de l’UNICEF au Soudan du Sud, 2019).
Depuis janvier 2020, le programme WASH a permis à 165 913 personnes d’avoir accès à l’eau potable, grâce au transport d’eau par camion, à la construction de nouvelles installations et à la réhabilitation d’installations hydriques non fonctionnelles (UNICEF, 2020). Au total, 4 728 personnes ont eu accès à des installations sanitaires de base, grâce à la construction et à la réhabilitation de latrines communales et de latrines domestiques d’urgence. Dans les communautés relativement stables des États du Bahr el Ghazal du Nord et de l’Equatoria de l’Est, des programmes d’assainissement total pilotés par la communauté (CLTS) sont mis en œuvre dans le cadre d’une approche visant à améliorer l’assainissement (UNICEF, 2020).
Droit à l’identité
Aucune législation ne prescrivait d’enregistrer les naissances ou de délivrer des certificats de naissance lorsque le Soudan du Sud a obtenu son indépendance en 2011. Du fait de la guerre civile de 2013, la grande majorité des naissances (environ 65 %) ne sont toujours pas enregistrées (Crittle, 2018). Afin de résoudre ce problème, le ministère de la santé, avec l’aide de l’UNICEF, a lancé un programme pilote d’enregistrement des naissances. Plus de 100 000 nouveau-nés ont été enregistrés dans deux des 32 États du Soudan du Sud (Crittle, 2018).
Les enfants de moins de cinq ans ont été enregistrés dans une base de données informatique et ont reçu les documents de notification. Les enfants de plus de cinq ans qui n’avaient pas encore été enregistrés ont reçu de nouveaux documents. Auparavant, ils étaient enregistrés dans un système sur papier (Crittle, 2018). La mise en place d’un registre des naissances permettra de réduire le nombre d’enfants apatrides dans le pays et de garantir que les enfants du Soudan du Sud ont accès aux services de base tels que les soins de santé et l’éducation.
Facteurs de risque → Défis spécifiques du pays
Les enfants des rues et la pauvreté des enfants
Les enfants des rues sont très vulnérables à l’exploitation et à la violence. Le fait de vivre dans la rue place les enfants dans une position difficile, car ils ne peuvent pas accéder aux services vitaux et risquent de se retrouver face à la justice. En 2013, on estimait que 3 000 enfants vivaient et travaillaient dans les rues de Juba, soit sans protection parentale, soit avec des personnes qui ne pouvaient pas les soutenir financièrement ou subvenir à leurs besoins fondamentaux (UNICEF, 2020).
Un facteur contribuant au problème est la guerre civile, puisque celle-ci a rendu orphelins un nombre important d’enfants et a appauvri les familles qui ont survécu au conflit (Kibret, 2015). S’il est difficile de savoir avec précision combien d’enfants vivent dans les rues, il a été montré que beaucoup d’enfants se tournent vers la rue principalement afin de trouver un emploi, mais aussi parce qu’ils ont perdu leurs parents ou parce qu’ils sont victimes de maltraitance ou de règles trop strictes à la maison (Gore, et al., 2015).
De 2009 à 2016, le taux de pauvreté est passé de 51 % à 82 %, ce qui signifie qu’en 2016 la grande majorité de la population vivait sous le seuil international de pauvreté de 1,90 $ (Finn, 2019). La pauvreté au Soudan du Sud concerne principalement les zones rurales du pays et est caractérisée par un manque général d’accès aux services, aux infrastructures et aux opportunités économiques (Finn, 2019). Le fait que des décennies de conflit ont eu un impact dévastateur sur le système éducatif national contribue à ce manque d’opportunités économiques.
En conséquence, le pays a l’un des taux d’alphabétisation les plus faibles d’Afrique, puisque seule quatre personnes sur dix savent lire. Les infrastructures font également cruellement défaut et seule une personne sur huit environ a accès à des services d’eau et d’assainissement adéquats (Finn, 2019).
Enfants déplacés
Au même titre que la Syrie, l’Afghanistan et le Venezuela, le Soudan du Sud est l’un des pays d’où l’on fuit le plus (Mercy Corps, 2019). Le conflit qui ravage le pays depuis décembre 2013 a fait des milliers de morts et chassé près de quatre millions de personnes de leur foyer (UNHCR, 2020). En conséquence, plus de deux millions d’enfants ont fui leur foyer. Les enfants représentent 62% des plus de 1,8 million de réfugiés sud-soudanais qui sont arrivés principalement en Ouganda, au Kenya, en Ethiopie et au Soudan (Aljazeera, 2017). Dans le même temps, plus d’un million d’enfants ont été déplacés à l’intérieur du pays (Aljazeera, 2017).
Un faible pourcentage de personnes seraient retournés dans leurs villages lorsqu’il y règne une relative stabilité, mais la plupart restent dans leurs lieux de refuge (Mercy Corps, 2019). La majorité des familles déplacées vivent en dehors des camps, là où elles peuvent trouver un abri, souvent dans de petits villages qui offrent une certaine sécurité, à l’écart des principales zones de combat. Pour ceux qui fuient la violence, il n’y a pas d’autre choix que de s’enfuir dans la nature, loin de leur habitat naturel (Mercy Corps, 2019).
Si les camps de réfugiés offrent un refuge à ceux qui fuient, ils ne sont pas conçus pour être une solution à long terme. Souvent, les camps sont surpeuplés et les installations sanitaires, les pratiques d’hygiène et l’élimination des déchets y sont inadéquates. Ces conditions sont encore aggravées par les fortes pluies qui inondent les camps (Mercy Corps, 2019). Par conséquent, les enfants sont privés de leurs droits fondamentaux et sont facilement exposés aux maladies et au recrutement par des groupes armés.
Exploitation des enfants
Des milliers d’enfants sont utilisés par les forces armées et les groupes armés pour le combat. En outre, 50 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans, la violence sexiste est très répandue et des milliers d’enfants sont séparés de leurs parents, ce qui les rend vulnérables à la violence, à la maltraitance et à l’exploitation (UNICEF, 2020). L’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales est un problème au Soudan du Sud, mais son ampleur est difficile à déterminer (UNICEF, 2020). Il semble que de nombreux travailleurs du sexe soient âgés de 13 à 16 ans et qu’ils aient survécu à des actes de maltraitance ou des trafics internes, ou bien qu’ils viennent d’Ouganda, du Kenya, d’Ethiopie ou de RDC (UNICEF, 2020).
Au Soudan du Sud, des enfants sont victimes des pires formes de travail des enfants, y compris dans les conflits armés et dans l’élevage du bétail (Ministère américain du travail, 2020). Toutefois, l’inspection du travail ne dispose pas de ressources suffisantes pour mener des inspections et ne tient pas pour responsables les auteurs de ces actes. En outre, le gouvernement n’a pas encore ratifié le Protocole de Palerme des Nations unies sur la traite des personnes (2000) (Bureau du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, 2000) et la police continue d’arrêter et d’emprisonner sans discernement les enfants soumis à l’exploitation sexuelle commerciale plutôt que de les traiter comme des victimes (Ministère américain du travail, 2020).
Le Soudan du Sud a ratifié la plupart des principales conventions internationales concernant le travail des enfants. Il y a cependant encore des lacunes dans le cadre juridique du pays pour qu’il soit à même de protéger adéquatement les enfants contre les pires formes de travail des enfants et faire respecter l’âge de la scolarité obligatoire (Département américain du travail, 2020).
Enfants soldats
Depuis que la guerre civile a éclaté en décembre 2013, les forces loyales au président Kiir et les forces loyales à Machar ont continué à recruter des enfants dans leurs rangs. Bien que les deux parties à la guerre civile aient signé l’accord de paix de compromis en 2015, qui comprenait un cessez-le-feu, la promesse de négocier un accord de partage du pouvoir et l’engagement de mettre fin à l’utilisation d’enfants dans les forces armées et les groupes armés, le rythme du recrutement coercitif et le nombre d’enlèvements forcés qui y sont liés ont semblé augmenter au cours des six premiers mois de 2015 (UNICEF, 2020).
L’UNICEF estime que jusqu’à 16 000 enfants, principalement des garçons, ont été recrutés entre décembre 2013 et octobre 2015 et utilisés par les deux forces armées engagées dans la guerre civile. Les enfants sont utilisés pour remplir différents rôles, qui les mettent en grand danger, comme combattants, porteurs, cuisiniers ou épouses (UNICEF, 2020).
En 2018 s’est poursuivi le recrutement et l’utilisation d’enfants dans la guerre civile (Ministère américain du travail, 2020), avec des niveaux les plus élevés de recrutement, d’utilisation et de ré-enrôlement d’enfants dans les régions de l’État de l’Unité, en Equatoria, dans le Nil Supérieur et le Jonglei. L’armée nationale du Soudan du Sud et le Mouvement de libération nationale du Soudan du Sud (SSNLM) ont enlevé de force des enfants dans leurs foyers, leurs écoles et leurs communautés (Ministère américain du travail, 2020).
Dans certains cas, des enfants enrôlés par des groupes armés ont pu être libérés. Le programme national de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), en collaboration avec des partenaires internationaux, est parvenu à libérer 303 enfants associés à des groupes armés (224 garçons et 79 filles) et à les inscrire dans des programmes de réintégration dans les États d’Équatoria occidental, d’Équatoria central, d’Unité et du Bahr al-Ghazal septentrional (UNICEF, 2019).
Mutilations génitales féminines (MGF) et mariage d’enfants
La prévalence des MGF chez les femmes âgées de 15 à 49 ans au Soudan du Sud est nettement plus faible que dans les pays voisins puisqu’elle se situe autour de 1%. Elle est de 90% au Soudan, 80% en Ethiopie et 32% au Kenya (UNICEF, 2020). Les MGF constituent une infraction pénale en vertu de l’article 258 de la loi sur le code pénal (ministère des affaires juridiques et du développement constitutionnel, 2009) et 80 % de la population sud-soudanaise désapprouve cette pratique.
Cependant, une pratique appelée « indemnisation par les filles » perdure dans certaines communautés de l’Equatoria oriental : lorsque des violences ont eu lieu entre deux familles et qu’une personne a été tuée, une fille est donnée à la famille lésée à titre de compensation (UNICEF, 2020). Ces filles, qui n’ont aucune possibilité d’éducation et de développement, sont exploitées sexuellement et portent toute leur vie le stigmate de la honte pour les actes commis par leur famille. Elles quittent leur famille à un âge précoce pour aller vivre avec leur nouvelle famille, ce qui les expose à un stress psychologique. Elles sont accablées par le travail, doivent donner naissance à des enfants afin de soutenir leur nouvelle famille et sont parfois forcées à se marier (UNICEF, 2020).
Les mariages d’enfants sont encore courants au Soudan du Sud. Il s’agit pourtant d’une grave violation des droits de l’enfant, qui entraîne des grossesses précoces, mettant en danger la vie de la mère et de l’enfant (UNICEF, 2019). Les filles et les garçons sont privés d’éducation et, en fin de compte, les conséquences des mariages précoces sont durables. Environ 45 % des filles du Soudan du Sud sont mariées avant l’âge de 18 ans, ce qui en fait l’un des pays où la prévalence du mariage d’enfants est la plus élevée au monde (UNICEF, 2019).
De nombreuses communautés du Soudan du Sud considèrent le mariage comme étant dans l’intérêt des filles et de leurs familles (UNICEF, 2020). C’est également un moyen important pour les familles d’accéder à des ressources indispensables telles que du bétail, de l’argent et d’autres cadeaux, par le biais de la pratique traditionnelle du paiement de la dot (UNICEF, 2020).
Les défis environnementaux
Le Soudan du Sud est confronté à de nombreux défis en matière d’environnement et de ressources naturelles, comme la dégradation des terres et des sols, la déforestation généralisée, la perte de la biodiversité et de l’habitat des espèces sauvages ou la pollution des rivières et de l’air. La situation environnementale du pays s’est également dégradée à la suite des conflits armés, qui ont entraîné une insécurité alimentaire et un accès insuffisant à l’eau potable. Le Soudan du Sud dépendant d’une agriculture de subsistance, un secteur agricole florissant est très important pour le développement à long terme du pays (Organisation mondiale de la santé, 2020).
Au Soudan du Sud, 80 % de la population dépend de l’agriculture de subsistance pour vivre. De plus, la forte dépendance des Sud-soudanais au bois de chauffage et au charbon de bois contribue à un taux de déforestation annuel compris entre 1,5 et 2,0 % (Programme des Nations unies pour l’environnement, 2018). Les facteurs environnementaux ont un impact sur la santé : on a constaté une augmentation des maladies liées à l’environnement, telles que le paludisme, la typhoïde et les maladies diarrhéiques d’origine hydrique (Organisation mondiale de la santé, 2020). Cette situation est en grande partie due à une contamination généralisée de l’eau par le ruissellement urbain et à un mauvais assainissement de l’environnement, qui résulte d’une élimination inadéquate des déchets solides et liquides.
Rédigé par Igi Nderi
Traduit par Sophie Narayan
Dernière mise à jour le 8 septembre 2020
Références:
BBC News. (2018, August 6). South Sudan Country Profile. Retrieved from BBC News.
Gore, R. P., Loro, R. L., Oryern, E., Iro, R. E., Reec, W. B., Mundu, C. N., & Taban, M. (2015). Phenomena of Street Children in Juba, the Capital of South Sudan a Problem Attributed to Long Civil War in Sudan. Community Medicine & Health Education, 356.
Human Rights Watch. (2020) South Sudan. Retrieved from Human Rights Watch.
Kibret, B. (2015). The Situation of Street Children in Selected Cities of South Sudan: Magnitude, Causes and Effects. Eastern Africa Social Science Research Review, 63-87.
Robert O. Collins, L. L. (2019, June 7). South Sudan . Retrieved from Encyclopaedia Britannica.
UNHCR. (2020, September 3). South Sudan emergency. Retrieved from UNHCR.
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[1] Cet article ne prétend nullement dresser un compte-rendu exhaustif du droit des enfants au Soudan du Sud. L’un des nombreux défis est justement le peu d’informations actualisées sur ce sujet, la majorité de ces informations étant peu fiables, non représentatives, dépassées ou simplement inexistantes.