Concrétiser les droits de l’enfant au Costa Rica
Le Costa Rica est un pays à revenu moyen supérieur qui a connu un développement économique graduel durant ce siècle (Banque Mondiale, 2021). Malgré des progrès, les inégalités de revenus restent un défi de premier plan pour le pays conduisant à d’importants écarts dans l’accès aux services nationaux (OCDE, 2016). Par conséquent, il y a une nécessité urgente de s’assurer que les droits des enfants soient protégés à travers le pays pour éviter les discriminations et les traitements injustes en particulier parmi les minorités et les communautés rurales.
Indice des Droits de l’Enfant: 8,54 / 10
Niveau jaune : Situation plutôt bonne
Population : 5,1 millions
Pop. de 0 à 14 ans : 21 %
Espérance de vie : 80,27 ans
Mortalité des moins de 5 ans : 7.9 ‰
Un aperçu du Costa Rica
La République du Costa Rica (República de Costa Rica), dont la capitale est San José, est un pays d’Amérique Centrale. Il est situé sur l’isthme de Panama, une bande de terre qui s’étend sur 640 kilomètres (400 miles) de la frontière du Costa Rica à la frontière colombienne. Il partage des frontières terrestres avec le Nicaragua au Nord et le Panama au sud. Le Costa Rica a des côtes des deux côtés, avec la mer des Caraïbes à l’est et l’océan Pacifique à l’ouest (BBC Monitoring, 2018).
À la suite de l’arrivée de Christophe Colombe en 1522, le Costa Rica fut colonisé par les espagnols, et en 1563 la capitale coloniale a été établie à Carthage. En 1821, le Costa Rica avait déclaré son indépendance et il rejoint l’empiredu Mexique. Après la désintégration des Provinces-Unies d’Amérique Centrale en 1838, le Costa Rica est devenu un pays totalement indépendant (BBC Monitoring, 2018).
Depuis l’abolition de son armée en 1948, le Costa Rica reste l’un des pays les plus stables politiquement de la région d’Amérique Centrale. Bien qu’une importante majorité de Ticos (terme désignant les Costaricains) viveen dessous du seuil de pauvreté, il possède l’un des plus hauts niveaux de vie d’Amérique Centrale (BBC Monitoring, 2018). Depuis l’abolition de l’armée, la constitution du pays a donné aux femmes le droit de vote et s’est engagée à sauvegarder les droits humains, sociaux, économiques et éducatifs de tous les citoyens.
L’environnement naturel du Costa Rica possède une abondante biodiversité avec des plages, des volcans, des chaînes de montagnes ainsi qu’une faune diversifiée. L’économie repose sur l’agriculture et l’exportation de produits comme les bananes, le café et les ananas (BBC Monitoring, 2018).
Statut des droits de l’enfant [1]
En 1990, le Costa Rica a ratifié la Convention des Droits de l’Enfant (CRC). En 2002, le gouvernement a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux Droit de l’Enfant, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et le Protocole facultatif à la Convention relative à l’implication des enfants aux conflits armés en 2003. Au regard des lois nationales, l’article 7 de la Constitution du Costa Rica garantit que les traités internationaux qui ont été approuvés par l’Assemblée Législative – y compris le CRC- ont une autorité supérieure aux lois nationales et peuvent être appliqués lorsque les tribunaux entrent en conflit avec les lois nationales (CRIN, 2013).
Malgré la ratification, le Comité des droits de l’enfanta cité la mise en œuvre insuffisante des dispositions législatives du pays comme un sujet de préoccupation, recommandant des améliorations à l’échelle nationale pour administrer ces dispositions et les harmoniser avec les réglementations locales (Comité des droits de l’enfants, 2020).
L’agence nationale deprotection de l’enfance du Costa Rica (PANI) a été créée en 1930 pour garantir d’une manière indépendante la protection des droits des enfants et de leurs mères (ECPAT ‘‘International et Fundacíon PANIAMOR’’, 2018). En complément du PANI, le Conseil national de l’enfance et de la jeunesse (CNNA) créé en 1998, siège sous la présidence et facilite la coordination institutionnelle pour la protection des droits de l’enfant (ECPAT ‘‘International et Fundación PANIAMOR, 2018)
Répondre aux besoins des enfants du Costa Rica
Le droit à l’éducation
Au cours de la dernière décennie, le Costa Rica a fait des progrès significatifs vers l’élargissement de l’accès aux opportunités d’éducation. Conformément à la cible 4.2 des Objectifs de Développement Durable, le Costa Rica est un exemple phare dans la région en ce qui concerne la transition vers une éducation préscolaire obligatoire de deux ans (Education Internationale, 2018).L’éducation préscolaire a connu une forte augmentation et la couverture de l’école primaire est presque nationale. Le Costa Rica fut l’un des premiers pays sur le continent à atteindre cet objectif et sa décision d’imposer l’enseignement secondaire obligatoire a donné des résultats positifs.
Au niveau d’enseignement le plus élevé, deux fois plus d’enfants fréquentent l’école postscolaire par rapport à l’an 2000 (OCDE, 2017). Cependant, malgré les progrès, la fréquentation préscolaire reste peu performante. Près de 40% des enfants n’ont pas accès aux opportunités éducatives dès la petite enfance bien que ce soit obligatoire (OCDE, 2017).
L’espagnol est la langue officielle enseignée à l’école. Cependant, cela n’inclue pas les enfants autochtones. En 2013, un décret a été adopté pour reconnaître lecabécar, le bribri, le ngöbe, le buglé, et le maleku comme les langues maternelles des peuples autochtones. Malgré cela, il n’a pas été nationalisé et l’espagnol reste la seule langue enseignée dans les écoles (Cultural Survival, 2019). Le Ministère de l’Éducation Interculturelle et le Ministère de l’Éducation Publique organisentdes programmes éducatifs afin de promouvoir les cultures autochtones. Ils encouragent aussi le recours à un matériel éducatif bilingue pour répondre aux besoins des enfants autochtones en matière d’éducation (Cultural Survival, 2019).
Depuis 2018, les protestations contre le gouvernement au Nicaragua ont causé la fuite de milliers de familles, recherchant la protection du Costa Rica, en particulier dans la ville d’Upala. En vertu de la loicostaricienne, l’éducation primaire gratuite est obligatoire pour tous les enfants quelque soit leur statut migratoire, c’est pourquoi les écoles locales d’Upala ont connu un afflux important d’enfants nicaraguayens (Mora, 2019).
L’école préscolaire et l’instruction élémentaire sont gratuites et obligatoires pour tous les enfants au Costa Rica. Malgré cela, les enfants issus des communautés de minorités ethniques, situés dans les zones rurales et ceux identifiés comme LGBTQI+ sont sous-représentés dans les institutions éducatives (Département américain du travail, 2020). L’accès aux enjeux éducatifs a été exacerbé par le Covid 19 alors que le gouvernement fermait les écoles pour diminuer les contaminations et adoptait un mode d’enseignement virtuel. Cette décision a exclu une grande partie de la population enfantine qui n’avait pas un accès suffisant à Internet (Département américain du travail, 2020).
Le droit à la santé
Dans une étude sur les Peuples Autochtones du Costa Rica de l’Organisation Panaméricaine de la Santé et de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) datant de 2019, il a été établi que 46 % des enfants autochtones ne survivent pas au-delà de l’âge de l’âge de quinze ans. Le taux de suicides parmi les adolescents entre l’âge de quinze et dix-neuf ans est quatre fois plus élevé que la moyenne nationale.
A l’âge de dix-neuf ans, 49 % des adolescentes autochtones ont accouché (Cultural Survival, 2019). Dans l’observation finale du Comité des Droits de l’Enfant en 2020 au Costa Rica, il a été recommandé au gouvernement que les enfants autochtones aient un meilleur accès aux soins médicaux et aux services de santé (Comité des Droits de l’Enfant, 2020).
Le droit à l’eau potable et à l’assainissement
Au Costa Rica, 99 % de la population a accès à l’eau, mais ce pourcentage tombe à 82 % pour ceux qui ont accès à une eau potable fiable (The Borgen Project, 2020). Les efforts du pays pour garantir une eau potable salubre pour tous sont minés par le défi de la gestion des eaux usées, les catastrophes naturelles fréquentes et la pollution généralisée des plans d’eau naturelle (The Borgen Project, 2020).
En 2020, à l’occasion de la Journée Mondiale de l’Environnement, Carlos Alvarado, le président du Costa Rica, a signé une loi garantissant à tous les citoyens l’accès à l’eau. Cela fait suite à de nombreux projets nationaux visant à élargir l’accès à l’eau potable dans les milieux urbains et ruraux.
Environ 77 % des costaricains ont accès à l’assainissement, principalement grâce à des fosses septiques nationales (Gabriela Cuadrado-Quesada, 2020). Cependant, les ressources limitées de l’État dédiées aux améliorations dans ce domaine continuent d’étouffer les progrès malgré la commercialisation continue (Gabriela Cuadrado-Quesada, 2020).
Le droit à une identité
Dans la Constitution Politique du Costa Rica (Constitution du Costa Rica), tout enfant né au Costa Rica quelle que soit la nationalité de ses parents, a le droit d’être enregistré à la naissance en tant que costaricain. L’enregistrement de la naissance doit avoir lieu avant ses dix- huit ans ou il peut être effectué par l’enfant avant l’âge de vingt-cinq ans. Toutes les naissances sont enregistrées au Tribunal Supremo de Elecciones, le Tribunal électoral suprême du Costa Rica également connu sous le nom de TSE (Consortium for Street Children, 2019).
En théorie, toutepersonne née au Costa Rica ou ayant au moins un parent costaricain a le droit de demander la nationalité. Cependant, des problèmes subsistent pour les travailleurs saisonniers et les personnes d’origine autochtone travaillant aux frontières avec le Nicaragua et le Panama (Département d’état américain, 2021). Une des difficultés récurrentes est l’enregistrement des naissances des enfants du groupe panaméen Ngöbe-Bugle car ces enfants sont souvent nés au Costa Rica de parents qui traversent fréquemment la frontière pour des travaux agricoles.
En dépit de la validité de leur demande de citoyenneté costaricienne, les parents pensent rarement qu’il est nécessaire d’enregistrer la naissance de leurs enfants dans l’un ou l’autre pays, créant un groupe d’enfants apatrides souvent appelés les « Chiriticos» (Département d’état américain, 2021). Afin de résoudre ce problème, le Registre national de l’état civil a travaillé aux côtés du HCR pour faciliter l’enregistrement tardifs des naissances pour tous les enfants apatrides des zones frontalières du pays (Département d’état américain, 2021).
Additionnellement, et dans le cadre du Plan d’action global pour mettre fin à l’apatridie 2014-2024 du HCR ; l’UNICEF, le HCR et le TSE ont établi un projet pour mettre fin à l’apatridie au Costa Rica. Ce projet vise à aider les familles autochtones dans les procédures d’enregistrement des naissances et les procédures et de nationalité, en particulier la migration transfrontalière des peuples autochtones Ngöbe-Bugle. Depuis la création de ce projet, deux millions de procédures administratives ont été accélérées (Consortium for Street Children, 2019).
En 2020, dans la conclusion finale du Comité des Droits de l’Enfant sur le Costa Rica, il a été recommandé que le gouvernement veille à ce que les enfants autochtones et migrants soient enregistrés à la naissance et qu’ils aient accès à tous les documents d’identité personnels (Comité des Droits de l’Enfant, 2020).
Facteurs de risques → Les défis spécifiques du pays
L’exploitation sexuelle
Entre 2011 et 2016, l’Agence Nationale de Protection de l’Enfance (PANI) du Costa Rica a reçu un millier de rapports sur l’exploitation sexuelle des enfants. Le Costa Rica joue un rôle important à toutes les étapes de la chaîne de la traite. En 2017, le pays a été identifié comme un pays d’origine, de transit et de destination pour la traite des êtres humains, avec des risques particuliers pour les filles migrantes (CEDAW, 2017). Les statistiques nationales ont identifié 211 victimes de traite des êtres humains entre 2010 et 2018, dont 43 enfants et 40 personnes victimes de la traite a des fins d’exploitation sexuelle (ECPAT International et Fundación PANIAMAMOR, 2018).
Malgré ces rapports, lesinformations récentes sur la traite des êtres humains au Costa Rica sont rares, ce qui rend difficile d’évaluer la l’ampleur réelle du défi auquel le pays est confronté aujourd’hui. Plus encore, et comme l’a souligné le Bureau International des Droits desEnfants, les idées culturelles erronées et les comportements favorisent l’exploitation sexuelle des enfants. La prostitution est largement tolérée et il y a une conscience très limitée des abus sexuels et de l’exploitation conduisant à un manque de rapports concernant ces infractions (ECPAT International et Fundación PANIAMAMOR, 2018).
Le travail des enfants
En 2020, le gouvernement a réalisé des avancées significatives dans l’élimination des pires formes de travail infantile en ratifiant le Protocole à la Convention sur le travail forcé de 1930. L’environnement naturel du Costa Rica permet la culture du café en abondance et en fait l’un des principaux pays exportateurs. Cette industrie a soumis les enfants aux pires formes de travail infantile (Département américain du travail, 2020).
Le Costa Rica a ratifié toutes les conventions internationales clés concernant le travail des enfants comme la Convention sur l’âge minimum du travail de l’Organisation Internationale du Travail (OIT), 1973 (N°.138); la Convention sur les pires formes de travail infantile, 1999 (N°.182); UN CIDE, le Protocole de Palerme sur la traite des personnes; le Protocole facultatif de la CDE des Nations Unies sur le vente des enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants en scène, le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits; Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution d’enfants et la pornographie infantile (Département américain du travail, 2020).
Malgré la ratification de nombreuses conventions internationales, les insuffisances au sein du Ministère du Travail et de la Sécurité Sociale ont laissé des lacunes dans le cadre juridique pour protéger efficacement les enfants des pires formes de travail infantile (Département américain du travail, 2020).
Malgré ces insuffisances, le gouvernement a pris l’initiative de développer des stratégies clés comme la Feuille de Route Contre le Travail des Enfants, les Pires Formes de Travail des Enfants 2010- 2020 et le Plan National pour le Développement 2019- 2022 concernant l’élimination du travail des enfants au Costa Rica. Le gouvernement a également financé des programmes qui s’adressent aux enfants travailleurs (Département américain du travail, 2020).
Depuis 2002, le gouvernement a créé un programme social appelé «Casas de la Alegría» «Maisons de la Joie». Ce programme social vise à fournir une alternative au travail des enfants pendant la saison de récolte du café de Septembre à Janvier. En 2018, il a été constaté que moins de 25 % des enfants Ngöbe et Muglé récoltaient du café depuis la mise en place du programme social (Cultural Survival, 2019).
On estime qu’approximativement 2 500 enfants Ngöbe et Bublé vivant le long de la frontière entre le Costa Rica et le Panama sont embauchés comme travailleurs infantiles saisonniers, travaillant sur les plantations de café qui sont source de revenus. Pendant la saison des récoltes, tandis qu’ils voyagent avec leurs parents, ces enfants n’ont pas accès à l’éducation ou aux services sociaux. Par conséquent, ils sont soumis aux intempéries, et au manque d’accès aux soins médicaux et à l’éducation (Cultural Survival, 2019).
Le Costa Rica est également connu comme une destination pour le tourisme sexuel infantile, en particulier parmi les touristes venant des Etats-Unis et d’Europe. Les enfants migrants, en particulier du Nicaragua, sont souvent soumis à l’exploitation commerciale sexuelle principalement dans le Nord et dans les zones côtières du nord et du Pacifique du pays (Département américain du travail, 2020). L’âge minimum pour travailler au Costa Rica est inférieur à l’âge de la scolarité obligatoire, donc cela rend les enfants âgés de quinze à dix-sept ans vulnérables au travail infantile et à l’exploitation (Département américain du travail, 2020).
Un tiers des enfants engagés dans le travail infantile au Costa Rica travaillent dans le secteur agricole, dans les provinces côtières de Limon, Puntarenas et Guanacaste. Les enfants appartenant aux tribus autochtones ou aux groupes migrants, ainsi que les enfants d’ascendance Africaine sont exposés à un risque plus élevé d’exploitation par le travail. Dans une enquête mise à jour en 2020, l’Enquête nationale auprès des ménages a démontré que le nombre d’enfants engagés dans le travail infantile de l’âge de douze à dix- sept ans avait diminué de 13 328 en 2018 à 6 706 en 2019 (Département américain du travail, 2020).
La violence sexiste
La loi de 2007 sur la Criminalisation de la violence à l’égard des femmes du Costa Rica fournit la baselégislative pour la protection des femmes contre la violence domestique (UN Women, 2007). Nonobstant ces dispositions, il existe un bilan de niveaux élevés de violences contre les femmes dans le pays. Les statistiques nationales du début des années 2000 indiquaient que plus de 35 % des femmes ont été victimes de violence de la part de leur partenaire (UN Women, 2007). Des données plus récentes indiquent qu’il y avait plus de dix mille femmes victimes de violence sexiste en 2020 (Infosegura, 2020).
En réponse à ces atrocités, le gouvernement a institutionnalisé une nouvelle législation pour élargir les définitions nationales et les compréhensions locales de la violence sexiste. En 2020, le pays a adopté une nouvelle Loi contre le harcèlement sexuel de rue. En 2021, la Loi sur la criminalisation de la violence à l’égard des femmes a été élargie pour s’assurer que le féminicide ne puisse se produire dans aucune relation amoureuse- une extension significative de l’ancienne législation du pays (Infosegura, 2020).
Ecrit par Vanessa Cezarita Cordeiro
Traduit par Clarisse Dehaeck
Révisé par Khalid Aada
Dernière mise à jour le 20 mars 2022
Références :
OECD. (2017). “Education in Costa Rica.” Retrieved from OECD, accessed on 10 March 2022.
[1] Cet article ne prétend en aucun cas donner un compte- rendu complet ou représentatif des droits des enfants au Costa Rica ; en effet, l’un des problèmes défis est le peu d’informations mises à jour sur les enfants au Costa Rica, dont la plupart sont peu fiables, non représentatives, dépassées ou tout simplement inexistantes.