Réaliser les droits de l’enfant à Cuba
Le gouvernement cubain fait preuve d’une forte volonté politique de garantir le bon développement et le bien-être des enfants. Le pays est un leader régional et mondial en matière d’éducation de la petite enfance et de soins de santé infantile et continue d’intégrer des textes de loi internationaux pertinents. Malgré les résultats obtenus, des améliorations sont encore possibles, en particulier en ce qui concerne l’âge moyen de la responsabilité pénale dans le pays.
Indice des Droits de l’Enfant: 7,64/ 10
Niveau orange : Problèmes sensibles
Population : 11,3 millions
Pop. de 0 à 14 ans : 16 %
Espérance de vie : 78,8 ans
Mortalité des moins de 5 ans : 5.1 ‰
Cuba en un coup d’œil
La République de Cuba (República de Cuba), un État socialiste, est le plus grand groupe d’îles de la mer des Caraïbes, comprenant l’île de Cuba, l’île de la Jeunesse (Isla de la Juventud) et plusieurs îles plus petites. L’archipel est situé à l’ouest de la partie nord de la mer des Caraïbes, à l’ouest de l’océan Atlantique et à l’est du golfe du Mexique. Sa situation géographique unique place Cuba au sud de l’est des États-Unis et des Bahamas, à l’est du Mexique, à l’ouest d’Haïti et des îles Turks et Caicos, et au nord des îles Caïmans et de la Jamaïque. L’île est située à environ 93,3 miles (150 kilomètres) de Key West, en Floride (CubanResearch Institute, 2021).
Avant la colonisation, les premiers habitants de Cuba étaient les Taíno, les Guanahatabey et les Ciboney. Au 15e siècle, l’arrivée de Christophe Colomb a fait de Cuba une colonie espagnole et l’archipel l’est resté jusqu’en 1898. À cette époque, l’économie cubaine dépendait fortement de l’exportation de café, de tabac et de sucre vers l’Amérique du Nord et l’Europe (CubanResearch Institute, 2021).
Historiquement, Cuba a été marquée par des coups d’état politiques et une instabilité institutionnelle qui remonte à 1868 et à la lutte du pays pour obtenir son indépendance de la domination coloniale espagnole. Le 20 mai 1902, Cuba a officiellement acquis son indépendance et les États-Unis ont mis fin à l’occupation militaire du pays (CubanResearch Institute, 2021).
Cette date n’a cependant pas marqué la fin des troubles civils et de l’agitation politique. Entre 1929 et 1940, Cuba a connu de multiples coups d’État, catalysés par le renversement du dictateur Gerardo Machado en 1933. La période qui a suivi, appelée « l’ère de la démocratie », a été marquée par l’établissement d’une nouvelle Constitution, qui a ouvert une nouvelle ère de droits socio-économiques (CubanResearch Institute, 2021).
Le conflit et l’agitation ont ensuite éclaté lorsque le général Batista a destitué le président Socarrás, annulant la Constitution et suspendant les processus électoraux. Ce fut précisément l’occasion pour Fidel Castro et sa guérilla de prendre le pouvoir, en 1959, et de se tourner immédiatement vers l’URSS afin d’obtenir son soutien dans le sillage de l’embargo américain en cours.
Malgré l’invasion de la Baie des Cochons, soutenue par les Etats-Unis, et la tristement célèbre crise des missiles, Castro a pu se maintenir au pouvoir jusqu’en 2006 grâce au soutien soviétique. Cette période s’est définie par un fort contrôle autoritaire du gouvernement et une contestation limitée du pouvoir de l’État. Suite à la maladie de Fidel, Raul, son frère, a pris le pouvoir et été officiellement élu président en 2008 (CubanResearch Institute, 2021).
Statut des Droits de l’Enfant[1]
Cuba s’est engagée à respecter plusieurs instruments internationaux de protection des droits de l’enfant. En 1991, le gouvernement a ratifié la Convention relative aux droits de l’enfant(CDE). En 2001, Cuba a ratifié le Protocole facultatif concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et, en 2007, le Protocole facultatif concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.
Bien que Cuba ne dispose pas d’une loi consolidée sur les enfants, il existe plusieurs textes de loi nationaux qui ont intégré la Convention des Nations unies relative aux droits de l’enfant (CDE) et qui concernent les enfants. Par exemple, des lois telles que : le Code de l’enfance et de la jeunesse, le Code civil, le Code de la famille, le Code du travail, le Code pénal, la loi sur la maternité des travailleuses et la loi sur le registre civil (CRIN, 2011).
En 2011, le Comité des droits de l’enfant s’est dit préoccupé, à la fois par la législation nationale en vigueur à Cuba et par sa capacité à protéger de façon appropriée les droits de l’enfant, ainsi que par la capacité du pays à adopter et intégrer une nouvelle législation (CRIN, 2011). La définition de l’enfant dans le pays est particulièrement préoccupante, l’âge de la majorité étant de seize ans.
Ainsi les enfants âgés de seize ans peuvent se marier et travailler sans bénéficier de la protection des dispositions relatives aux enfants (CRIN, 2011). La loi autorise en outre les châtiments corporels et ne prévoit pas de système de justice pour les enfants âgés de 16 à 18 ans, ce qui permet à l’État de condamner des mineurs au même titre que les adultes,sansl’assurance d’un système judiciaire spécialisé pour les enfants (CRIN, 2011).
Malgré ses manquements, Cuba est devenue en 2015 le 180ème membre de l’Organisation internationale du travail lorsque le gouvernement a ratifié la Convention (n° 182) sur les pires formes de travail des enfants. La ratification de cette Convention démontre l’engagement du gouvernement à protéger les enfants contre le travail des enfants sous toutes ses formes (OIT, 2015).
Répondre aux besoins des enfants à Cuba
Droit à l’éducation
À Cuba, l’éducation et les soins de santé sont une priorité pour le gouvernement. Le droit à l’éducation est inscrit dans les articles 39 et 51 de la Constitution de la République de Cuba, le Code de l’enfance et de la jeunesse de 1978 et le Code de la famille. L’éducation de la petite enfance, jusqu’à l’âge de six ans, est financée par l’État, bien qu’elle ne soit pas obligatoire. L’éducation de la petite enfance est organisée en deux institutions : les crèches et l’école maternelle (UNICEF Cuba, 2016).
Selon le ministère de l’éducation (MINED), il y a à Cuba plus de 855 000 enfants âgés de moins de 6 ans, parmi lesquels 99,5% fréquentent l’éducation de la petite enfance. Le gouvernement cubain a adopté une approche holistique de l’éducation de la petite enfance et est devenu un leader régional dans ce domaine, se targuant d’avoir le plus grand nombre d’interventions sociales entre le moment de la grossesse et le début de la scolarité (UNICEF Cuba, 2016).
Depuis 1961, des centres d’éducation préscolaire ainsi que des garderies ont été créés pour fournir aux enfants cubains des services d’éducation, de nutrition et de soins de santé adéquats. L’Institut de l’enfance (Instituto de la Infancia) a été créé en 1971 pour coordonner toutes les institutions œuvrant au développement de la petite enfance dans des secteurs tels que la santé, la culture et les sports (UNICEF Cuba, 2016).
L’engagement du gouvernement cubain en matière d’éducation est illustré par le programme « Éduquez votre enfant », qui offre à tous les enfants la possibilité d’accéder à l’éducation préscolaire afin d’être préparés à la première année d’école. Ce programme est fondé sur trois principes, à savoir : la famille, la communauté et une approche intersectorielle de l’éducation.
On considère que les familles jouent un rôle central dans le programme, car il les forme et les prépare à améliorer leurs compétences parentales et à faire participer leurs enfants à des activités stimulantes à la maison. Au-delà des familles, les communautés jouent également un rôle essentiel en enseignant aux enfants la culture, les traditions, les valeurs et l’importance des interactions positives. Enfin, le programme utilise une approche intersectorielle, qui s’appuie sur les services existants de développement des enfants, qui leurs sont offerts au niveau communautaire (UNICEF Cuba, 2016).
À l’échelle régionale, le programme « Éduquez votre enfant » a incité les gouvernements de Colombie, d’Équateur, du Brésil, du Guatemala, du Mexique et du Venezuela à adopter des programmes similaires pour les enfants (UNICEF Cuba, 2016).
Le droit à la santé
Le droit à la santé est illustré par l’article 50 de la Constitution de la République de Cuba et par les articles 13 et 113 du Code de l’enfance et de la jeunesse (UNICEF Cuba, 2016). À Cuba, l’accès aux soins de santé infantile et la qualité de ces soins sont louables, comme en témoigne le faible taux de mortalité infantile. Cuba, qui a réussi à réduire progressivement son taux de mortalité infantile, possède le deuxième taux de mortalité des moins de 5 ans le plus bas d’Amérique, derrière le Canada. L’excellence du pays en matière de soins de santé infantile peut être attribuée à son système intégré et cohérent des soins de santé et d’éducation (Gonzalez & Choonara, 2019).
En juin 2015, sous la direction de l’OMS, de l’UNICEF et de l’ONUSIDA, Cuba est devenue le premier pays au monde à achever le processus de validation officielle de l’élimination de la transmission mère-enfant du VIH et de la syphilis congénitale. Le Programme national de vaccination veille à ce que tous les enfants soient vaccinés contre les maladies (UNICEF Cuba, 2016).
À Cuba, le système national de santé a été développé dans les années 1960 et a mis l’accent sur les soins de santé primaires et les services de soins de santé destinés aux enfants. Les soins de santé maternelle et infantile ont été considérés comme prioritaires par le gouvernement, depuis la création de maternités dans les années 1960 jusqu’à la création de banques de lait maternel dans les années 2000 (UNICEF Cuba, 2016).
Droit à l’eau potable et à l’assainissement
Environ 94% des Cubains bénéficient de « sources d’eau potable améliorées », c’est-à-dire protégées de toute contamination extérieure (UNICEF, 2022). Les statistiques officielles indiquent que près de 80% du pays reçoit de l’eau propre grâce aux systèmes d’aqueducs fournis par le gouvernement (Latina, 2022). En termes d’assainissement, 60 % du pays a accès à des systèmes de vidange, de traitement et d’élimination des déchets appropriés (Latina, 2022).
Malgré des statistiques apparemment positives et la garantie constitutionnelle de Cuba selon laquelle tous les citoyens ont accès à l’eau potable, la réalité sur le terrain est préoccupante. De nombreuses régions du pays ont un accès sporadique à l’eau potable, qui n’est disponible que quelques heures chaque jour (Liubchenkova, 2020). En outre, le pays souffre de précipitations irrégulières et d’un manque de financement récent de la part du gouvernement, pour garantir l’entretien et la réparation nécessaires des installations sanitaires (Liubchenkova, 2020).
Droit à l’identité
Selon l’article 33 de la Constitution de la République de Cuba, la citoyenneté s’acquiert à la naissance ou par naturalisation (Consortium pour les enfants des rues). A Cuba, les mesures de protection de l’enfance sont mises en œuvre par le biais des systèmes de soins de santé et d’éducation. Par exemple, l’enregistrement des naissances est considéré comme une mesure de protection de l’enfance, coordonnée entre le Ministère de la Justice et le Ministère de la Santé Publique. Presque toutes les naissances dans le pays ont lieu dans des établissements de soins de santé qui proposent l’enregistrement des naissances. L’enregistrement des naissances est une nécessité, car il existe des mécanismes institutionnels, tels que la scolarisation et la vaccination, qui exigent une « carte d’identité de mineur », ce qui rend essentiel l’enregistrement correct des enfants (UNICEF Cuba, 2016).
Facteurs de risques → Défis spécifiques au pays
Trafic d’enfants
Cuba est considérée comme un pays d’origine et de transit pour la traite des personnes. Les trafiquants sont souvent des membres de la famille et des parents proches, qui soumettent les femmes et les enfants à la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail. Généralement, les Cubains qui tentent de se rendre aux États-Unis en passant par des pays d’Amérique du Sud ou d’Amérique centrale sont susceptibles d’être victimes de la traite à des fins d’exploitation sexuelle ou de travail des enfants (Assemblée générale des Nations Unies, 2018).
À l’intérieur du pays, des cas ont été constatés de garçons et de filles soumis à la traite à des fins d’exploitation sexuelle par des membres de leur famille. Ces enfants, dont certains n’ont pas plus de dix ans, sont contraints par des membres de leur famille à avoir des relations sexuelles avec des Cubains et des étrangers pour de l’argent, afin de soutenir financièrement leur famille (Assemblée générale des Nations unies, 2018).
Cuba se situe au niveau 3 du rapport annuel du Département d’État américain sur la traite des personnes, selon lequel le pays ne respecte pas les normes minimales attendues pour l’élimination de la traite des personnes et ne déploie pas d’efforts significatifs pour y parvenir (Département d’État américain, 2021). La législation ne criminalise pas le recrutement, le transport et l’accueil d’enfants à des fins de traite (Département d’État américain, 2021). Par conséquent, le pays est un marché pour le trafic sexuel et le travail forcé (Département d’État américain, 2021).
Le gouvernement a créé des Centres de protection et d’orientation de l’enfance et une Direction de la protection de la famille et des questions juridictionnelles afin d’aider les enfants victimes de trafic. Cependant, peu d’éléments indiquent que ces institutions reçoivent un financement adéquat et obtiennent des résultats prometteurs (Département d’État américain, 2021).
Le mariage des enfants
Dans une enquête en grappes à indicateurs multiples réalisée par l’UNICEF en 2019 à Cuba, il a été constaté que 29,4% des femmes âgées de 20 à 24 ans avaient été mariées avant l’âge de dix-huit ans et 4,8% avant l’âge de quinze ans. Pour les hommes âgés de 20 à 24 ans, 5,9% avaient été mariés avant l’âge de dix-huit ans et 1,5% avant l’âge de quinze ans (UNICEF Cuba, 2020). La province de Jiguaníà l’est de Cuba, à Granma, présente le deuxième taux le plus élevé de fécondité chez les adolescentes avec 68,8% en 2018. Le manque d’éducation sexuelle et les pressions sociétales obligent les familles à pousser leurs filles à un mariage précoce si elles tombent enceintes (Reina, 2022).
Le gouvernement a entrepris une étude sur l’interdiction complète du mariage d’enfants à Cuba par le biais d’une réforme juridique. Cette réforme vise à supprimer l’exception qui permet aux filles de se marier à partir de quatorze ans et aux garçons à partir de seize ans (Cuba News, 2021).
Justice juvénile et enfants en conflit avec la loi
En vertu de l’article 16 du Code pénal cubain, l’âge minimum de la responsabilité pénale est de 16 ans et les enfants sont passibles de peines applicables aux adultes. Toutefois, il n’y a pas d’âge minimum auquel un enfant peut être passible de peines dont la privation de liberté dans les centres de rééducation de Cuba (CRIN). Actuellement, 662 enfants âgés de seize à dix-huit ans sont détenus dans les prisons cubaines. Sur ces 662 enfants, 274 ont entre seize et dix-sept ans et les autres ont dix-huit ans (Comité des droits de l’enfant, 2021).
En juillet 2021, après une série de manifestations contre le régime du Parti communiste de Cuba (également connues sous le nom de manifestations du 11J), plus de 1 000 Cubains ont été arrêtés, dont une fraction d’enfants. Des enfants âgés d’à peine douze ans ont été détenus et accusés d’actes de vandalisme, de subversion à l’ordre constitutionnel et de sédition. Selon des organisations locales de défense des droits de l’homme, ces enfants sont actuellement détenus à l’Établissement pénitentiaire pour jeunes de l’ouest (Herrera, 2022).
Écrit par Vanessa Cezarita Cordeiro
Traduit par Stéphanie Roffat
Dernière mise à jour le 27 mars 2022
Références :
BBC News. (2018, May 1). “Cuba country profile.” Retrieved from BBC News, accessed on 24 March 2022.
[1] Cet article ne prétend en aucun cas donner un aperçu complet ou représentatif des droits de l’enfant à Cuba; en effet, l’une des nombreuses difficultés réside dans le peu d’informations actualisées sur les enfants cubains, dont la plupart sont peu fiables, non représentatives, dépassées ou tout simplement inexistantes.